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La science des saisons

Par Naomi Dietzel Hershiser

Traduction par Cristelle Gauthier

“Dans la nature, on ne voit vraiment une chose pour la première fois qu’après l’avoir observée cinquante fois.” – Joseph Wood Krutch

Ce matin, mon plant de laitue scarole a fleuri pour la première fois de l’année : une célébration d’un beau jaune soleil pour accueillir la nouvelle journée. Chaque fois que je mets les pieds dehors, je vois quelque chose de nouveau et de merveilleux, peu importe si je me trouve toujours dans le même “bon vieux” quartier. Trop d’éducateurs font leur trajet habituel, de la maison à la voiture puis de la voiture à l’école, sans même remarquer le délicat croissant de lune qui perdure dans le ciel du matin, la nouvelle toile d’araignée savamment tissée entre les brins d’herbe ou les quelques feuilles de l’amélanchier récemment teintées d’orangé. La nature reste la toile de fond de nos vies; mais n’en est presque jamais le centre d’attention, malgré son effervescence constante et toutes les possibilités d’apprentissage qu’elle offre dans nos cours, nos parcs et nos grands espaces. Aujourd’hui, plutôt que notre propre expérience, c’est souvent la télévision et Internet qui nous renseignent sur la nature; pourtant, d’une manière ou d’une autre, elle est presque toujours là, tout près de nous.

L’attention que je porte aux phénomènes naturels qui m’entourent rend ma vie plus riche; elle me donne une meilleure compréhension du monde et de son fonctionnement. Cette perspective est un cadeau que je veux à mon tour transmettre à mes élèves. À la Prairie Crossing Charter School, une école de Grayslake, en Illinois, les élèves sortent tous les jours dans la nature et apprennent grâce à elle. Ce n’est pas seulement l’endroit où nous sommes qui favorise ce type d’apprentissage, mais aussi nos enseignants, leurs groupes et leurs leçons. La phénologie est l’une des sciences que nous privilégions pour initier les jeunes à l’observation et l’apprentissage de la nature, de la maternelle à la 8année.

La phénologie est une science ancestrale qui étudie les phénomènes périodiques de la nature, comme la migration, la floraison, la dormance : elle englobe tout ce qui a trait aux stades de la vie et au climat dans le cycle des saisons. Autrefois, la survie de chacun dépendait de l’observation phénologique; elle permettait par exemple de savoir quand entailler les érables, faire les semis ou se préparer pour l’hiver. Aujourd’hui, puisque les changements climatiques viennent modifier le moment et le lieu des phénomènes périodiques, la phénologie est d’autant plus importante pour notre survie à tous. En effet, partout au pays et à l’échelle mondiale, nombre de groupes et d’organisations recueillent activement des données phénologiques afin que nous puissions mieux comprendre les effets des changements climatiques.

L’intérêt des enfants pour la phénologie est inné; sans jamais avoir entendu le mot, nous la pratiquons tous. Je l’explique à mes élèves lorsque je leur enseigne le “grand mot scientifique” qui désigne les observations saisonnières qu’ils font déjà. Je leur montre toutes sortes de photos prises dans la nature : de vastes paysages, des fleurs en gros plan ou des animaux en train de faire une activité précise. À partir des indices présents sur chaque photo, les élèves doivent composer une argumentation qui justifie leur point de vue quant au moment où elle a été prise : la saison, ou, mieux encore, le mois. Le fait d’avancer une affirmation et de l’appuyer au moyen de justifications constitue le point de départ de nombreuses activités d’apprentissage décrites par les normes d’enseignement intitulées “Next Generation Science Standards”1. D’ailleurs, les enseignants et lecteurs responsables de mettre en pratique les normes pédagogiques du tronc commun (Common Core State Standards) sauteront certainement de joie devant cette occasion d’amener leurs élèves à justifier des affirmations.

Les élèves du primaire sont presque toujours capables d’identifier la bonne saison; pour la grande majorité, ils mettent même le doigt sur le mois exact où la photo a été prise. Au fond, ce n’est pas surprenant. Toute leur vie (du moins, là où j’enseigne, dans le Midwest des États-Unis), ils ont été témoins des changements saisonniers chez les arbres : la succession du vert au rouge, à l’orangé, au jaune, puis au brun, suivie de la défeuillaison. Ils se sont réjouis à l’apparition des jonquilles au printemps, puis devant les grands V des bernaches en plein vol migratoire. Ils ont appris à quel moment les glands et les noix, qu’ils adorent ramasser, tombent des arbres; ils ont pu offrir des lilas pour la fête des Mères, car c’est en mai que les Syringa fleurissent dans leur cour. Les enfants font de la phénologie depuis qu’ils sont dotés du sens de l’observation; notre approche pédagogique vient simplement structurer leur démarche et leur permettre de faire des liens entre différents phénomènes saisonniers.

Dès le plus jeune âge, les élèves peuvent commencer à découvrir les transformations de la nature au gré des saisons; ils progresseront dans cet apprentissage au fil de leur cheminement scolaire. La phénologie permet aux enseignants d’atteindre les objectifs du programme et de respecter les normes pédagogiques de plusieurs façons : de l’adoption d’un arbre à la participation des élèves à la science citoyenne par une collecte de données. Voici quelques idées pour amener la phénologie dans vos classes.

Un début simple pour les plus jeunes : l’adoption d’un arbre

Notre programme de phénologie commence à la maternelle par l’adoption d’un arbre. Équipés de coussins pour s’asseoir, de planchettes à pince, de papier, de craies de cire et de crayons, les élèves rendent visite à l’arbre tout au long de l’année. Ensemble, ils observent l’arbre de façon systématique. L’enseignant pose des questions afin d’encourager les élèves à remarquer les changements survenus depuis leur dernière visite et à explorer l’arbre en mettant leurs cinq sens à profit. Guidés par l’enseignant, ils examinent l’arbre : la taille, le nombre et la couleur de ses feuilles; la présence ou l’absence de fleurs et de graines ainsi que leur forme; des indices révélant la présence d’animaux en interaction avec lui. D’abord, les élèves dessinent l’arbre; à mesure que l’année avance, ils écrivent des mots, ou même une phrase pour le décrire à un moment précis. Cette méthode permet de suivre à la fois l’évolution de l’arbre au cours d’une année et le développement des enfants. En même temps que l’arbre change, les observations des élèves et leurs compétences langagières s’améliorent.

Voici de quelle façon vous pouvez adopter un arbre avec votre classe de maternelle ou du premier cycle du primaire :

  • Choisissez un arbre accessible; l’idéal serait qu’il soit visible de la fenêtre de votre classe. Les observations faites par la fenêtre ne remplacent pas celles faites à l’extérieur; elles peuvent cependant occasionner une visite impromptue si un élève ou un adulte remarque un changement en regardant dehors.
  • Optez pour un arbre qui change et traverse ses phénophases principales pendant l’année scolaire. Selon mon expérience, les chênes et les érables sont de bons candidats, puisque les élèves peuvent voir leurs fleurs, leurs graines, et tout leur cycle de feuillaison. Évitez les arbres à feuillage persistant ainsi que les arbres qui fleurissent ou montent en graine en plein été.
  • Au début de l’année, présentez l’arbre comme un membre de la classe. Expliquez aux élèves qu’ils apprendront à le connaître aussi bien qu’ils apprendront à connaître leurs camarades. La première fois que vous rendez visite à l’arbre, guidez les élèves pour qu’ils en regardent attentivement chacune des parties. Demandez-leur de décrire la forme et la couleur des feuilles, puis la texture de l’écorce. Faites-les observer l’arbre de loin, ensuite de près, pour qu’ils puissent se faire une bonne idée de son allure générale. Faites-les chercher des indices montrant que des animaux ont interagi avec l’arbre : des feuilles mangées ou des nids et des toiles d’araignées entre les branches.
  • Donnez ensuite à chaque élève la tâche de dessiner l’arbre. Assurez-vous que tous comprennent bien qu’ils doivent créer une image réaliste, un dessin permettant à une personne qui ne peut pas voir l’arbre de bien se l’imaginer. S’ils en sont capables, les élèves peuvent aussi inscrire sur leurs dessins des mots pour décrire l’arbre. À l’inverse, les élèves aux habiletés linguistiques moins avancées et les apprenants de la langue d’enseignement peuvent démontrer ainsi leur compréhension par le dessin, sans devoir utiliser de mots. Il s’agit là d’une possibilité de différenciation.
  • Prenez une photo du groupe devant l’arbre. Vous pouvez l’exposer dans la classe en ajoutant ensuite les autres photos que vous prendrez, ou les utiliser toutes pour créer une présentation numérique. Si vous voulez, demandez leur avis aux élèves : Devrait-on privilégier une vue de l’arbre dans son ensemble ou un gros plan d’une de ses feuilles? Quelle utilité pourrait avoir chacune de ces photos?
  • Gardez ces photos à un endroit particulier, pour qu’à chaque visite, de nouvelles images viennent rejoindre les précédentes, ce qui créera en fin de compte une belle représentation de l’année qu’ont vécue ensemble les élèves et l’arbre.
  • Rendez visite à l’arbre environ une fois toutes les deux semaines. L’hiver, comme les changements se font plus rares, vous pouvez espacer davantage vos visites; par contre, des visites plus rapprochées seront de mise au printemps et à l’automne. Engagez la discussion en proposant aux élèves de s’attarder aux différences qu’ils remarquent par rapport à leur dernière visite. Revoir leurs dessins ou les photos prises à cette occasion leur rafraîchira la mémoire. D’ailleurs, d’une visite à l’autre, faites en sorte que les élèves se placent toujours au même endroit pour dessiner l’arbre; prenez aussi vos photos du même point de vue, cela permettra de l’observer sous le même angle.
  • Si vous voulez un complément amusant pour cette activité, créez un arbre d’adoption à l’intérieur. Installez d’abord au mur de la classe une réplique assez fidèle de la forme du tronc et des branches de l’arbre. Ce canevas reste affiché au mur toute l’année; après chaque visite à l’arbre, l’image sur le mur est modifiée en fonction des changements réels. On ajoute aux branches des feuilles de la bonne taille, de la bonne couleur et en quantité appropriée. En hiver, de la neige, un nid ou des pistes d’animaux viennent agrémenter la scène, selon les trouvailles de la classe. De cette façon, l’arbre devient un membre de la classe à part entière, toujours présent, même à l’intérieur!
  • Pensez aussi à l’adoption d’une plante, une bonne idée pour les élèves du primaire plus avancés. Un tel ajout permet de faire des comparaisons intéressantes, et recèle des possibilités d’apprentissage surprenantes.
  • À la fin de l’année, faites un retour sur toute l’information recueillie au sujet de l’arbre. Revenez ensemble sur les dessins et les photos pour que les élèves constatent leur progression. Ces travaux ont par ailleurs naturellement leur place dans le portfolio individuel des élèves, car ils montrent bien leur développement scolaire au cours de l’année.

Savoir s’amuser : chasses au trésor

Nos plus jeunes élèves participent à des chasses au trésor saisonnières. Présentées comme un jeu, ces activités aiguisent pourtant leur sens de l’observation et les rendent plus sensibles aux signes saisonniers. Lorsqu’elles sont préparées avec soin et répétées d’une semaine à l’autre, ces chasses au trésor permettent aux jeunes de faire des observations justes sur des changements survenus sur une courte période. Par exemple, au printemps, les élèves partent à la recherche de chatons dont émane du pollen, en se fiant à une image. Ils viennent ainsi à remarquer que c’est à des moments distincts durant la saison que les différentes espèces de chatons enflent et libèrent leur pollen sous forme de poudre vert-jaune.

Je prépare mes chasses au trésor moi-même pour les adapter au moment de la saison et à l’endroit où se situe l’école, mais aussi aux deux facettes de la phénologie : je pense à la faune et à la flore que mes élèves pourront trouver. Pour créer une chasse au trésor saisonnière, je me sers d’une feuille sur laquelle j’ai tracé un tableau de 5 rangées de 5 cases. Mes 25 trésors constituent un ensemble de choses difficiles et faciles à trouver; certaines très précises, d’autres de nature plus générale, mais qui sont susceptibles de mener à des découvertes intéressantes. Dans chaque case figure une description ainsi qu’un petit dessin de ce que les élèves cherchent.

Creuser un peu : jeunes experts en phénologie

Dès la troisième et la quatrième années, les leçons de phénologie se complexifient. C’est au début de cette nouvelle phase d’apprentissage que j’utilise le cours d’initiation que vous trouverez en ligne.

Pour entamer une étude phénologique des plantes, choisissez d’abord cinq plantes sur lesquelles les élèves se concentreront en équipes de quatre ou cinq. Vous pourriez laisser la classe choisir, mais en général, il est plus facile que l’enseignant sélectionne lui-même les plantes afin de réunir tous les éléments favorables à l’étude. Par exemple, il peut parfois s’avérer utile de reprendre les mêmes plantes d’une année à l’autre pour une question d’exactitude des données. De plus, il est essentiel d’opter pour des plantes qui traversent leurs phénophases durant l’année scolaire; une plante qui fleurit, produit des graines et les libère durant les vacances d’été ne sera pas d’une très grande utilité aux élèves pour leurs observations phénologiques.

Lors du deuxième cours de phénologie de l’année, les élèves observent leur plante et recueillent leurs premières données. Il est alors crucial de bien leur faire comprendre le type et la qualité d’information qu’ils recherchent : cette première leçon donne le ton du projet entier. Invitez les élèves à définir eux-mêmes les normes. Questionnez-les : quel type d’information devraient-ils chercher et consigner? Quelles observations seraient utiles s’ils veulent remarquer des changements sur une période de temps? Rappelez-leur de se servir de leur aide-mémoire de phénologie, qui les aidera à ne négliger aucune partie de leur plante et à utiliser leurs cinq sens. En fait, les élèves de mon école se créent un modèle simple pour faciliter leur collecte de données pendant l’année. Avant la sortie, vous pouvez montrer des exemples du travail d’anciens élèves dans lesquels les observations écrites sont précises et détaillées, les dessins clairs et bien identifiés.

Allez à l’extérieur avec les élèves pour observer ces plantes deux fois par mois. C’est à ce moment qu’ils notent les changements par écrit et en font des dessins. Ce travail peut être réalisé dans un cahier réservé à cet usage, ou sur des feuilles individuelles rassemblées ensuite dans une reliure à anneaux. Un modèle élémentaire de fiche prévoit des endroits où noter la date et le moment de la journée, les heures du lever et du coucher du soleil, le temps qu’il fait (température, précipitations, etc.), en plus de lignes où écrire d’autres observations et d’un espace prévu pour les croquis scientifiques. Les fiches de données peuvent aussi fournir des rappels d’observations à faire : par exemple, recommander de surveiller les changements de couleur et de taille; les indices d’une nouvelle phénophase comme la floraison ou la montée en graine et les indicateurs qui révèlent l’interaction d’un animal avec la plante.

À l’école Prairie Crossing, des cahiers distincts servent à la collecte de données phénologiques, élaborés au fil de nombreuses années d’activités d’observation avec les élèves. Voilà un sommaire de ce qu’ils renferment :

  • une introduction à la phénologie en termes simples, qui explique pourquoi cette science est importante;
  • un aide-mémoire de phénologie, qui décrit le cycle de vie des plantes et des animaux par étapes précises pour rappeler aux élèves ce à quoi ils doivent être attentifs;
  • des pages de termes utiles pour décrire les plantes afin de simplifier et d’uniformiser la communication;
  • une série illustrée de “choses à trouver” pour chaque mois;
  • deux fiches de données à remplir par mois, avec des espaces prévus pour le temps qu’il fait, les heures du lever et du coucher du soleil, d’autres observations sur la plante choisie et des dessins détaillés;
  • des pages pour les graphiques d’ensoleillement et de température à constituer en cours d’année.

Ces cahiers sont véritablement interdisciplinaires. Lorsque les élèves mesurent les plantes et calculent les heures d’ensoleillement, ils font des mathématiques. Leur talent artistique est mis à profit lorsqu’ils dessinent; ils apprennent même des techniques de dessin scientifique dès la 3e et la 4e années. Dans leurs cahiers, ils rédigent des descriptions détaillées. Tout cela sans oublier à quel point l’observation des plantes et de l’environnement stimule leur compréhension de concepts scientifiques.

Au milieu de l’hiver, leurs fiches de données remplies pour la première moitié de l’année scolaire, les élèves sont prêts à construire les graphiques d’ensoleillement et de température pour cette période. À partir des données qu’ils ont en main, aidez-les aussi à concevoir un modèle qui leur servira à prédire les résultats de la deuxième moitié de l’année. Est-ce que l’ensoleillement se stabilisera, ou continuera-t-il à diminuer comme du mois d’août à décembre? Les jours s’allongeront-ils à nouveau? À quelle vitesse? La température recommencera-t-elle à monter? Fera-t-il aussi chaud à la fin de l’année qu’il faisait à la rentrée? À la fin de l’année scolaire, invitez les élèves à comparer les données réelles aux prédictions faites en hiver.

En fin d’année, en plus de terminer les graphiques d’ensoleillement et de température, les élèves récapitulent le cycle de vie complet de leur plante. Les enseignants de l’école Prairie Crossing organisent toutes sortes de projets pour permettre à leurs élèves de montrer ce qu’ils ont appris; un choix populaire est l’élaboration d’une “roue de phénologie”. Sur un cercle semblable au modèle du site “Wheels of Time and Place”2 (en anglais seulement), les élèves peuvent retracer l’évolution de leur plante au cours de l’année en mots et en images.

Recueillies sur une période de deux ans, les données phénologiques de chaque élève fournissent des possibilités de comparaison. Ce qui n’est au départ qu’une observation étalée sur un an devient l’amorce d’un processus de collecte de données à long terme. Les élèves deviennent capables de percevoir des tendances, de remarquer des anomalies et de discuter de leurs hypothèses à propos de différences qu’ils observent d’une année à l’autre dans la croissance des plantes.

En effet, les données de phénologie se prêtent bien à une démarche d’investigation et encouragent la pensée scientifique. En examinant les données recueillies sur une plus longue période, les élèves sont en mesure de poser des questions. Est-ce que l’asclépiade s’est montrée tôt cette année, ou plus tard que l’an dernier? Quels facteurs pourraient avoir joué sur son développement? Remarquons-nous des tendances selon la température? L’écobuage des prairies semble-t-il relié à ces tendances? Une levée hâtive signifie-t-elle toujours une floraison précoce; et une levée tardive entraîne-t-elle nécessairement une floraison tardive? Quels effets ces phénomènes auront-ils sur les espèces qui dépendent de l’asclépiade pour leur survie, comme les papillons monarques ou les chrysomèles de l’asclépiade? En tentant de répondre à ces questions ou à d’autres semblables, les élèves analysent des données, font des recherches, expérimentent; ainsi, ils développent des processus de réflexion avancés et une compréhension profonde des interactions complexes qui s’opèrent dans la nature. Ces démarches intellectuelles stimulent la pensée scientifique; grâce aux nouveaux phénomènes et aux données qu’ils observent, les élèves peaufinent leurs modèles et leurs raisonnements.

Phénologie pour les plus grands

À l’école Prairie Crossing, les plus grands ne délaissent pas leur étude de la phénologie. Au contraire, ils l’approfondissent. Ils s’attardent à la durée d’ensoleillement, à l’angle solaire, à une explication factuelle des saisons, et relient ces concepts à leurs observations quotidiennes des changements saisonniers. L’activité Mystery Class, conçue par le projet Journey North3, est une excellente façon d’initier les élèves à l’observation des heures d’ensoleillement. Elle consiste à faire deviner aux élèves l’endroit « mystère » où se trouvent d’autres écoles aux quatre coins du monde à partir de données annuelles provenant de ce lieu : la durée d’ensoleillement et les heures de lever et de coucher du soleil. En outre, les enseignants peuvent choisir eux-mêmes les endroits à deviner pour créer une activité d’apprentissage adaptée.

Pourquoi ne pas accompagner cette activité d’un graphique linéaire qui couvre un mur entier? Effet visuel garanti! Sur une affiche de la hauteur du mur, dessinez un graphique, l’axe des y représentant une année complète, celui des x présentant la photopériode (durée d’ensoleillement). N’oubliez pas que cet axe doit être divisé en 24 heures, puisqu’un lieu mystère peut très bien se situer près des pôles! Une fois par semaine, les élèves ajoutent les heures d’ensoleillement au graphique, en commençant par leur propre emplacement. À mesure que l’année avance, des lieux mystères sont ajoutés au graphique, représentés par différentes couleurs.

Après un certain temps, les élèves doivent comparer les données des lieux mystères et analyser les tendances qu’ils observent. En tenant compte uniquement de la longueur des jours, les élèves commencent à cerner la latitude des lieux mystères. D’autres indices seront nécessaires pour en déterminer la longitude; voilà donc une excellente occasion d’intégrer des notions de sciences de la Terre et de science spatiale à la géographie et aux études culturelles, tout en se penchant sur les vraies raisons expliquant les saisons.

En complément, les élèves peuvent recueillir des données sur l’angle solaire et en constater le changement au cours de l’année. Une ombre suffit pour déterminer l’angle solaire. En groupes de deux ou plus, les élèves n’ont qu’à tenir une règle d’un mètre en position verticale, perpendiculaire au sol, puis à mesurer son ombre. Plus l’ombre est courte, plus le soleil est haut dans le ciel. Pour pouvoir comparer ces données et produire un graphique fiable, il est important de toujours prendre la mesure au même moment de la journée, seulement les jours ensoleillés. Les élèves plus avancés en mathématiques peuvent se servir de trigonométrie pour calculer l’angle solaire réel, mais la méthode de mesure de l’ombre reste très efficace.

Relier l’étude de la phénologie aux sciences de la Terre et à la science spatiale s’inscrit dans l’approche préconisée par les normes pédagogiques Next Generation Science Standards. Les élèves analysent les tendances et les données pour faire des prévisions et résoudre des problèmes. De plus, ils apprennent des notions scientifiques importantes sur la Terre et sur l’espace, comme le cycle du jour et de la nuit ou celui des saisons, et sur le système Terre-Soleil-Lune.

La phénologie s’intègre bien à l’enseignement de la langue, en plus de celui des sciences et des mathématiques. À l’école Prairie Crossing, les élèves de 7e et de 8e années lisent des extraits de l’œuvre phare d’Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables, suivi de quelques croquis. Ils y étudient les descriptions d’occurrences naturelles au cours d’une année, et sont amenés à comprendre l’importance de cet ouvrage pour le mouvement écologiste de protection de l’environnement. Par l’examen des données de phénologie recueillies par Aldo et Nina Leopold, les élèves remarquent des changements à long terme. C’est un excellent début à une étude approfondie des changements climatiques.

Enfin, les élèves peuvent s’engager dans la science citoyenne en participant au Project BudBurst4, un réseau national de collecte de données relatives aux phénophases végétales. Les jeunes peuvent y inscrire leurs données, ce qui permet aux gens de partout au pays d’y accéder, et consulter à leur tour l’information fournie par d’autres personnes. Le site Web de l’organisation fournit aux enseignants tous les renseignements pertinents pour l’observation des plantes et l’inscription de données. De plus, ce service est gratuit. Participer à BudBurst permet aux élèves de consolider leurs divers apprentissages. Ils discutent de l’aspect scientifique des changements climatiques, comprennent mieux l’importance des données recueillies par la famille Leopold ou par d’autres personnes et s’intègrent à la grande communauté scientifique en fournissant leurs propres données.

Conclusion

Observer la nature et interagir souvent avec elle apporte plus de bienfaits que nous ne pourrions en compter, trop pour les nommer tous. L’étude de la phénologie nous rend plus attentifs aux nombreux changements de la nature au quotidien, petits ou grands. Elle affûte notre sens de l’observation, exerce notre faculté à discerner les détails et les tendances. Cette science rapproche les élèves de la nature, les pousse à s’émerveiller devant sa beauté et ses mystères, à la comprendre et à la respecter. La phénologie nous permet de remarquer la nature à l’œuvre au jour le jour, et redonne à ses miracles quotidiens toute l’importance qu’ils méritent dans notre vie.

 

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Ressources de phénologie :

The Study of Phenology (The Aldo Leopold Foundation), http://www.aldoleopold.org/Programs/phenology.shtml

What is Phenology? (National Wildlife Federation), http://www.nwf.org/Wildlife/Wildlife-Conservation/Phenology.aspx

Wheels of Time and Place (Partners in Place, LLC), www.partnersinplace.com

Sites Web à propos de la science citoyenne et du partage de données :

Earth Alive, http://www.naturenet.com/earthalive/nnhome.asp

FrogWatch Canada, www.naturewatch.ca

FrogWatch USA, www.aza.org/frogwatch

Journey North, qui présente entre autres l’activité « Mystery Class », www.learner.org/jnorth

Nature’s Notebook, www.usanpn.org/nn/species_search

Project Budburst, budburst.org

Project FeederWatch, feederwatch.org/

SciStarter: Science We Can Do Together, scistarter.com/index.html, fournit des liens vers plusieurs projets, notamment le « Big Butterfly Count », http://scistarter.com/project/639-Big%20Butterfly%20Count?tab=project, et le « Great Sunflower Project », http://scistarter.com/project/44-The%20Great%20Sunflower%20Project.

The USA National Phenology Network, https://www.usanpn.org/

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Notes

1 Les normes pédagogiques « Next Generation Science Standards » ont été adoptées dans 26 États des États-Unis pour fournir un cadre à l’enseignement des sciences. Consultez le site suivant pour de plus amples renseignements : http://www.nextgenscience.org (en anglais seulement).

2 Les roues « Wheels of Time and Place » sont en quelque sorte des carnets de bord, sous forme circulaire, sur lesquelles les élèves peuvent consigner leurs observations des phénomènes cycliques. Consultez le site de Partners in Place, LLC : www.partnersinplace.com (en anglais seulement).

3 Le projet « Journey North » est une étude mondiale des migrations d’espèces sauvages et des changements saisonniers. L’activité « Mystery Class » et d’autres programmes pédagogiques au sujet de la phénologie sont accessibles à www.learner.org/jnorth (en anglais seulement).

4 Consultez le site du « Project BudBurst », au www.budburst.org (en anglais seulement).

 

Les sacs de plein air

L’apprentissage à l’extérieur : un jeu d’enfant!

Les élèves de l’école Prairie Crossing ont leur sac de plein air prêt en tout temps. Cette préparation facilite la transition de la salle de classe à l’extérieur, et fait en sorte que chaque élève ait toujours le matériel qu’il lui faut. Les élèves gardent chacun, dans un sac fourre-tout réservé à cet effet :

  • leur cahier de phénologie et leur journal d’observation de la nature;
  • des crayons et un taille-crayon;
  • des crayons de couleur;
  • un ruban à mesurer;
  • une loupe (facultatif);
  • un coussin pour s’asseoir;
  • une planchette à pince.

Les élèves peuvent également y mettre une bouteille d’eau, des gants de rechange ou d’autres objets qui rendront leurs visites à l’extérieur plus agréables.

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Naomi Dietzel Hershiser est responsable de l’apprentissage en environnement à la Prairie Crossing Charter School, une école à vocation environnementale pour les élèves de la maternelle à la 8e année, située à Grayslake, en Illinois. À ce titre, elle collabore avec les enseignants et leurs élèves, veillant à ce que ces derniers apprennent à tous les niveaux des notions environnementales et soient en contact avec la nature le plus souvent possible. Son intérêt pour la phénologie n’est pas seulement professionnel; elle tient un journal personnel de ses observations de la nature et des phénomènes saisonniers.

Cristelle Gauthier est étudiante de deuxième année au baccalauréat en traduction professionnelle à l’Université de Sherbrooke.

Ce qui précède est une traduction de « Science in Season » qui a été publié en Green Teacher 104, Automne 2014.

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