Skip to content

Garantir la pérennité des potagers en milieu scolaire

Par Jennica Skoug et Beth Hanna

Traduction par Karolina Brzezinska

Six ans avant de se parer de couleurs vertes, jaunes et orange, le potager du district scolaire Tomorrow River School existait déjà en noir et blanc. En effet, dès 2006, un groupe de parents et d’enseignants engagés dans les activités du district, situé au cœur d’Amherst dans le Wisconsin, avaient esquissé un programme scolaire de mieux-être misant sur l’implantation de potagers à l’école pour offrir un programme complet en matière de nutrition. Ce programme dressait un plan d’action rigoureux visant la création d’un potager scolaire dans le cadre du plan directeur de l’école. Six ans plus tard, le potager du district scolaire voyait enfin le jour.

Cet automne, on apercevait la classe de première année de Mme Doll marcher sur la pointe des pieds à travers les plants à la recherche de citrouilles et de courges d’hiver. À la suite des enfants se trouvait le directeur des services alimentaires du district scolaire. C’est que la récolte des citrouilles a été assez abondante pour qu’on puisse les cuisiner et les servir à l’heure du dîner à l’école primaire et secondaire d’Amherst. Le programme de mieux-être prévoit des emplacements pour planter des arbres fruitiers, et l’école espère aussi amasser des fonds afin de pouvoir embaucher une personne pour coordonner le potager.

Il est vrai que ces projets peuvent sembler sortir tout droit d’une fantaisie pédagogique écologique, mais ils sont simplement devenus réels grâce à la mise en œuvre du programme de mieux-être d’Amherst. Trop souvent, les potagers scolaires sont laissés à l’abandon à cause du roulement des employés, d’un manque de fonds ou d’un changement dans les orientations éducatives. Avoir un programme de mieux-être pour soutenir un projet de potager à long terme ne fait pas qu’augmenter la durée de vie de celui-ci, mais il aide aussi à prendre les mesures nécessaires pour suivre de près son évolution.

C’est grâce à l’attention toujours grandissante que l’on porte aux problématiques de l’obésité infantile et de la nutrition que l’élaboration du projet des potagers s’est retrouvée au premier plan des politiques éducatives. On croit fermement que l’implantation de potagers est un excellent moyen de familiariser les jeunes avec les fruits et les légumes, de les initier à leur goût et de les inciter à en consommer davantage. Toutefois, il est important de mentionner que les tendances dans l’éducation, même celles qui sont cautionnées par des recherches, ne mènent pas toujours à une implantation à grande échelle. Effectivement, les potagers en milieu scolaire étaient très populaires à la fin des années 1800 et au début des années 1900 avant qu’ils ne soient relégués à l’histoire de l’éducation dans les années 1920. Les programmes de mieux-être sont donc des outils primordiaux pour aider les potagers en milieu scolaire du 21e siècle à grandir aujourd’hui, mais aussi à s’inscrire dans l’avenir.

Il ne s’agit pas d’un appel à l’aide pour la survie des potagers, mais bel et bien d’un appel à agir et à s’inspirer. Il est tout à fait possible de viser la pérennité des potagers, mais il faut toutefois être prudent et bien mettre les intentions sur papier. “Je pense que le jardinage est vraiment une belle initiative et je ne crois pas que le potager puisse disparaître un jour, déclare Mike Toelle, directeur de l’école primaire d’Amherst. Je suis par contre conscient que ces projets ont tendance à passer aux oubliettes lors du départ de la personne responsable. Parce que les potagers sont aujourd’hui intégrés à notre programme de mieux-être et à notre plan directeur, ces projets devraient donc perdurer.”

Les projets de potagers qui sont intégrés à des programmes de mieux-être deviennent des éléments d’un plan axé sur des objectifs et suscitent alors l’attention en tant que partie intégrante d’un programme scolaire essentiel. Les protocoles de communication et d’évaluation qui font partie de la plupart des programmes de mieux-être aident les projets de potagers à gagner en crédibilité en tant qu’outil éducatif directement lié aux autres activités en matière d’alimentation et d’activité physique proposées par l’école. Le fait d’inclure le jardinage officiellement dans le programme de mieux-être aide les écoles à augmenter la portée de leurs projets de jardins pour que de plus en plus d’élèves prennent part à cette nouvelle approche éducative. Même si la réglementation entourant les stratégies de mieux-être diffère d’une région du monde à l’autre, quelques éléments sont souvent communs:

  • Promouvoir les activités éducatives sur la saine alimentation et l’activité physique, ainsi que d’autres activités scolaires qui visent le mieux-être.
  • Offrir de l’information nutritionnelle quant aux aliments accessibles.
  • Informer la population sur le contenu et la mise en œuvre des programmes de mieux-être.
  • Permettre l’élaboration d’un plan pour mesurer les progrès réels et l’atteinte des objectifs.

Tout comme le jardin devient plus fort grâce à la plantation d’une grande diversité de végétaux, les écoles peuvent favoriser le développement d’un programme de mieux-être de grande qualité en confiant sa rédaction et sa révision à plusieurs groupes qui travaillent en collaboration. En effet, les parents, les élèves, les experts en nutrition de l’école, les enseignants d’éducation physique, les professionnels de la santé en milieu scolaire, le conseil scolaire et les membres de la collectivité devraient tous mettre la main à la pâte. Cette grande diversité de personnes engagées permet d’assurer la pérennité des programmes de mieux-être, autant sur papier que dans la réalité. Plusieurs écoles mettent sur pied un comité responsable du programme de mieux-être qui se réunit au moins une fois par année afin de revoir et de réviser les stratégies adoptées. Ces révisions visent à constater si les efforts de l’école quant à l’amélioration de la santé des élèves portent fruit et elles permettent aussi d’apporter des changements positifs aux stratégies de bien-être déjà existantes ou à celles qui sont en cours d’élaboration. À l’ordre du jour: les potagers de Tomorrow River.

Les comités responsables des programmes de mieux-être qui ont choisi d’arrimer l’idée des potagers scolaires aux stratégies déjà en place l’ont fait de deux manières différentes. Certains comités ont décidé d’inclure, dans des sections du programme, des éléments relatifs au jardinage, tandis que d’autres ont carrément créé une nouvelle section consacrée aux jardins scolaires dans leur programme. Ceux qui ont décidé d’inclure le jardinage dans diverses sections du programme l’ont fait dans des sections qui se prêtaient davantage à ce type de projet, telles que les activités de formation en matière de nutrition, d’éducation physique et d’autres activités qui misent sur le bien-être. Dans la section relative à la formation alimentaire du programme du district scolaire de Tomorrow River, on lit:

“Les écoles devraient offrir de l’enseignement en nutrition et s’engager à promouvoir la nutrition par des activités participatives, distrayantes, pertinentes d’un point de vue culturel et adaptées au niveau de développement des élèves, comme des concours, des activités de promotion, des dégustations, des sorties à la ferme et des journées consacrées à la création de potagers.”

Certains districts ont poussé encore plus loin la note dans leurs méthodes de promotion des potagers scolaires. Dans la section du programme de nutrition du district scolaire de Wisconsin Shorewood, il est écrit:

“Parmi les objectifs du programme, il y a: mener des activités dans des jardins éducatifs pour permettre aux élèves d’acquérir de l’expérience en plantation et en cueillette, et apprendre à préparer, à servir et à goûter des aliments, entre autres dans le contexte de certaines célébrations qui allient traditions et nourriture. Le tout doit être intégré à la formation en nutrition et aux matières du programme de base, et être en adéquation avec les exigences de l’État.”

Manifestement, les écoles n‘ont pas besoin de partir de zéro. La Wisconsin School Garden Initiative (WSGI), qui vise à favoriser le réseautage et à soutenir les éducateurs responsables des potagers à l’échelle de l’État, a rédigé un rapport intitulé Incorporating School Garden Language into a School Wellness Policy, dont le but est précisément d’appuyer les comités responsables des programmes de mieux-être. En plus des exemples cités précédemment, le rapport évoque les orientations du Public Health Law Center du Minnesota, qui peuvent servir de balises pour créer un projet autonome de potagers en milieu scolaire.

Même si ce ne sont pas toutes les régions qui ont un réseau pour soutenir les projets de potagers en milieu scolaire, la plupart comptent toutefois différentes organisations, ou du moins des personnes, qui préconisent des stratégies éducatives dont le but est d’aider les enfants à grandir sainement. Les autorités sanitaires locales, les services de santé gouvernementaux, les professionnels de la santé publique ou d’organismes sans but lucratif représentent tous des sources possibles d’appui. Un autre partenaire naturel est le mouvement “De la ferme à l’école”, qui n’a plus besoin de présentation et qui prône le recours aux aliments locaux et la formation à la nutrition basée sur ce qui pousse dans le potager. Par ailleurs, même s’il n’existe aucune organisation de soutien locale, l’appui de la collectivité ne devrait guère être sous-estimé. La plupart du temps, il suffit de l’apport d’un bénévole passionné pour conférer énergie et impulsion à un comité de mieux-être.

Pour les écoles, nul besoin d’attendre que le projet de potager soit complètement ficelé avant de produire un premier document officiel. En effet, le potager scolaire ne sera sans doute que cela, un projet, lorsqu’on en fera une composante du programme de mieux-être. Quand les élèves de première année de Mme Doll se fraient un chemin à travers les plants de tomates qui croulent sous leurs fruits automnaux, mûrs à point pour être dégustés, ils ne sont pas conscients des nombreuses imperfections du potager. Au contraire, ils pensent à l’explosion inattendue de saveurs que ces petites gâteries rouges cueillies directement sur le plant leur procurent ou au moment de fierté qu’ils ressentent lorsqu’ils voient, à la cafétéria, la plus grosse citrouille ramassée durant l’après-midi. Voilà que biologie et arts plastiques sont au menu du repas du midi! De manière plus globale, le projet de potager sert de tremplin à l’instauration d’un milieu scolaire sain où évolueront, dans l’avenir, des élèves en santé et respectueux de l’environnement.

——————————————————

Jennica Skoug et Beth Hanna travaillent pour la Wisconsin School Garden Initiative (WSGI), projet coordonné par Community GroundWorks, organisme sans but lucratif situé à Madison. Le WSGI est un projet qui se déploie sur trois ans et a pour but d’augmenter le nombre et la qualité des potagers en milieu scolaire partout au Wisconsin. La WSGI offre des formations, du soutien et des ressources aux enseignants responsables des potagers. Il est possible de joindre Mmes Skoug et Hanna au www.WIschoolgardens.org ou au wsgi@communitygroundworks.org.

Karolina Brzezinska est étudiante au baccalauréat en traduction professionnelle à l’Université de Sherbrooke. Passionnée de langues et de cultures, elle est aussi titulaire d’un certificat en langues modernes de l’Université de Sherbrooke.

Ce qui précède est une traduction de « Creating School Gardens that Last » qui a été publié en Green Teacher 102, Printemps 2014.

No comments yet

Leave a Reply