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Faire une place aux jeunes ayant des besoins particuliers en matière d’apprentissage

Par Carol A. McMullen

Traduction par Olivia Métivier

Depuis qu’il a six ans, Danny, 16 ans, est toujours au mauvais endroit au mauvais moment. Il ne suit jamais les consignes et semble oublier les tâches qu’on vient de lui confier. Il a constamment des ennuis. On a envie de le réprimander, de lui infliger des punitions ou des  “pauses” (ou même de le perdre dans les bois!), mais on sent bien qu’il y a une explication derrière son comportement.

On pourrait croire que Danny est atteint d’un trouble du déficit de l’attention (TDA) ou qu’il est aux prises avec des problèmes familiaux. Par contre, si son cerveau est incapable de traiter correctement ce qu’il entend, il ne mémorisera pas ce qui est dit, même si, physiquement, il l’entend. C’est ce qu’on appelle un trouble du traitement auditif (TTA), soit un trouble d’apprentissage, et non un déficit de l’attention.

Les parents et les enseignants de Danny ignorent qu’il pourrait être atteint d’un TTA puisqu’il entend bien en apparence et a un quotient intellectuel élevé.

Les symptômes et répercussions de ces troubles, présentés ci-après, vous sont sans doute familiers puisque vous êtes enseignant. Les mesures que vous pouvez adopter sont similaires à celles proposées pour des déficiences auditives évidentes.

Les lecteurs de Profs Verts savent bien que l’enseignement en plein air enrichit les expériences d’apprentissage pour tous les élèves: c’est un fait de plus en plus établi. Toutefois, il arrive que les jeunes ayant des besoins particuliers d’apprentissage, soit ceux qui ont le plus à gagner du recours à cette méthode d’enseignement, soient mis de côté ou manquent une partie importante de l’expérience; il y a donc urgence à ce que les enseignants s’informent davantage sur la manière de favoriser accessibilité et participation. Vous apporterez une aide précieuse!

Vous trouverez ci-après une “boîte à outils” contenant des stratégies pratiques à utiliser pour aider les jeunes avec des besoins particuliers à davantage prendre part aux merveilleux programmes en plein air que vous aurez mis sur pied.

Lorsque l’on imagine un élève qui a des besoins particuliers, on peut penser à quelqu’un dont les capacités intellectuelles sont faibles (comme la trisomie 21) ou qui semble inapte à atteindre les objectifs du programme scolaire. En effet, ce type d’élève a besoin d’une démarche pédagogique modifiée et de beaucoup de soutien.

Les jeunes qui sont incapables de se concentrer, qui semblent désintéressés et hyperactifs ou qui se montrent peu coopératifs sont toutefois susceptibles d’avoir des besoins particuliers camouflés par un haut niveau d’intelligence. Il y a une dizaine d’années, plusieurs élèves de ce type recevaient un diagnostic erroné de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Au cours des dernières années, les jeunes qui reçoivent un diagnostic du syndrome d’Asperger et du trouble du spectre de l’autisme (TSA) sont de plus en plus nombreux. Certains élèves peuvent également ne pas avoir reçu de diagnostic de trouble d’apprentissage ni de traitement pour y remédier, ce qui demeure un défi pour les enseignants qui n’ont pas de spécialisation en adaptation scolaire.

Personne ne peut vraiment concevoir l’étendue et les répercussions des difficultés de ces jeunes, précisément parce que ces derniers sont très brillants et qu’ils ressemblent à tous les autres jeunes. Les parents et les enseignants sont parfois très frustrés et sévères envers ces élèves. Sans aide ni diagnostic adéquats, ceux-ci sont à risque de décrocher, d’avoir des démêlés avec la justice et de s’infliger des blessures graves. (Adam Lanza, l’auteur de la tuerie de décembre 2012 à l’école primaire Sandy Hook, au Connecticut, était, semble-t-il, atteint d’un syndrome d’Asperger non traité.) Heureusement, des tragédies de la sorte peuvent être évitées.

Aujourd’hui, les élèves brillants qui ont des besoins particuliers peuvent obtenir un diplôme au collège ou à l’université. Toutefois, leur niveau en lecture s’apparentera peut-être à celui d’un élève de neuvième année, comme c’est le cas d’un étudiant en médecine vétérinaire que j’ai connu. Celui-ci a également obtenu un résultat en raisonnement arithmétique situé dans le 16e centile et une note de 85 % dans un programme enrichi en mathématiques et en sciences, avec les mesures d’accommodement nécessaires. Certains jeunes peuvent ne plus se souvenir de l’endroit où ils ont laissé leur voiture, ou bien ne pas comprendre une blague simple ou des propos sarcastiques. Ils sont “perdus” dans notre monde, incompris et souvent victimes d’intimidation.

Une vaste gamme de mesures d’accommodement ont récemment été reconnues comme des droits dans presque toute l’Amérique du Nord et l’Occident. Ces mesures comprennent le recours à des preneurs de notes ou l’accès à des notes préparées par les enseignants, la présence d’un système FM dans les classes pour des élèves présentant un TTA, des programmes de lecture assistée par ordinateur et de reconnaissance vocale (pour l’écriture de textes), le recours à des feuilles de références et à des rédacteurs pour les examens, quantité de possibilités en matière d’examens à choix de réponses: ce ne sont pas les solutions créatives qui manquent!

Ces mesures d’accommodement sont comparables aux mesures pertinentes utilisées depuis plusieurs décennies, soit bien avant les diagnostics que l’on pose de nos jours, notamment le braille, l’accès aux personnes à mobilité réduite et le temps supplémentaire accordé pour les examens.

Lesquelles des mesures d’accommodement mentionnées précédemment seraient les plus appropriées dans le cadre de programmes d’enseignement en plein air?

Les élèves ayant des besoins particuliers doivent être encadrés, ce qui représente un réel défi dans un environnement extérieur. Mais si vous le pouvez et si vous le voulez, pourquoi ne pas informer les parents de l’activité ou de la méthode d’enseignement que vous préconiserez la veille de la journée prévue? Ainsi, l’élève pourra comprendre plus facilement ce qui se passera le lendemain et il appréciera mieux les diverses activités.

Voici quelques manières d’appuyer les élèves qui ont des besoins particuliers en matière d’apprentissage:

  • Répétez les consignes ou présentez-les de différentes façons. Divisez-les en petites étapes.
  • Utilisez des supports visuels avec des couleurs vives ainsi que des exemples d’exercices concrets.
  • Simplifiez vos objectifs, évitez toute surcharge d’information.
  • Incitez le jeune à utiliser ses cinq sens, particulièrement le toucher. Certains n’ont probablement jamais vécu la sensation de plonger les mains dans l’eau d’un marais, de toucher à de la mousse ou aux fils soyeux des asclépiades.
  • Créez un petit guide visuel ou une liste à cocher pour l’élève, qu’il pourra suivre tout au long de son programme scolaire. L’un ou l’autre de ces documents permettra d’améliorer sa concentration et sa motivation.
  • Jumelez le jeune avec un autre camarade de classe qui possède un bon sens de l’organisation et les compétences requises pour la réalisation des tâches demandées.
  • Favorisez l’établissement d’un lien étroit entre le jeune et vous-même, l’enseignant. Ou pensez à vous faire aider par un aide-enseignant, un élève plus vieux d’un autre programme, un parent ou un bénévole retraité et actif qui saura entrer en relation avec toutes sortes d’élèves.
  • Attribuez divers rôles concrets ou “créatifs” aux élèves ayant des besoins particuliers, tels que porteur d’eau, porteur de filets pour papillons, marqueur de repères dans un sentier, grimpeur responsable du repérage, etc. Ces tâches leur permettront de rester concentrés et motivés. De plus, cette pratique peut faire évoluer leur statut au sein du groupe, ce qui serait une solution à ce phénomène problématique.

Lorsqu’ils sont aux prises avec des objectifs d’apprentissage précis, la plupart de ces jeunes voient la lecture à voix haute comme un réel obstacle, comme ce fut le cas avec l’étudiant en médecine vétérinaire mentionné précédemment. Ne gênez jamais un élève en exigeant qu’il se prête à un exercice de lecture à voix haute, demandez seulement aux volontaires de participer. Comme pour l’idée énoncée de prévenir un élève quelque temps avant le déroulement d’une activité, proposez-lui des lectures avant de donner la matière dont il est question, fournissez au jeune ayant des besoins particuliers un rédacteur pour les travaux écrits ou jumelez-le avec un autre camarade fort en écriture. Les mesures d’accommodement en mathématiques sont plus complexes et doivent être basées sur un programme scolaire bien précis, similaire à l’approche de JumpMath.org[1].  

Finalement, voici quelques mots sur les difficultés sociales et perceptives chez les élèves atteints du trouble du spectre de l’autisme, dont le syndrome d’Asperger. Le fait de participer à une activité dans un milieu extérieur non structuré peut être extrêmement éprouvant pour certains de ces jeunes. Par contre, d’autres enfants, comme Tracy, 10 ans, aiment se trouver hors des classes bruyantes et à l’espace restreint. Tracy se sent submergée par une grande quantité de stimulus comme les lumières artificielles; les bruits de chaises; l’abondance de voix, d’images et de tableaux; et les décors tape-à-l’œil. Elle n’aime pas se faire toucher par les autres et elle regarde rarement les gens dans les yeux. Toutefois, dans un environnement extérieur, Tracy devient complètement captivée par la configuration des nuages et certaines formes de feuilles. Il est possible qu’elle compose une chanson dans sa tête pour les insectes plutôt que d’être attentive à votre exposé.

Cette inattention apparente de Tracy (c’est-à-dire peu d’attention centrée sur vous, mais davantage sur ses propres champs d’intérêt particulier) s’apparentera à du désintérêt, du non-respect ou encore à un symptôme du TDAH. Vous voyez ici à quel point ces interprétations variées rendent l’analyse du comportement complexe.

Ne pas vous préoccuper des élèves non perturbateurs, ou encore être très dérangé par ceux qui ont un mauvais comportement, sont des difficultés que vous éprouvez peut-être en tant qu’enseignant. Question de ne pas priver complètement les autres élèves de la classe de votre attention, il serait opportun de modifier et de simplifier vos activités pour les jeunes présentant des besoins particuliers afin de leur offrir une zone de confort pour qu’ils puissent bien fonctionner. Le fait de limiter les problèmes de comportement de l’élève et d’appliquer les méthodes présentées précédemment engendrera probablement un mode “parallèle” de participation sans imposer un niveau d’interaction qui entraînerait des larmes et des crises.  

Vous avez la chance d’influencer la vie des élèves qui sont dans votre classe. Les aider à enrichir leurs connaissances et à approfondir leur amour de la nature aura des résultats permanents sur la manière dont ils protègeront l’environnement et en tireront du ressourcement une fois adultes. Ils pourront ensuite transmettre ces valeurs à leurs enfants. Pour ce qui est des élèves ayant des besoins particuliers, vous serez à même d’observer certains de leurs traits de personnalité et d’établir avec eux des liens d’une manière qui serait totalement impossible entre les murs d’une classe ordinaire. Vos observations peuvent être constructives pour les parents et tous les enseignants qui doivent composer avec la même situation que vous.

Vous aurez l’occasion de tisser des liens forts avec ces jeunes, ce que d’autres enseignants ne pourraient faire dans un milieu plus confiné. Ces élèves se souviendront toujours des beaux moments passés avec vous, plus que de n’importe quelle autre activité dans leur parcours scolaire. Qui sait si ce ne seront pas vos encouragements ainsi que le lien étroit que vous aurez développé avec eux qui les empêcheront d’emprunter le mauvais chemin dans les années qui suivront? Vous êtes dans une position privilégiée, qui entraîne aussi son lot de responsabilités, pour servir de source d’inspiration à maints égards. Puisse-t-il en être ainsi.

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En quoi consistent ces besoins particuliers en matière d’apprentissage?

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est caractérisé par de l’inattention ou une faible concentration, parfois accompagné d’un flux excessif de paroles, d’un niveau d’activité élevé ainsi que d’une forte tendance à la perturbation et au conflit.

Le syndrome d’Asperger, un trouble du spectre de l’autisme (TSA) de haut niveau, est caractérisé par des problèmes importants sur le plan de l’interaction sociale ainsi que par des activités et des intérêts restreints ou marqués par la répétition.

Les troubles d’apprentissage (TA) sont caractérisés par des problèmes de traitement de l’information auditive ou visuelle qui influencent l’apprentissage, malgré une intelligence élevée. Ces problèmes peuvent nuire à l’écoute, à la parole, à la mémoire et à toutes les sphères scolaires.


Note de bas de page

[1] Un chapitre entier est consacré à cette approche dans un manuel que j’ai écrit et qui vient tout juste d’être publié, intitulé Saving your Child, Saving Yourself: Navigating Roadblocks in Managing ADHD, Asperger’s and Learning Disabilities (en anglais).

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Carol A. McMullen est une spécialiste qui travaille auprès d’enfants, d’adolescents et d’adultes présentant des besoins particuliers d’apprentissage de toutes sortes. Elle est l’auteure d’un manuel exhaustif destiné aux familles et aux professionnels, Saving Your Child, Saving Yourself: Navigating Roadblocks in Managing ADHD, Asperger’s and Learning Disabilities. Consultez son site Internet pour en apprendre plus sur elle : www.carolmcmullen.ca.

Olivia Métivier est une étudiante finissante au baccalauréat en traduction professionnelle de l’Université de Sherbrooke. En plus de posséder une excellente maîtrise du français et de l’anglais, elle a de bonnes bases en espagnol et en allemand.

Ce qui précède est une traduction de « Acommodating Children with Special Learning Needs » qui a été publié en Green Teacher 101, Hiver 2013-2014.

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