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Créer un petit coin de paradis

Par Alix Taylor

Traduction par Isabelle Coulombe

Par un beau samedi ensoleillé du mois de mai 2014, des enseignants, des élèves et des bénévoles s’activaient comme des fourmis à l’école Rideau Heigts de Kingston, en Ontario. Après avoir enfilé une paire de gants et des bottes de sécurité, ils arrachèrent des plaques d’asphalte dans la cour de récréation. À la fin de leur travail, ils avaient libéré 96 mètres carrés de sol (1034 pieds carrés) pour la mise en place d’un centre d’apprentissage extérieur agrémenté d’un jardin de papillons, d’arbres indigènes, de vivaces et d’un jardin sensoriel rempli d’herbes aromatiques.

Le reverdissement d’une cour présente de nombreux bénéfices sur le plan social, physique et environnemental. Il n’est pas étonnant que de plus en plus d’écoles veuillent convertir le dur revêtement de leur terrain de jeu en une oasis qui stimule les sens et inspire l’imagination de leurs élèves. La capacité d’une école à rénover sa cour de récréation est souvent limitée pour des raisons financières, mais avec une petite dose d’ingéniosité, l’école peut réussir à démolir une vieille surface et en aménager une nouvelle.

De nombreuses raisons peuvent justifier la transformation d’une cour asphaltée : accroître l’accessibilité à la nature, sécuriser l’espace de jeu, créer une classe extérieure et diminuer l’empreinte de carbone. Une autre bonne raison qu’on peut avoir tendance à oublier, c’est l’amélioration de l’écoulement des eaux de pluie sur le terrain de l’école, à la fois pour le bien de la communauté et de l’environnement.

 

L’inconvénient du bitume

Les villes sont recouvertes de surfaces imperméables, comme les allées, les stationnements et les immeubles. Traditionnellement, on a aussi pavé la majorité des cours d’école urbaines ou aménagé des terrains de jeu que des années de piétinement ont fini par compacter. L’un des nombreux inconvénients de ce type de surface, c’est qu’il n’absorbe pas la pluie. L’eau s’écoule rapidement sur les surfaces imperméables, entraîne des polluants vers les égouts pluviaux et se déverse dans les plans d’eau locaux.

Surface imperméable urbaine vs surface naturelle. Le revêtement imperméable provoque une augmentation du ruissellement, réduit l’évapotranspiration et l’infiltration. (source : US EPA)

Les épisodes de pluie abondante sont souvent à l’origine du mauvais fonctionnement des égouts pluviaux, qui débordent jusque dans les plans d’eau avoisinants, entraînant des répercussions sur la santé et l’environnement. La gestion inefficace de la pluie peut également avoir des conséquences fâcheuses sur le terrain de l’école. L’eau accumulée peut s’infiltrer dans les fondations et compromettre l’intégrité de leur structure. De plus, les flaques d’eau deviennent dangereuses lorsqu’elles se transforment en plaques de glace en hiver.

Ces dernières années, dans certains endroits du monde, on a observé une augmentation des fluctuations extrêmes en termes de quantité de précipitations. De nombreuses régions ont vécu de longues périodes de sécheresse suivies de forte pluie. La croissance des inondations et, de façon générale, le changement climatique ont permis de sonner l’alarme. Depuis, on octroie des subventions aux organismes et aux municipalités pour qu’elles puissent financer plus d’espaces verts servant à l’absorption de la pluie et atténuant les répercussions des phénomènes météorologiques extrêmes. Dans ce contexte, les écoles peuvent elles aussi bénéficier des ressources financières nécessaires à la naturalisation de leur terrain de jeu.

Les infrastructures vertes (IV), connues aussi sous le nom de développement à faible impact ou aménagement urbain à gestion intégrée des eaux, sont une nouvelle méthode de gestion des eaux de pluie. Au lieu qu’elles soient canalisées le plus rapidement possible comme dans les méthodes traditionnelles, les eaux de pluie ont la possibilité de s’infiltrer, s’évaporer ou d’être réutilisée. Ces nouvelles méthodes ont recours à des techniques comme les jardins pluviaux, les revêtements perméables, les toits verts, les rigoles de drainage biologique et les galeries d’infiltration.

 

Vert tout autour

En général, les villes possèdent des infrastructures hydrauliques vieillissantes et on leur conseille de se préparer pour les périodes de précipitations extrêmes et de sécheresse. De plus en plus, les gouvernements se rendent compte de l’inefficacité des infrastructures grises traditionnelles quant à la gestion des eaux de pluie et se tournent vers des solutions vertes. C’est pourquoi on constate un intérêt croissant pour les projets favorisant la résilience climatique dans nos communautés et votre école peut jouer un rôle important dans cette mission.

Les mouvements citoyens au Canada et aux États-Unis tablent sur cette prise de conscience et font la promotion du verdissement des communautés comme moyen d’atténuation du ruissellement des eaux de pluie grâce à la création d’espaces naturels.

Des villes comme Philadelphie consacrent des fonds pour transformer les cours d’école asphaltées à l’aide d’infrastructures vertes. Dans les villes qui ne disposent pas de telles ressources, des organisateurs de mouvements citoyens en lien avec les écoles et les groupes communautaires locaux trouvent d’autres moyens pour aménager des cours d’école formidables.

Deux initiatives qui portent bien leur nom, Depave (Opération Dépavage), aux États-Unis, et Depave Paradise (Dépavons le Paradis), au Canada, sont mises en œuvre par des partenaires du milieu communautaire dans différentes villes de leur pays respectif. Ils recrutent des bénévoles locaux pour enlever le revêtement d’asphalte à la main. Ce « dépavage » a un côté à la fois amusant et valorisant ­— la collaboration qu’il suscite reflète le véritable esprit communautaire.

Engager des élèves, des enseignants et la communauté élargie pour qu’ils retirent l’asphalte à la main en le remplaçant par de la terre et de la végétation porte le verdissement de la cour d’école à un tout autre niveau.

 

Pour commencer

Il existe quelques moyens pour mettre en route votre projet de dépavage. Si vous faites partie d’une communauté scolaire engagée et active, vous pourriez peut-être coordonner vous-mêmes cet événement. Toutefois, il peut être avantageux de chercher des partenaires pour la coordination de l’événement. De nombreuses ressources sur Internet peuvent aider les groupes voulant se lancer dans une opération de dépavage[i] par leurs propres moyens.

Les organismes environnementaux à but non lucratif font aussi de bons partenaires d’un projet de dépavage. Ils peuvent se servir de leur statut d’OSBL pour obtenir du financement et peuvent dédier du personnel pour la coordination du projet. Ces organismes ont de l’expérience dans la demande de subvention, dans le soutien en nature et dans l’organisation des bénévoles.

 

Créer une vision

Un tel projet est l’occasion de créer un espace écologique diversifié et inspirant – soyez créatif ! Beaucoup de ressources en ligne peuvent vous donner des idées. Faites participer vos élèves dans la planification. Laissez-les voter sur différentes options ou permettez-leur de soumettre leur propre plan.

Pour bien planifier la gestion de l’eau dans le nouvel aménagement paysagé, on doit observer comment elle s’écoule sur le site et autour. Peut-on envisager que les goulottes soient déconnectées du réseau d’égouts et redirigées vers un jardin de pluie ou des rigoles de drainage biologiques ? Peut-on récupérer l’eau de pluie pour entretenir le jardin ou pour arroser de jeunes arbres ? La municipalité, la commission scolaire et le Service d’urbanisme peuvent vous indiquer quels sont les permis et les autorisations requis avant le dépavage. Un architecte en aménagement paysager peut vous aider à concevoir des plans qui intègrent à la fois votre vision et les préoccupations de la ville ou de l’école.

 

Obtenir du soutien

Le plus vite possible au cours du processus, il faut dresser une liste des choses nécessaires à la réalisation du projet. Recrutez des sous-traitants pour aider à la démolition du pavé et au transport de l’asphalte et des débris sous-jacents. Préparez une liste des plantes, de la terre et du paillis nécessaires à la création de l’espace vert.

Si l’on suscite un certain enthousiasme autour du projet et que l’on fait appel au réseau scolaire et communautaire, on arrive en général à obtenir des services professionnels gratuitement ou au prix coûtant. Les sous-traitants et les entreprises d’aménagement n’ont pas souvent l’occasion de participer à des projets communautaires et apprécient généralement l’attention médiatique positive générée par un projet de dépavage.

Une fois fixées les dates du dépavage et de la plantation, il est temps de recruter des bénévoles pour accomplir le boulot. Les enseignants, le personnel de l’école, les parents et les élèves sont probablement les plus enclins à s’inscrire. Si on collabore avec une organisation communautaire, elle a en général à sa disposition tout un réseau de bénévoles.

Il est important de bien informer les bénévoles et de bien organiser leur travail. L’information à propos de l’horaire, des tâches et des besoins vestimentaires doit être claire. On doit s’assurer que les bénévoles prennent souvent des pauses et que tout le monde ait l’occasion de participer au travail.

 

Trucs pour faire participer les enfants

Arracher de l’asphalte peut s’avérer dangereux pour les enfants de moins de 16 ans, mais ce n’est pas une raison pour les empêcher de participer ! Des enfants munis de gants et de petits seaux peuvent être assignés au ramassage des petits morceaux d’asphalte qui se détachent des grands. Ils peuvent aussi contribuer au balayage des débris sur le site. On peut leur demander de créer des bannières ou des décorations de jardin pendant qu’ils attendent leur tour.

Plusieurs se sentent impuissants face aux changements climatiques et à l’imprévisibilité de la pluie et de la sécheresse. Pourquoi ne pas se servir de ces préoccupations pour mobiliser les gens pour qu’ils prennent part à des actions de reverdissement de la communauté et de résilience climatique ? Grâce au dépavage, les élèves de l’école Rideau Height ont des classes à l’extérieur au cours desquelles ils identifient des papillons et des insectes, lisent des livres sous un arbre, calculent la quantité d’eau amassée dans le baril de récupération des eaux de pluie ou respirent tout simplement le parfum des herbes aromatiques.

 [i] Le site de l’organisme Depave, situé à Portland, en Oregon, contient une grande quantité de ressources téléchargeables gratuites.  www.depave.org

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Alix Taylor est coordonnatrice des communications et du marketing chez RAIN Community Solutions (Solutions communautaires à la gestion de la pluie), à Peterborough, en Ontario. RAIN est un programme de Green Communities Canada (Communautés Vertes Canada). Depuis une décennie, elle s’implique dans des projets environnementaux communautaires. Depuis quelque temps, elle s’intéresse en particulier aux questions de l’eau en milieux urbains et ruraux.

Isabelle Coulombe est traductrice indépendante. Diplômée de l’Université de Montréal, elle habite actuellement à Mont-Tremblant, au Québec.

Ce qui précède est une traduction de « Put Up a Paradise » qui a été publié en Green Teacher 108, Hiver 2016.

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