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Changement climatique et géographie régionale

Le changement climatique peut avoir une importance capitale dans les études de géographie, en reliant de nouvelles idées avec ce qui est expliqué dans les vieux livres

Par Talia Epstein

Traduction par Jocelyne Dickey

Actuellement, il est rare de lire les journaux ou d’écouter les nouvelles sans y rencontrer une information relative au changement climatique. Les prédictions indiquent que dans un futur très proche, le changement de notre planète sera un des thèmes politiques et sociaux les plus importants que nous affronterons.

Les étudiants ont besoin de comprendre la science qui existe derrière le changement climatique ainsi que les effets qu’il peut avoir sur la région et le pays dans lesquels ils vivent. Une manière d’intégrer ce thème complexe dans le programme scolaire est d’incorporer les concepts du changement climatique dans les études de géographie régionale et nationale destinées aux étudiants de plus de 12 ans. L’an passé, j’ai travaillé comme professeure associée dans une classe de sixième année et la professeure qui enseignait avec moi m’a demandé d’actualiser ce qu’elle considérait comme un vieux programme scolaire de géographie. J’ai décidé alors d’incorporer le concept de changement climatique au programme de géographie régionale et avec cette idée de créer une unité plus importante et multidisciplinaire pour aider les étudiants à comprendre ce que le changement climatique pouvait provoquer dans différentes régions des États-Unis.  À la fin de cette unité, nos étudiants non seulement se sont convertis en meilleurs géographes et scientifiques du climat, mais ils ont aussi été motivés à poser des gestes devant le changement climatique.

Une des meilleures façons d’impliquer les étudiants dans un problème est de leur donner le crédit de leurs résultats. Imaginez que l’on dise à un étudiant de quatrième, cinquième ou sixième année qu’il va se convertir en participant actif dans les thèmes reliés au changement climatique, quand il n’a rien à dire au sujet de l’heure de se coucher! Dans notre classe, ceci a constitué l’appât essentiel pour susciter l’intérêt des étudiants. Le premier jour de l’unité, une lettre d’apparence officielle est arrivée, émanant d’un Département du Panel international de changement climatique des États-Unis. Cette lettre expliquait qu’on avait besoin de l’aide des élèves pour une étude sur l’impact futur du changement climatique dans les différentes régions des États-Unis. On a demandé aux élèves dans les régions de se convertir en experts, d’apprendre sur les prédictions du changement climatique et d’élaborer des théories sur la manière dont la vie peut être affectée dans les différentes régions.

 Imaginez que l’on dise aux étudiants qu’ils vont se convertir en participants actifs dans les thèmes reliés au changement climatique, quand ils n’ont  rien à dire au sujet de l’heure de se coucher!

De façon spécifique, on leur demandait de réfléchir à quoi pourrait ressembler la région dans 100 ans et comment les gens pourraient retarder le changement climatique. Les étudiants ont été intrigués et ont eu quelques soupçons sur la véracité de la lettre, mais finalement ceci devint un aspect amusant de l’unité qui a fourni, en plus d’un peu d’humour, une motivation pour travailler jusqu’à l’obtention de résultats significatifs.

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Groupe de la région interviewant un expert de l’État

Format de l’unité

Pour réaliser une étude approfondie sur la géographie régionale et le changement climatique, il faut trois ou quatre semaines d’études sociales préalables. Dans notre classe, nous avons assigné à chaque étudiant une région particulière des États-Unis. Nous avons défini les régions de la même façon qu’elles étaient définies dans les livres scolaires (Nord-ouest, Sud-est, Midwest, Rocheuses, Sud-ouest et Pacifique); mais dépendant de vos objectifs et de vos ressources, vous pouvez utiliser les divisions naturelles bio régionales. Si votre classe contient beaucoup d’élèves, il peut y avoir plus d’un groupe étudiant une région en particulier, ainsi aucun groupe n’est  trop grand.

En plus du groupe d’études régionales, une composante très importante de l’unité était de réaliser un projet individuel pour élaborer une affiche sur un État du pays. Cette affiche devait inclure une carte et de l’information sur les industries, le tourisme et les symboles de l’État, son histoire, ses caractéristiques physiques et naturelles.

Ceci a permis à chaque étudiant de devenir un expert sur une petite étendue de l’étude. Le projet de l’affiche était réalisé surtout à la maison, mais les connaissances obtenues par les étudiants dans ce projet ont été partagées en classe durant l’étude des régions. Alors que les professeures formaient les groupes régionaux en utilisant la dynamique de groupe (au lieu des préférences régionales), les étudiants avaient l’option de choisir quel État ils pourraient étudier pour le projet d’affiche.

Ressources

Si vous désirez préparer quelques antécédents dans votre investigation, ne vous inquiétez pas si la ressource parfaite pour relier la géographie et le changement climatique est difficile à trouver.  Notre classe disposait seulement de quelques textes obsolètes et usés sur la géographie régionale comme principale source d’information pour la lecture en classe.  Ils ne constituaient pas les ressources idéales pour baser l’étude, mais ils ont fourni l’information de base sur les thèmes que les étudiants avaient besoin de connaître. Utiliser un livre traditionnel pour une étude de géographie centrée sur le changement climatique a demandé seulement quelques ajustements aux questions à discuter et l’élaboration de quelques activités spécifiques à l’unité.

Antécédents et connaissances préalables

Rapidement, nos étudiants se sont rendu compte que les régions définies dans les livres étaient des généralisations et par conséquent nous avons organisé une séance de remue-méninges pour essayer de déterminer quelles caractéristiques définissent réellement une région. Les étudiants se sont attaqués à des questions telles que : Est-ce qu’une région forme  un peuple ou est-ce qu’un peuple forme une région? Une région est-elle définie culturellement ou est-elle créée par des caractéristiques physiques? Durant ces discussions, les étudiants ont dévié vers des questions reliées au climat, et nous avons décidé qu’il constitue une des caractéristiques majeures d’une région.

Nous avons créé un fleuve imaginaire qui traversait quelques limites régionales et la classe a organisé une réunion similaire à un « Conseil des eaux » pour débattre sur l’attribution de cette ressource.

Comme le climat était un thème central de notre étude des régions, il était essentiel que les étudiants aient quelques connaissances préalables sur le changement climatique pour les aider à comprendre la signification et l’importance de ce problème. Les étudiants de sixième année avec lesquels je travaillais avaient déjà vu le documentaire de Al Gore « Une vérité qui dérange » quelques mois avant de commencer l’unité, ce qui a constitué une bonne base pour notre travail. Une autre manière de fournir ces antécédents serait de demander aux étudiants de relever des articles de journaux ou des reportages à la télévision sur le changement climatique durant les semaines précédant  le début de l’unité. Les lectures, les films ou les présentations qui aident la classe à comprendre la signification et l’importance du changement climatique les préparera pour l’unité.

Conception de l’unité

Notre unité a couvert tous les thèmes de base d’une étude traditionnelle de régions, mais avec une emphase additionnelle associée au changement climatique. Plusieurs des thèmes ont été extraits directement des livres et ont constitué l’angle depuis lequel nous nous sommes approchés afin de les éclairer avec les questions sur le changement climatique. Les thèmes incluaient:

·         La différence entre temps et climat.climatechange&regionalgeo3

·         La géographie physique, le climat et les désastres naturels de la région.

·         Les Américains natifs de la région, avec une concentration sur leur adaptation aux caractéristiques de la région.

·         Les ressources naturelles et l’industrie.

·         Le tourisme et les principales villes.

·         Les sources d’eau.

·         Information spécifique sur le changement climatique.

Pour étudier ces thèmes, les étudiants ont répondu aux questions qui apparaissaient dans les manuels et ont utilisé le théâtre et l’écriture créative pour explorer de nouveaux concepts. Ils se sont aussi appuyés sur les connaissances de leurs compagnons pour apprendre sur les États qu’ils étudiaient individuellement à travers le projet d’affiche. Parmi les activités réalisées, nous avons organisé une « Convention des États », au cours de laquelle les groupes ont interviewé les représentants de chaque État de leur région (ou autant d’États qui pouvaient être représentés dans leur classe) et les ont interrogés sur les principales attractions touristiques, la localisation des principales villes et d’autres caractéristiques de leur État. Les étudiants avaient extrait cette information dans leur projet d’affiche et ont beaucoup aimé être interviewés à titre d’experts. Les groupes régionaux ont été capables d’utiliser cette information pour l’incorporer dans la recherche qu’ils réalisaient sur leur région et ont ainsi pu se préparer pour imaginer comment serait la région dans le futur. Ce fut l’une des activités les plus réussies de l’unité.

Le thème de l’eau est parfois relié au changement climatique et il a constitué un aspect important dans l’étude de la région.  Certaines régions ont de l’eau en abondance, alors que d’autres affrontent déjà une rareté qui va probablement augmenter avec le changement climatique. Pour comprendre comment l’eau est reliée à la géographie régionale et le changement climatique, nous avons créé un fleuve imaginaire qui traversait quelques limites régionales et pouvait être dévié d’une région à une autre. Ensuite la classe a organisé une réunion similaire à un « Conseil des eaux » pour débattre sur l’attribution de cette ressource. Les étudiants ont utilisé l’information qu’ils avaient rassemblée sur la biodiversité, la culture, les ressources naturelles et l’économie de leur région, dans le but de promouvoir le meilleur usage de l’eau. Appliquer l’information obtenue aux thèmes en discussion les a aidés à voir combien ils avaient appris sur leurs régions et combien ils avaient avancé dans leur appréciation de la complexité de ce thème. Une fois que les étudiants eurent terminé les rôles individuels et qu’ils n’avaient plus à défendre leurs intérêts spéciaux, ils observèrent que l’eau, comme le changement climatique et plusieurs autres thèmes environnementaux, ne répond pas aux limites dessinées par l’homme.

Les étudiants avaient d’abord besoin de comprendre la science derrière le changement climatique, pour être capables de relier ce thème avec ce qui se passera dans leurs régions dans le futur. Pour y parvenir dans notre classe, j’ai commencé par leur présenter une brève révision de l’effet de serre. Notre école est heureusement jumelée à une université, ce qui nous a permis de bénéficier d’informations plus précises sur les prédictions de changement climatique fournies par un professeur de géologie. Cette présentation experte a été essentielle pour aider les étudiants à formuler des théories au sujet de l’impact du changement climatique sur la région étudiée. Pour les écoles qui n’ont pas d’accès académique ou d’entreprises qui sont reliées à la science ou aux prédictions sur le changement climatique, les météorologues locaux et la documentation scientifique comme « Une vérité qui dérange » pourraient être aussi de bons éléments d’information.

Comme activité finale de l’unité, nous avons demandé aux étudiants de compiler toute l’information qu’ils avaient réunie et de poser des gestes à titre d’experts. Nous avons demandé à chaque groupe de choisir un politicien de sa région d’étude et de lui écrire une lettre lui expliquant ce qu’ils avaient appris sur la région et le changement climatique. Les étudiants ont commencé à remplir un tableau pour résumer ce qu’ils avaient appris sur la région, les changements climatiques prédits, comment ceux-ci peuvent affecter la vie dans la région et finalement quelques suggestions pour réaliser des actions que le politicien devrait réaliser. Nous avons aussi parlé de la façon de rencontrer un représentant politique et d’écrire ce type de lettre. Au début, plusieurs étudiants doutaient de l’impact de leurs lettres.

Une discussion en classe sur la responsabilité des législateurs pour représenter leurs électeurs et leur répondre et sur le pouvoir que peuvent avoir les citoyens informés s’est transformée en une grande leçon d’instruction civique.

Un étudiant a écrit à un congressiste de l’Utah pour lui expliquer que l’Utah se retrouve dans une situation difficile à cause de l’importance de l’industrie du charbon et du ski dans cette région. Il a souligné que la quantité de dioxyde de carbone émise par les usines de production de charbon rendait improbable que les deux activités puissent prospérer dans le futur. Une autre étudiante a écrit  que : « Recycler est toujours bon, mais une loi doit être élaborée en fonction de la protection de l’environnement ». Elle demandait au Sénateur du Washington de prendre des mesures dans son État parce qu’on ne s’y attaque pas aux  problèmes des inondations et des sécheresses, qui, selon les pronostics, augmenteront avec le changement climatique.

L’enthousiasme augmenta dans la classe quand les réponses ont commencé à arriver, certaines de la part de représentants locaux, mais nous avons aussi reçu une lettre du candidat présidentiel des États-Unis, Monsieur Barack Obama. Nous avons beaucoup débattu à savoir si la signature était réellement écrite ou s’il s’agissait d’une estampille (quelque chose que  j’avais moi-même préparé pour les étudiants antérieurement), mais chaque réponse a été interprétée comme le fait que leurs voix avaient été entendues.

Évaluation

Assigner aux étudiants la tâche de corriger les lettres entre eux avant de les envoyer nous a assurés qu’elles étaient peaufinées et a constitué une autre forme de partager ce qu’ils avaient appris. Nous avons utilisé ces lettres comme une partie de l’évaluation de l’unité. De plus, nous leur avons présenté une « épreuve ouverte » (avec possibilité de consulter leurs notes). Cette unité nous a permis d’offrir aux étudiants des questions qui ne cadrent pas toujours dans une catégorie blanche ou noire – par exemple, personne ne sait exactement quand arrivera le changement climatique ─ et pour cela nous avons essayé de leur présenter des questions qui leur permettaient de la flexibilité dans leurs réponses. Les questions les ont forcés à décrire les caractéristiques uniques de leur région d’étude et à expliquer dans quelle région ils aimeraient vivre, en présentant un bon argument pour justifier leur choix (en prenant en compte ce qu’ils avaient appris et en incluant les prédictions du changement climatique). Un étudiant a écrit qu’il aimerait déménager en Alaska parce qu’il avait appris que dans le  Massachusetts (région où il vit), on prévoit un climat similaire à celui de la Caroline du Nord, lequel pourrait être trop chaud, selon lui.

Poser des gestes

Au fur et à mesure que les étudiants deviennent experts géographiques et spécialistes du changement climatique, ils veulent poser certains gestes. Encouragez vos étudiants à organiser des campagnes locales ou des événements qui leur permettent d’appliquer leurs nouvelles connaissances. Si vous pouvez, laissez venir les idées des étudiants eux-mêmes.

Dans notre classe, la motivation pour poser des gestes a dérivé vers un Jour du transport alternatif très réussi, durant lequel les étudiants ont marché, ont voyagé à bicyclette ou ont partagé les véhicules pour se rendre à l’école (il n’y a pas d’autobus scolaires dans notre école privée). Dans les classes de mathématiques, nous avons utilisé l’étude des  rapports et proportions pour calculer la quantité d’essence qui a pu être économisée grâce à ces actions et les étudiants ont écrit l’information sur des feuilles volantes qui ont été distribuées. Nous avons calculé que nous pourrions éviter que 46 kilogrammes (102 livres) de dioxyde de carbone soient libérés dans l’atmosphère et économiser 11.58 $ (US) en essence. Ce n’est pas très important pour un seul jour, mais nos calculs ont révélé que si nous continuions à utiliser les transports alternatifs durant l’année scolaire, nous pourrions économiser environ 2084 $ US et 8.335 kg (18.360 livres) de dioxyde de carbone. Un étudiant qui vit à une plus grande distance de l’école a utilisé sa bicyclette et, accompagné de son professeur une bonne partie du chemin, il a roulé deux heures pour atteindre l’école, ce qui nous a servi de source d’inspiration à tous. La classe a marché à travers la ville en chantant et en distribuant des tracts qui soulignaient l’économie de dioxyde de carbone. Le succès de cet événement a été complété par un article dans le journal local.

Notre unité a démontré que le changement climatique peut avoir une importance significative dans les études de géographie, en reliant de nouvelles idées avec ce qui est expliqué dans les vieux livres. En unissant géographie et changement climatique, nous pouvons motiver les étudiants à penser à la façon dont les régions sont définies, à l’impact du changement climatique dans leurs vies et à la différence entre les changements naturels et ceux causés par les activités humaines. Nos étudiants peuvent non seulement se convertir en meilleurs géographes, mais aussi en citoyens motivés à poser des gestes pour le futur de leur région.

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Talia Epstein a travaillé comme éducatrice environnementale et a été professeure associée dans la classe de sixième année de Lara Ramsey au Collège Smith Campus School à Northcampton, Massachusetts. Elle coordonne actuellement un programme d’éducation pour prévenir la consommation d’alcool et de drogues à Ithaca, New York.

Traduit par Jocelyne Dickey, biologiste et professeure de biologie et informatique à la retraite, traductrice bénévole depuis 2004, Québec.

Ce qui précède est une traduction de « Climate Change and Regional Geography » qui a été publié en Green Teacher 83, Été 2008.

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