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Enseigner pour le futur : Systèmes de pensée et durabilité

Par John Goeckler

Traduction par Jocelyne Dickey

Pour tous ceux qui ont été impliqués dans l’éducation environnementale pour un certain temps, il est clair que les problèmes sérieux que la communauté humaine affronte n’ont pas beaucoup changé au cours des dernières décades. Au lieu de diminuer, des questions importantes comme la déforestation, l’extinction des espèces et la pollution atmosphérique – pour n’en nommer que quelques-uns – ont augmenté. Sur le terrain social, la guerre, la pauvreté, la maladie et le relâchement de la société civile sont actuellement aussi répandus, sinon plus, qu’il y a dix, vingt ou trente ans. La majorité de ces problèmes n’ont pas seulement perdurés, mais ils se sont aussi intensifiés malgré – et parfois à cause – des innombrables programmes et politiques développés pour les résoudre. Nous avons écrit des milliers de lois et affecté des billions de dollars pour leur prévention et leur réhabilitation, mais malgré cela, nous ne sommes pas plus près d’un monde de paix, ni d’une économie durable, ni d’un environnement global plus propre.

Quel est le pourquoi de tout cela? Tout simplement parce que ces problèmes sont causés par la façon dont nous devons penser, apprendre et communiquer. Notre mentalité détermine le type de structures politiques, économiques et sociales que nous construisons et ces structures, à leur tour créent les modèles que nous observons dans le monde et que nous étudions dans nos salles de classe. Si nous désirons changer ces événements, nous devons changer les structures qui les créent, ce qui signifie que nous devons apprendre à changer notre façon de penser et transmettre cet enseignement efficacement.

Tout au long de mon travail, j’ai dirigé des ateliers pour les enseignants, les étudiants et les activistes communautaires à travers toute l’Amérique du Nord. Au début, je mettais l’emphase sur les faits, les chiffres et les tendances, assumant que si nous racontions aux gens suffisamment de mauvaises nouvelles, nous les motiverions pour le changement. Mais la majorité des gens connaissent déjà les mauvaises nouvelles. Et s’il n’en était pas ainsi, l’annonce de calamités potentielles non seulement échouait à les motiver, mais très souvent elle les conduisait à un état négatif ou au désespoir. J’ai appris qu’une des choses les plus difficiles pour un éducateur est que nous en connaissons trop sur l’état du monde. E nous travaillons avec des jeunes qui en savent aussi trop et sont craintifs pour son futur. Tempéré par ces faits, j’ai commencé à souligner les solutions structurelles et personnelles et les actions que chacun de nous peut entreprendre pour les mener à bonne fin.

De plus, j’ai appris que nous sommes pour la plupart déjà conscients des solutions. Par exemple, je fais souvent l’exercice suivant pour les participants à mes ateliers, basé sur une simulation développée par l’écologiste Paul Hawken:

La Terre a été sévèrement dégradée, jusqu’au point où elle ne pourra encore longtemps supporter notre population. Vous et votre équipe devez concevoir une navette spaciale capable de faire un voyage de 6 000 ans ,amenant avec elle tout ce qui vous intéresse, et ramenant vers la Terre vos descendants sains et saufs. Nous n’avons pas à nous charger de la construction et de la propulsion, de sorte que vous n’avez pas à vous préoccuper de la façon de déplacer la navette ou de construire la capsule. Vous devez vous occuper des systèmes de soutien biologique (oxygène, nourriture, eau, énergie et résidus) et des systèmes sociaux (gouvernement, loisirs et divertissements). La navette peut être aussi grande que vous le voulez. L’unique chose que vous pouvez recevoir est la lumière du soleil, la seule chose que vous pouvez émettre est de la chaleur. Tout doit se faire en utilisant la technologie existante.

L’intéressant dans cet exercice est que les participants habituellement réussissent. Ils imaginent des systèmes d’énergie renouvelable, d’agriculture durable, des cycles hydrologiques naturels, des forêts et des océans générateurs d’oxygène, des systèmes fermés dans lesquels tout se réutilise et se recycle. Ils donnent aussi des directives pour une population stable, l’équité sociale et de sexe (parce que toute autre chose serait une invitation à l’émeute), un équipage qui n’implique pas seulement des ingénieurs, des scientifiques, des professionnels de la santé et des professeurs mais aussi des artistes, des musiciens, des danseurs et des conteurs. Ils ont tendance à chosir la méritocratie comme base d’autorité. En peu de mots, ils conçoivent un système durable avec l’objectif de maximiser non seulement la sécurité mais aussi le bonheur. Parfois, ils ont besoin d’un peu d’aide, mais la plupart font aussi le lien entre ce scénario “Star Trek” et la grande navette spatiale vert-bleutée dans laquelle nous voyageons à travers la galaxie.

Ce qui nous amène à une question difficile: Si nous connaissons non seulement les problèmes mais aussi les solutions, pourquoi ne créons-nous pas un monde durable, juste et sécuritaire? La réponse facile est de culpabiliser les autres – souvent le gouvernement ou les compagnies multinationales – ou de la refiler aux structures économiques et politiques. Mais les blocages réels ne sont pas matériels. Ils sont mentaux, culturels et éducationnels. Les croyances qui sous-tendent le comportement et toutes les choses que nous faisons ou ne faisons pas sont déterminées par les idées que nous avons sur comment fonctionne le monde, en d’autres mots par notre cosmovision.

Fenêtres sur notre vision du monde

Qu’est-ce qu’une vision du monde? C’est un ensemble de suppositions que nous considérons vraies, évidentes et qui en plus d’interpréter notre passé, déterminent en grande partie notre futur. Comme notre vision du monde est constituée en un “système opérationnel”, nous ne nous rendons même pas compte que nos idées et actions sont filtrées à travers ce système. En fait, la vision du monde peut être décrite comme un environnement mental, qui est pour les humains comme l’eau pour le poisson, la matière dans laquelle nous nageons tous les jours sans nous en apercevoir.

Si nous explorons la vision du monde dominant (ce que nous pourrions appeler la vision du monde “occidental”, mais qui dans l’actualité s’est diffusée à travers toutes les frontières et les cultures avec l’adoption des modèles économiques de l’occident), nous trouvons certaines hypothèses clés:

  • La croissance constante et illimitée n’est pas seulement possible, mais essentielle.
  • Les êtres humains ont le contrôle de la Terre.
  • La nature est une source de richesse – les ressources sont gratuites parce que nous les découvrons.
  • Si nous détruisons notre milieu, nous avons simplement à nous déplacer plus loin ou inventer une technologie nouvelle qui nous sauvera.
  • Nous pouvons comprendre le monde naturel au moyen du réductionnisme, c’est-à-dire en le divisant en petites parties.

Il est utile d’explorer ces hypothèses avec les étudiants. Leur demander d’observer attentivement pour voir si (ou comment) elles sont présentes dans le programme qu’ils étudient, particulièrement en histoire, en sciences, dans les études globales ou les thèmes du monde contemporain. Par exemple: Comment sont nos modèles réductionnistes dans leur vision du monde? La “croissance rationnelle” est-elle une composante de la planification locale pour l’usage du sol? Comment les pratiques comptables déduisent-elle ou ignorent-elles (externalisent) les impacts environnementaux? Comment essayons-nous de manifester notre “dominance” sur la Terre, avec des efforts comme “contrôler” ou “vaincre” la nature au moyen de l’interruption des processus naturels? Comment parlons-nous souvent, sur des thèmes tels que la croissance démographique et l’épuisement des ressources, en disant seulement que nous coloniserons l’espace?

Dès que nous examinons les hypothèses de la vision du monde dominant, nous voyons que c’est la vision d’un système ouvert. Elle assume un monde sans limites, un territoire illimité, des ressources illimitées et un savoir et des connaissances humaines illimitées. Pour être précis, ceci nous a servi raisonnablement durant plusieurs siècles. Cependant, à l’heure actuelle, C’est clairement faux et progressivement dangeureux. En fin de compte, l’unique modèle biologique à croissance illimitée est la cellule cancéreuse qui finit par tuer son hôte. Nous les humains, nous sommes seulement une petite partie de la Terre, complètement dépendants d’elle et bien sûr sans contrôle sur elle.

La nature est un cadeau, un compte d’épargne si vous préférez, qui a une fin. Nous avons grandi jusqu’à l’extrême occidental d’une civilisation qui s’étend vers l’ouest et nous sommes, pourrions-nous dire, comme les anciens navigateurs, “échoués” sur la planète Terre. Et même si le réductionnisme peut nous conduire à quelques compréhensions valables, il ne peut pas nous expliquer comment une araignée sait la géométrie ou comment une graine microscopique porte à l’intérieur d’elle-même à la fois l’empreinte génétique et l’engagement à créer une vie nouvelle. Obstinément, nous continuons avec notre vision du monde et nous continuons à agir en marge d’elle. Quand les choses ne fonctionnent pas, nous les faisons plus fortes, plus durables, nous y investissons plus d’argent. Nous sommes comme le touriste étranger de la fable qui, après avoir découvert que les personnes natives de l’endroit ne parlaient pas sa langue, se répétait simplement les paroles à un volume de plus en plus fort. Nous ne faisons pas ceci parce que nous sommes mauvais, excessivement avaricieux ou complètement stupides, mais parce que nous sommes fidèles à notre culture et qu’elle nous récompense et renforce ce comportement. Nous représentons aussi notre propre conception évolutive. Durant la plus grande partie de notre histoire humaine, nous avons vécu en petits groupes dans des écosystèmes locaux et nous n’avions à penser qu’à de courtes périodes de temps (“Nous devions trouver de la nourriture” ou “Faire attention à l’ours des cavernes”). Nous avons ainsi évolué pour communiquer et nous occuper d’un petit nombre de personnes, pour faire attention à notre entourage immédiat et pour nous intéresser seulement aux événements et tendances à court terme. Ceci avait du sens durant les deux ou trois millions d’années de l’existence humaine, mais a fini par se convertir en désavantage terrible dans le monde actuel, de plus de six millions d’habitants, vivant le changement climatique, le bioterrorisme et les déchets toxiques qui ont une vie mesurable en millénaires.

Le jeu a changé – en grande partie à cause de notre propre succès comme espèce – et nous devons apprendre à changer avec lui. Nous devons non seulement changer nos actions, mais aussi notre façon de penser, parce que comme l’observa Einstein, “Nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes en utilisant la même façon de penser que nous utilisons quand nous les créons”.

Enseigner pour le futur

Si les façons de penser qui nous ont amenées à ce point sont inadéquates pour le futur, comment apprendrons-nous consciemment à penser de façon innovatrice? Comment communiquerons-nous et enseignerons-nous cet apprentissage? Ceci commence avec la compréhension de la nature du problème. Les théoriciens de systèmes utilisent parfois le modèle “iceberg”, appelé ainsi parce que sa forme est comme celle de cet objet naturel.

À la pointe de l’iceberg – le dix pourcent que nous voyons à la surface – sont les événements tels que nous les voyons dans les nouvelles ou les lisons dans les journaux. Mais si nous regardons sous la surface, nous pouvons voir que ces événements font partie de modèles plus grands. Et si nous regardons encore plus en profondeur, nous voyons que les structures –politiques, économiques et sociales – sont celles que ces modèles créent. Si nous faisons tout le parcours jusqu’à la base de l’iceberg – jusqu’à la grande masse sur laquelle les courants viennent frapper pour déterminer le mouvement du bloc de glace –nous voyons les paradigmes. Ce sont les croyances que nous avons sur la façon dont fonctionne le monde et ces croyances génèrent les structures qui, à leur tour, créent les règles d’événements que nous trouvons si souvent terribles. Les paradigmes, appelés aussi modèles mentaux, ne sont pas seulement des hypothèses sur comment sont les choses, mais aussi des engagements pour les faire d’une manière déterminée. Ils nous amènent à considérer nos risques comme des faits et la façon dont ils influencent profondément les résultats que nous obtenons de nos actions, ils sont autorenforçateurs.

Nous n’avons pas à chercher très loin pour un exemple de la façon dont nos modèles mentaux génèrent des résultats inattendus négatifs. L’investigation du cerveau nous indique que les adolescents n’apprennent pas bien, tôt le matin. Mais nous persistons à programmer des cours de bonne heure parce que nous avons le modèle mental que nous devons maximiser l’efficacité des autobus pour économiser de l’argent et (bien que moins admis normalement) parce que nous devons  garder  les enfants durant les heures de travail de leurs parents. Si au lieu de ceci nous soutenions le modèle selon lequel nos écoles devraient être le lieu où maximiser l’apprentissage et le rendement de nos élèves, nous les organiserions de façon très différente et nous règlerions les questions de transport et de garde des enfants de manières nouvelles.

Les modèles mentaux en classe

Il existe des manières simples et non intimidantes de remettre en question nos propres modèles mentaux et ceux des étudiants. Une de mes méthodes favorites est d’utiliser les exercices du « Cahier des systèmes de pensées » de Dennis Meadows et Linda Booth Sweeney1. Le livre offre un grand nombre de petits exercices rapides, appelés “Mettre en forme l’esprit”, qui peuvent nous aider à voir comment notre propre modèle mental se comporte. En voici quelques-uns à essayer:

Association de mots: Dans cet exercice, on cite des mots dans une séquence déterminée et les étudiants écrivent le premier mot qui leur vient à l’esprit. La séquence est ainsi: une couleur, un meuble, une fleur. Demandez aux étudiants d’écrire leurs mots et ensuite qu’ils répondent à main levée. Combien ont répondu rouge, chaise, rose? Combien ont répondu bleu, divan, marguerite? Combien ont répondu une combinaison des mots antérieurs: rouge ou bleu, chaise ou divan, rose ou marguerite?

J’ai fait cet exercice avec des groupes d’une douzaine d’étudiants jusqu’à des centaines de professeurs et typiquement, trois quarts ou plus des participants disent rouge, chaise, rose ou  bleu, divan,  marguerite ou une combinaison de ces mots. Pourquoi cela se produit-il? Par-dessus tout, nous aimons penser, nous les Nord-américains, que nous sommes les personnes les plus individuelles de la planète. Cet exercice est une simple démonstration de la force de notre socialisacion et de notre aculturation. Un biologiste dirait que nos réseaux neuronaux opèrent , que nous avons appris à penser de façons déterminées et comme les roues d’un wagon sur les rails, nous suivons ces chemins.  En peu de mots, nous pouvons seulement voir ce que nos modèles mentaux nous permettent. Si certains étudiants donnent une réponse complètement différente – violet, table, lupin, par exemple – prenez-en note. Ils voient le monde de façon différente, ils ne sont pas contraints par nos modèles mentaux et peuvent nous aider à le voir aussi de manière différente. D’autre part, il est facile d’améliorer ce jeu avec une seconde devinette – Il pense que je vais dire X, aussi je vais dire Y – mais entraînez les étudiants à essayer de répondre avec naturel.

Chêne, blague, coasser: Demandez dans cet ordre: “Quel arbre se développe à partir d’un gland?” (chêne); “Comment se nomme un conte avec une fin drôle?” (blague); “Quel son émet une grenouille?” (coassement); “Comment se nomme la partie jaune de l’œuf?” La majorité des gens répondent jaune d’œuf, ce qui n’est naturellement pas certain. Nous sommes influencés par le modèle et nous répondons automatiquement.

Lutte de pouces: C’est un jeu simple, dans lequel l’instructeur forme des couples avec les participants et les unit par leurs mains droites avec les pouces vers le haut. À l’ordre de Allons!, chaque joueur essaie de plier le pouce de l’autre avec le sien. On offre un prix à celui qui obtient le plus de points à l’intérieur de 60 secondes. Les résultats les plus communs sont deux, trois ou quatre. Mais il est probable que quelqu’un obtienne 50 points ou plus. Quand nous examinons comment cela a pu arriver, nous trouvons que les opposants se sont mis d’accord pour se conduire en partenaires afin de gagner le prix. Chacun renverse l’autre rapidement pour obtenir le maximun de points et ensuite partager le prix. Dans ce cas, le modèle mental compétitif (gagner-perdre) garantit l’échec, alors que le nouveau modèle de collaboration (gagner-gagner) assure le succès.

Impulsion pour le changement

Tandis que les modèles mentaux peuvent nous conduire dans des chemins dangereux (considérez qu’il y a plus de 25 000 armes nucléaires dans le monde, basées sur le paradigme de “paix par la force”), ils peuvent aussi être de puissants agents pour un changement positif. Vous vous rappelez le modèle de l’iceberg? Comme il nous indique où sont les points les plus puissants pour une impulsion, nous pouvons l’examiner de haut en bas pour créer une échelle d’influence de ce type:

Paradigme ou vision partagée (Mode génératif): Le niveau de paradigme ou vision partagée est le point d’impulsion le plus puissant pour le changement. Quand nous maintenons une vision des résultats désirés, cette vision conforme tout le reste.

Sstructure systématique (Mode créatif): Nous générons des structures en réponse à nos visions partagées et nos paradigmes. Elles constituent le moyen pour atteindre le but que nous prévoyons et à leur tour, elles créent les modèles d’événements que nous voyons.

Modèles ou règles d’événements (Mode adaptatif): à ce niveau, nous pouvons voir le comportement que nos systèmes créent au fil du temps, ce qui peut nous aider à briser le cercle de notre pensée à court terme. C’est le niveau d’apprentissage.

Événements (Mode réactif): Le niveau d’événements est purement réactif. À ce niveau, tout ce que nous pouvons faire est d’agir en réponse aux événements, ne pas changer les règles et encore moins la structure qui les génère.

Nous pouvons voir que si nous désirons créer ou administrer le changement, nous devons le faire au niveau génératif, pas à celui réactif. Si l’objectif d’un système (la vision) change, les résultats que cela génère changent aussi. Si nous désirons des résultats différents, nous devons maintenir des visions différentes. Nous devons aussi nous rappeler que, comme l’enseigne le Zen, la non-action est une action. Le manque d’une vision positive engendre un système chaotique ou opportuniste qui peut se déséquilibrer et créer des conséquences négatives. Comme le dit le compositeur Bruce Cockburn, “en l’absence d’une vision se produisent des cauchemars”.

Un complément puissant aux systèmes aléatoires et opportunistes est l’art et la pratique des systèmes de pensée. Ceci pourrait être l’outil le plus efficace disponible pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons et créer un futur durable.

Penser à des systèmes

La pensée systématique est une perspective, un langage et un ensemble d’outils pour décrire et comprendre les forces et les interrelations qui conforment le comportement des systèmes. Un système se définit omme un ensemble de parties qui interagissent pour fonctionner comme un tout et s’influencent constamment les unes les autres au fil du temps. Les parties des systèmes ne sont pas seulement interconnectées mais elles sont aussi organisées de manière cohérente en vue d’un but. Quelques exemples de systèmes sont : une famille, une équipe de football et un avion. Les systèmes onr aussi des propriétés émergentes qu’on ne peut pas trouver dans ses parties séparées. Quand les parties s’organisent en un système, de nouvelles propriétés, caractéristiques et de nouveaux comportements sont créés.

Les penseurs systématiques peuvent être identifiés par certaines caractéristiques qu’ils partagent:

  • Ils pensent à long terme.
  • Ils ont une vision d’ensemble.
  • Ils se centrent dans la structure, pas dans le cadre.
  • Ils cherchent les interdépendances et les relations de cause à effet.
  • Ils changent de perspectives pour voir de nouveaux points d’impulsion.
  • Ils considèrent comment les modèles mentaux déterminent notre futur.
  • Ils maintiennent la tension du paradoxe et de la controverse, sans ressentir la nécessité de les résoudre rapidement.

En comparant la pensée mécaniste traditionnelle avec la pensée systématique, nous observons plusieurs différences significatives.

La pensée mécaniste voit:

  • Des parties
  • Des objets
  • Des événements
  • L’isolement
  • La spécificité
  • Des statistiques
  • La simplicité

La pensée systématique voit:

  • Tout le monde
  • Des relations
  • Des structures
  • L’interdépendence
  • La généralité
  • Des dynamiques
  • La complexité

Observez de quelle manière progresse votre activité: Une bonne manière d’obtenir que les étudiants pensent de façon systématique est à travers d’un exercice appelé “Observe vers où tu marches”2. Cet exercice demande aux étudiants de travailler en groupes de quatre à six collègues pour faire une tempête d’idées et représenter graphiquement tous les produits, processus et impacts associés aux choses apparemment simples de leur vie quotidienne: leurs maisons, leur transport à l’école, leur nourriture, leurs biens et vêtements favoris. L’exercice révèle les interconnections et offre une vaste perspective systématique sur la façon dont les étudiants voient les parties comme des composantes d’ensembles plus grands, les objets à l’intérieur de relations plus vastes et la complexité que soustend la simplicité apparente.

Explorer un aliment favori –un hamburger, par exemple – nous projette vers les thèmes des terres agricoles, la production du grain, l’arrosage (et la rareté potentielle de l’eau), les pesticides et les fertilisants (et leur potentielle pollution), l’érosion des sols, les tracteurs et camions, les combustibles (et les émissions résultantes, avec leur contribution au réchauffement global), l’emballage, le restaurant où on a servi le hamburger et ainsi de suite. Je fais en sorte que les étudiants étendent un rouleau de papier autour de la classe, pendant qu’ils tracent les connections et les impacts. Quand chaque groupe a terminé, ils expliquent leur travail et la chose la plus surprenante qu’ils ont appris. Puis ils placent leurs diagrammes les uns attachés aux autres et réfléchissent sur les interconnections entre eux. Comme cette nouvelle conscience de leurs impacts peut se révéler surprenante, l’exercice suivant est une session de tempête d’idées pour déterminer au moins trois choses que les étudiants peuvent faire individuellement ou en groupe pour diminuer ces impacts.

Créer la vision

Il existe une histoire de science-fiction sur un homme qui construit une machine du temps pour visiter le futur. Quand il revient au présent, il raconte aux gens ce qu’il a vu. “C’est beau”, dit-il. “Les gens sont calmes, sains, créatifs et satisfaits. La Terre est vierge, la pauvreté et les maladies ont été éradiquées, l’art et la musique fleurissent”.

Inspirés par cette vision du futur, les gens se lancent pour la créer et y réussissent. Sur son lit de mort, le voyageur dans le temps fait une confession. Il n’a jamais construit une machine du temps et n’a jamais visité le futur. Il a simplement eu la vision du futur qu’il espérait. Et ceci a inspiré et a fourni aux gens le pouvoir de le créer.

Si la vision partagée est le point d’impulsion le plus puissant pour le changement, comment allons-nous faire pour l’élaborer? La vision du futur n’est pas quelque chose qui se présente facilement à la majorité d’entre nous. Peut-être parce que, à cause de cette empreinte évolutive que nous avons déjà mentionnée, plusieurs d’entre nous croient que c’est presqu’impossible à réaliser. Mais heureusement, la vision imaginative peut être apprise et peut donc être enseignée. Voici un exercice simple pour commencer à la pratiquer.

C’est l’année 2050 et vous êtes encore ici. Fermez les yeux, respirez profondément un moment et imaginez comment est le monde et comment il est arrivé à cet état. Est-il laid et terrifiant? Pour ceux de nous qui proviennent du terrain de l’éducation environnementale, il l’est souvent. Comme nous connaissons trop les tendances en cours, nos premières réponses sont souvent négatives (“Tous les arbres ont disparu. On ne peut pas respirer l’air. Tout est radioactif. Tous les animaux ont disparu”). Dans plusieurs cas, ces visions négatives expriment nos plus profondes peurs pour l’avenir. Nous devons donc les retourner modérément vers le positif pour exprimer non pas nos peurs pour le futur, mais ce que nous désirons qu’il soit, ce que nous désirons pour nos propres enfants et pour leurs enfants. Les choses commencent à changer quand nous faisons celà. Si nous pouvons exprimer nos désirs les plus grands, notre foi la plus profonde, nos désirs les plus puissants pour la planète Terre, notre compassion, notre courage et notre amour, alors un nouveau cadre pour un futur possible émerge, très différent et très positif.

Maintenir une vision positive du futur est comme planter un arbre qui prend beaucoup d’années à croître. Quand on plante des graines, on pose un acte de foi. On croit qu’il y aura un futur. On est conscient que l’on choisit de faire quelque chose, pas pour nous-mêmes, mais pour nos petits-enfants. On doit avoir une vision d’un enfant assis à l’ombre et dégustant ce futur. Il faut avoir la foi pour croire dans le futur, laclairvoyance pour voir à long terme et la responnsabilité pour voir plus loin – ne pas couper tout le bois pour être au chaud seulement une nuit.

Comment susciterons-nous ceci chez nos étudiants? En nous convertissant nous-mêmes en visionnaires: en partageant et en créant la vision d’un monde juste, humain et beau. En stimulant l’imagination, parce que nous devons être capables d’imaginer que toutes ces choses sont possibles avant qu’elles n’arrivent. En défiant, en inspirant et en encourageant le meilleur en nous-mêmes et chez nos étudiants. En créant une collectivité et en nous engageant avec d’autres en actions créatives et constructives pour mettre en avant ces visions partagées. En modelant les habiletés que nous voulons voir chez nos étudiants, en démontrant la valeur, la clarté, la sincérité, la responsabilité et l’adptabilité dans nos classes, dans nos écoles et dans nos vies. Pendant la plus grande partie de l’histoire humaine, les contes ont été la forme par laquelle nous avons appris, avons partagé des expériences, par laquelle le savoir s’est transmis et la collectivité s’est construite.

Aujourd’hui, notre vision du monde ne nous parle plus de notre place dans le monde et ne nous fournit plus une base sur laquelle nous pourrions enraciner nos communautés. Autrement dit, elle est inadéquate pour expliquer le temps dans lequel nous vivons. Peut-être est-ce la raison pour laquelle tant de gens se sentent perdus, pourquoi ils développent des dépendances ou une avidité matérielle démesurée, s’engagent dans des sectes religieuses ou deviennent « survivalistes ». Pourquoi, et ceci est le plus tragiquede tout, nos jeunes se tuent eux-mêmes et tuent les autres. Comme le disait le vieux blaireau sage dans la fable de Barry López, intitulée “Le blaireau et la belette”, “Conter des histoires est la façon dont les gens prennent soin les uns des autres”. Parfois dit le blaireau, “une personne a plus besoin d’un conte que de nourriture pour survivre”.

Enseigner pour le futur est réellement enseigner sur le changement de notre façon de penser, d’apprendre et de communiquer. C’est enseigner sur créer et conter de nouvelles histoires, des histoires de compassion et de collectivité, de foi et de d’esprit, de fête et d’amour. Des histoires d’un futur juste, durable et heureux. Des histoires non seulement de la beauté et des merveilles de la Terre, bien qu’y étant reliées.

 

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Notes

  1. Dennis Meadows et Linda Booth Sweeney. The Systems Thinking Playbook : Exercices to Stretch and Build Learning and Systems Thinking Capabilities. The Institute for Policy and Social Science Research, 2001.
  1. “Watch Where you Step”, dans Engaging Students Through Global Issues:Activity-based Lessons and Action Projects, Facing the Future: People and the Planet, 2000, descargable en:

www.teacherscorner.org/activities

Bibliographie

Hutchens, David. “Outlearning the Wolves”, “The Lemming Dilemma” et “Shadows of the Neanderthal” dans Learning Fables. Pegasus Communications, 2000.

Kim, Daniel. Systems Thinking Tools: A User´s Reference Guide. Pegasus Communications, 2000.

Meadows, Donella H. The Global Citizen. Island Press, 1991. Une collection d’essais sor la pensée systémique, la communauté et la durabilité.

Meadows, Donella H. “Places to Intervene in a System”. Whole Earth. Invierno 1997

Meadows, Donella H. “Dancing with Systems”. Whole Earth. Invierno 2001.

Meadows, Donella H., Dennis L. Meadows et Jorgen Randers. Beyond the Limits. Chelsea Green Publishing, 1992.

Richmond, Barry. The “Thinking” in Systems Thinking: Seven Essential Skills. Pegasus Communications, 2000

Walljasper, Jay et Jon Spayde. Visionaries: People and Ideas to Change Your Life. Utne Reader Books, 2001.

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John Goeckler est le directeur de Change Factors, antérieurement directeur exécutif de Facing the Future: People and the Planet. Auteur de Population Issues, Impacts and Solutions, et coauteur de Facing the Future: Population, Poverty, Consumption and the Environment. Il vit à Santa Fe, Nouveau-Mexique.

 Traduit par Jocelyne Dickey, biologiste et professeure de biologie et informatique à la retraite, traductrice bénévole depuis 2004, Québec.

Ce qui précède est une traduction de « Teaching for the Future: Systems Thinking and Sustainability » qui a été publié en Teaching Green: The High School Years.

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