Cartographie de la nature

Tracer une carte de la nature de la cour d’école enseigne des techniques de base de la cartographie et stimule l’observation détaillée de plantes et d’animaux au fil des saisons

Par Mark Batcheler

Traduction par Jocelyne Dickey

Il peut être intimidant d’enseigner l’écologie dans certains campus scolaires. Parfois, la cour de récréation est bordée par à peine plus qu’une petite bande de végétation ou est couverte de pelouse excessivement ordonnée et d’arbres et arbustes qui ne sont pas indigènes. Heureusement, la nature est dynamique et même en milieu urbain et suburbain, on peut retrouver des restes d’habitats originaux dans les sentiers et les rangées de conifères ou d’arbres à feuilles caduques qui poussent autour du campus. Ces restes offrent des opportunités pour investiguer l’habitat original et les espèces qui croissent dans la cour d’école. La cartographie de la nature est un outil précieux pour ces activités, car elle n’offre pas seulement une raison pour l’exploration mais elle stimule aussi les étudiants à compléter les « endroits vides », à chercher des lieux qui n’ont pas encore été explorés.

Entreprendre une carte

Comme point de départ pour construire une carte, je demande aux étudiants de tracer une carte avec toutes les caractéristiques de la cour d’école qu’ils peuvent se rappeler et de créer leur propre description de ces caractéristiques. Ceci peut être réalisé soit de manière individuelle ou en groupes, dépendant de l’âge et du nombre d’étudiants. Avec des étudiants plus jeunes que 12 ans, je dessine normalement une carte au tableau et je les laisse ajouter les détails. Ensuite je les laisse dessiner une copie de cette carte du mieux qu’ils peuvent. Cette forme de cartographie est comme un jeu de mémoire : je pousse les étudiants à la limite de leurs connaissances, attirant leur vision mentale sur des détails qu’ils se sont appropriés à travers l’expérience quotidienne de leur environnement. Il suffit dans ce cas de fournir du papier, des crayons, des effaces, des marqueurs et des crayons de couleur.

Laisser de côté les règles permet un cours plus artistique et rend les étudiants capables de se concentrer sur les connaissances qui jaillissent sans se préoccuper de détails tels que l’édifice qui est le plus grand. Même avec des enfants plus vieux (de 12 ans et plus), j’encourage le tracé libre des cartes avant d’introduire les concepts de l’échelle et de l’orientation (qui sont excellents pour développer des habiletés en mathématiques). Je permets aussi aux étudiants de comparer leurs cartes. Les recherches montrent que l’âge et le développement cognitif déterminent la perception et la capacité pour tracer des cartes. Au moyen de l’observation des cartes des autres, ils peuvent comprendre qu’il y a plus d’une manière de percevoir et d’interpréter le monde qui les entoure.

J’ai découvert que lorsqu’on fait la cartographie de la nature, les vues aériennes sont meilleures parce qu’elles sont faciles à ajuster dans le temps. Si le campus scolaire est trop vaste pour que les jeunes étudiants tracent une carte (il a beaucoup d’édifices, des champs, des trottoirs etc.), considérez l’espace de la salle de classe comme le point central des cartes. Puis développez la conscience des étudiants en les envoyant  de plus en plus loin de la salle de classe pour constater l’emplacement des édifices, les terrains avec de la végétation, les arbres et autres. À mesure que les étudiants se familiarisent avec leur campus, ils peuvent changer l’orientation de leur carte pour qu’elle s’adapte à eux.

Quand les étudiants ont complété leurs cartes de mémoire, je leur permets d’explorer le campus scolaire dans le but de faire des corrections et de remplir les espaces vides de leurs cartes. Dépendant du nombre et de l’âge des étudiants, il peut être approprié de les laisser travailler en groupes. Une fois cette carte primaire complétée, ils peuvent commencer à se concentrer sur les plantes et les animaux, ce qui confère à la cartographie naturelle un processus dynamique. Quand les étudiants ont des cartes réalisables de la surface qu’ils vont étudier, je réalise plusieurs photocopies de leurs cartes. Ils utilisent ces photocopies pour créer des cartes séparées de différentes catégories d’informations. Sur une carte donnée, ils peuvent noter les espèces végétales et leur emplacement, alors qu’une autre carte peut servir de registre d’oiseaux et d’autres cartes peuvent illustrer les mammifères et les arbres. Ensuite, les étudiants, individuellement ou en groupes, peuvent créer une carte maîtresse qui renferme tous ces éléments.

Un des avantages de créer des cartes multiples est que cela permet la répétition significative. L’image de la carte se fixe dans les esprits des étudiants de sorte que lorsqu’ils rencontrent une plante ou identifient un oiseau, ils savent exactement où l’inscrire sur la carte.

 Construire des cartes de plantes et d’arbres

À mesure que les étudiants commencent à cartographier les plantes et les arbres, la végétation de la cour d’école devient plus qu’un mur vert et les plantes deviennent plus que des « fleurs » ou des « mauvaises herbes ». Cela prend un certain temps, mais la récompense est fantastique. Personnellement, j’utilise un processus simple d’identification de la végétation qui semble bien fonctionner. En premier lieu, les étudiants déterminent le type de plante : Est-ce un arbuste ou une treille? En second lieu, ils identifient la structure du feuillage : Les feuilles sont-elles à la base de la plante? Sont-elles alternées comme des pas ou sont-elles opposées comme nos bras? Sont-elles sur des verticilles qui ressemblent à une ombrelle? En troisième lieu, les étudiants jettent un coup d’œil à la fleur. Combien de pétales contient-elle? La fleur est-elle ronde et symétrique ou d’une autre forme moins symétrique?

Les étudiants plus âgés peuvent dessiner les plantes, inscrire les caractéristiques clés et approfondir la classification, mais simplement identifier un arbre comme un chêne ou annoter du gazon sur le campus est un bon commencement pour la majorité des âges. Les guides de terrain sont des aides utiles : Les Guides dorés sont excellent pour les étudiants plus jeunes alors que les étudiants plus âgés peuvent utiliser les guides de terrain Peterson ou Audubon. Dans mon cas, je trouve que des projets parallèles, comme la compression de plantes et l’impression de papier avec des nervures stimulent la reconnaissance de patrons, d’images mentales que les étudiants peuvent dessiner après l’identification des plantes. Il est important de se rappeler qu’il n’est pas nécessaire d’identifier chaque plante de la cour d’école; je considère qu’il vaut mieux envoyer les étudiants en recherches séparées, chacune pour une plante particulière comme par exemple le pissenlit (dent-de-lion). De cette façon, au bout d’une heure, nous avons une grande quantité d’informations à transférer sur une carte.

L’ajouter à la carte :   La végétation peut se dessiner sur une carte de différentes façons. Une méthode utilisée par les paysagistes consiste à désigner chaque plante avec une vue aérienne du manteau de la plante et ensuite la cataloguer. On peut aussi indiquer par un X sur la carte l’emplacement de chaque arbre, arbuste ou plante et les étiqueter. J’ai découvert que les étudiants préfèrent généralement dessiner la  silhouette de la plante et mettre le nom à côté.

Cartes d’oiseaux

Une des meilleures approches que j’ai rencontrée pour tracer des cartes d’oiseaux est de faire la carte du site où les étudiants mangent, dehors dans la cour de récréation. Des oiseaux comme les corbeaux, les moineaux domestiques et les étourneaux accourent très rapidement quand l’heure du dîner se termine et les étudiants peuvent s’asseoir à côté et observer comment ces derniers dévorent les restes de nourriture. Installer des mangeoires est un autre moyen d’attirer les oiseaux pour les observer, spécialement quand on utilise plusieurs types de nourriture. On peut utiliser du suif, des graines de tournesol, des graines de carthame et d’autres aliments dans des mangeoires séparées ou en rotation pour attirer diverses variétés d’espèces. Les mangeoires peuvent être placées dans plusieurs endroits autour du campus scolaire selon une variété d’habitats pour garantir qu’ils attirent une large variété d’oiseaux; espacer les mangeoires signifiera aussi que l’observation des oiseaux ne se concentrera pas dans  une seule région des cartes des étudiants. Placez les mangeoires dans des arbres, dans les plantations et bien sûr, près d’une fenêtre pour permettre une observation facile. Bien que plusieurs guides de terrain Audubon sont adaptées aux enfants et spécifiques à la biologie régionale, il peut être utile de photocopier des photos d’oiseaux communs et de les placer près des mangeoires pour garantir une identification correcte.  Même si les mangeoires sont des garde-manger artificiels, il est probable que plusieurs des oiseaux qui les visitent soient originaires de votre région. Puisque plusieurs espèces sont migratrices et que les migrations se succèdent, la réalisation de la carte se poursuivra tout au long de l’année scolaire.

L’ajouter à la carte : Une méthode pour tracer des cartes d’observation d’oiseaux est d’étiqueter les individus identifiés (par exemple, le corbeau avec une plume tombée de son aile), mais un tel type d’identification spécifique est difficile.  Une autre méthode est celle utilisée dans le comptage d’oiseaux de Noël qui a lieu tout au long de l’Amérique du Nord. On identifie les espèces et on compte le nombre d’individus de chaque espèce observée et on le note sur la carte (par exemple 20 moineaux domestiques près du champ de baseball). Je recommande de permettre aux étudiants de dessiner la silhouette d’un moineau dans le champ de baseball sur la carte et de noter à côté de la silhouette le nom de l’espèce et le nombre total observé. Il n’y a pas de mauvaise ou de bonne façon d’inscrire l’observation d’oiseaux, pourvu que la méthode utilisée assure que les données seront significatives, aussi bien pour les professeurs que pour les étudiants.

Cartes de mammifères

Avoir des mangeoires de n’importe quel type d’aliment dans les alentours attire les mammifères, qui pour les enfants sont les animaux les plus passionnants. Malheureusement, les mammifères ont tendance à être timides et plusieurs d’entre eux sont nocturnes et les enfants désireux de les voir peuvent se décourager s’ils ne les voient pas.  Heureusement, comme les biologistes l’ont compris depuis longtemps, il est possible d’identifier les traces de la présence de mammifères sans qu’il soit nécessaire de les avoir vus.

Dans mon cas, je laisse les étudiants déterminer quels signes indiquent la présence de mammifères spécifiques. Par exemple, la majorité des enfants savent ce qu’ont l’air les excréments d’un chien ou d’un chat et ceci est une source fiable d’information. Les pistes sont une autre source.  Les traces d’arrachage ou de mâchement de plantes et les traces dans la végétation dense sont des indicateurs valides de la présence d’animaux, mais sont moins utiles à cause de la grande quantité d’investigations nécessaires pour déterminer quels animaux les ont laissées.

En plus des traces que les animaux laissent, une autre source d’information sur les animaux du campus scolaire peut être le jardinier et le personnel d’entretien qui vont d’un côté ou de l’autre l’après-midi, quand les animaux sont actifs.  De la même manière que pour les cartes d’oiseaux, il est utile d’identifier les sources d’alimentation et les types d’abris qui attirent les mammifères.

Une méthode (ma favorite) est de tendre un « piège de farine » en répandant de la farine autour d’une étendue de quatre pieds carrés près d’une décharge ou d’un potager. Il est probable que les empreintes d’un chat domestique, d’un  carcajou et même d’un renardeau ou d’une sarigue soient évidentes le lendemain, donnant aux étudiants une opportunité de « récolter » des empreintes claires de mammifères dans la farine. Laissez les  étudiants mesurer et dessiner les empreintes et ensuite les identifier en utilisant un des nombreux excellents livres disponibles pour l’identification des empreintes d’animaux.

Les ajouter à la carte :   Laissez les étudiants dessiner une silhouette de l’animal ou une photo de son empreinte dans la région de la carte où ils ont trouvé la trace. Identifier les espèces est plus important que de compter le nombre d’individus.

Carte d’invertébrés

Enseigner aux étudiants le rôle des différents invertébrés qu’ils trouvent sur les terrains de l’école et dans d’autres endroits est important pour développer leur compréhension de l’écologie et leur empathie pour d’autres créatures.  La majorité des invertébrés sont des détritivores qui décomposent la matière organique et aident ainsi au recyclage des nutriments. Les invertébrés servent aussi comme base à plusieurs chaînes alimentaires. Remettez à vos étudiants des loupes et laissez-les sortir à l’extérieur, dans la cour de récréation. Suivez-les avec un Guide doré des insectes ou tout autre guide de terrain simple des invertébrés.

La recherche de coccinelles, de mites, de papillons, d’escargots et d’araignées peut être, dans l’esprit des enfants, comme d’aller à la chasse aux grands mammifères africains. En commençant la recherche d’insectes avec les étudiants, identifiez d’abord seulement quelques espèces et étendez ensuite la recherche.  Les étendues couvertes d’herbe, les zones humides, les jardins de l’école et les endroits proches des installations d’éclairage extérieur sont de bons endroits pour débuter. Souvent, les invertébrés se rencontrent dans des espaces que les humains ne fréquentent pas.

Si les étudiants ont des problèmes pour les trouver, placez une feuille blanche au pied d’un arbre ou d’un arbuste, secouez vigoureusement la végétation (mais sans l’abîmer) et ensuite examinez les créatures qui sont tombées sur la feuille. Une autre méthode consiste à placer un morceau de carton ou de bois sur la végétation à croissance lente, comme le gazon; quelques jours plus tard, enlevez soigneusement la couverture et vous découvrirez plusieurs espèces.   Les contenants pour l’observation d’insectes qui incorporent une lunette grossissante aident à l’identification de petites créatures. Soyez attentifs à un risque possible quand vous recueillez de petites créatures dans la cour d’école : certains pesticides ou herbicides utilisés ne réduisent pas seulement le nombre d’invertébrés mais peuvent aussi être dangereux pour la santé des étudiants. Vérifiez auprès des administrateurs de votre école pour déterminer si on a utilisé de tels matériaux et quand on les a utilisés sur le campus.

Les ajouter à la carte :    Les invertébrés se retrouvent presque toujours en grand nombre, aussi il peut être difficile de les compter. Laissez les étudiants marquer leur localisation sur la carte avec un dessin et laissez-les estimer leur nombre. Il vaut mieux ne pas se concentrer sur plus de dix espèces, puisque les cartes peuvent être inondées de données sur ces créatures surprenantes.

L’image complète

Une fois que les étudiants auront recueilli beaucoup de données, tant d’animaux que de plantes, ils peuvent créer ensemble une carte maîtresse, soit sur un tableau vide ou sur des feuilles de cartographie. Les étudiants peuvent aussi créer leurs propres cartes maîtresses, bien que la réalisation d’une grande carte de classe permette à tous de contribuer à la perspective de la carte et aux données recueillies. En fusionnant les données des animaux et des plantes qu’ils ont recueillies sur une seule carte, les étudiants peuvent voir immédiatement comment ces éléments sont reliés les uns aux autres. Par exemple, il est plus fréquent de rencontrer des oiseaux où il y a de la végétation et c’est aussi à cet endroit que l’on retrouve des invertébrés. Permettez à vos étudiants d’établir leurs propres relations et de tirer leurs propres conclusions sur leurs découvertes et techniques d’élaboration de cartes, puisqu’agir ainsi fait partie de la méthode  scientifique.

Finalement, j’encourage la cartographie continue de la nature. Toutes les formes de cartographie impliquent la récolte de données, mais la récolte et la cartographie de l’information sur les plantes et les animaux nous enseignent à prêter attention à notre entourage et nous rappellent que notre environnement est dynamique. Avec leurs premières cartes, les étudiants ont créé seulement une photo instantanée  de la vie dans leur communauté. L’observation continue et la cartographie du monde naturel à mesure qu’il évolue, au long des saisons et du temps aideront à promouvoir l’alphabétisation de la biologie régionale et un lien profond et personnel avec la Terre.

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Mark Batcheler a enseigné dans l’État de Californie, depuis Catalina Island jusqu’à la Sierra Nevada. Il travaille actuellement à Half Moon Bay comme coordonnateur  des adolescents au Nature Awareness Department du Riekes Center for Human Enhancement.

Traduit par Jocelyne Dickey, biologiste et professeure de biologie et informatique à la retraite, traductrice bénévole depuis 2004, Québec.

Ce qui précède est une traduction de « Nature Mapping » qui a été publié en Green Teacher 84, Hiver 2008-2009.