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Libérer

Par David Selby et Fumiyo Kagawa

Traduction par Katherine Gérard

L’ÉCOLOGISTE CALIFORNIEN Paul Hawken a créé l’expression  “blessed unrest” – littéralement “l’agitation bienvenue” – pour décrire ces mouvements citoyens ayant émergé un peu partout sur la planète, que l’on pourrait au mieux qualifier de désorganisés et d’à peine réseautés, se portant à la défense de “la nature humaine dans ce qu’elle a d’universel”, qui serait aujourd’hui “mise en péril par des puissances mondiales qui ne tiennent pas compte des aspirations les plus intrinsèques des hommes”1. Ce mouvement, alimenté par la justice sociale, l’activisme environnemental et la résistance des cultures locales face à la mondialisation, nous semble être le constituant essentiel d’une réaction sensée à l’imprévisibilité des changements climatiques. Dans cet article, nous examinerons la façon dont l’espace éducatif peut contribuer à libérer cette “agitation bienvenue”, que nous croyons essentielle pour que l’humanité puisse échapper aux pires scénarios concernant la surchauffe de la planète (par l’emploi du terme “surchauffe”, nous souhaitons éviter l’utilisation du terme  “réchauffement climatique” et sa connotation apaisante).

Parmi la communauté scientifique, il y a un consensus quasi universel selon lequel des changements climatiques s’opèrent actuellement et sont principalement causés par l’homme2. Plus s’approfondit la compréhension de ce qu’on appelle le point de non-retour (et de ses conséquences croissantes et incontrôlables), plus les scientifiques s’accordent pour dire que, sans changements radicaux et concertés immédiats, l’augmentation de la température à la surface du globe ne pourra être stabilisée aux 2°C correspondant au niveau préindustriel, niveau que les gouvernements et les Nations Unies considèrent comme viable pour l’homme et “économiquement acceptable”. Soulignons tout de même que le célèbre climatologue James Hansen considère qu’une augmentation de température de 2°C ne serait rien de moins qu’un “scénario catastrophique”, et qu’un nombre croissant de scientifiques croient que s’en tenir à une hausse de 2°C sera de toute manière difficile, voire impossible, à accomplir3.

Alors que le climat s’emballe de plus belle, l’avenir semble plutôt sombre: catastrophes environnementales omniprésentes (dont une perte incroyable de biodiversité), migrations et déplacements importants et perpétuels des populations causés par l’augmentation du niveau des eaux, feux de forêt saisonniers et récurrents, désertification et perturbations sociales qui en découlent, famines, guerres civiles, conflits armés, tribalisme, localisme agressif, de même que le risque sous-jacent de génocide4.

Le monde tel qu’on le connaît présentement n’est pas non plus dépourvu de traumatismes ou de tragédies. En effet, une étude menée par le Global Humanitarian Forum décrit cette “crise silencieuse” que sont les changements climatiques actuels (et ses répercussions sur l’humain): en moyenne, chaque année, elle causerait la mort de 300 000 personnes, aurait une incidence sur la vie de 325 millions d’individus et entraînerait des pertes économiques de l’ordre de 125 milliards de dollars américains5.

Devant de telles conditions et un pronostic si incertain, on peut se demander pourquoi il y a un tel manque de volonté à s’engager corps et âme dans la lutte contre les changements climatiques. Si l’on repense au fameux “étranglement du crédit” de 2009, il semble plutôt remarquable (bien que peu surprenant) que les répercussions d’un système bancaire en déroute, menaçant d’ébranler la prospérité d’une minorité mondiale, aient si rapidement éclipsé “l’étranglement du climat”, qui, lui, menace l’existence même de ce monde qui est le nôtre. Pour Jess Worth, cette situation est très risquée. Elle soutient que c’est un peu comme de découvrir que l’on a le cancer, puis de repousser les traitements de chimiothérapie à dans quelques mois pour pouvoir d’abord repeindre la façade de sa maison.6 Voilà un exemple très frappant du syndrome des “yeux grands fermés” qui caractérise très souvent la réaction aux changements climatiques7. Tant le gouvernement, les médias, les entreprises, le milieu de l’éducation que le public semblent admettre l’importance de la crise imminente, parfois même de façon exagérée, bien qu’aucun ne soit bien préparé à faire face aux transformations sociétales et aux changements individuels profonds requis pour tenter d’éviter les pires effets d’une surchauffe climatique.

À la recherche de la clé perdue

Mais pourquoi les yeux sont-ils “grands fermés”?

Tout d’abord, comme l’illustre la métaphore de la maison qui doit être repeinte, nous sommes enfermés dans le carcan du fétichisme de la croissance économique. Selon la tendance dominante en politique, progrès et augmentation perpétuelle du PIB sont indissociables. “Remettre la croissance en question, c’est s’opposer au progrès, et ceux qui le font sont sur-le-champ accusés de vouloir nous ramener à l’âge de pierre. Comme si les options se résumaient à vivre dans un palace ou bien dans une caverne.” Remettre en question la croissance signifie s’opposer au progrès, et ceux qui osent le faire sont immédiatement accusés de tenter de nous faire régresser à l’âge de pierre, comme si la seule alternative était de vivre dans grotte ou dans un château.8 Ainsi, bien qu’il soit évident qu’assujettir la planète aux besoins du marché soit le gage d’une rapide dégradation de l’écosphère et de l’ethnosphère, les défenseurs de la cause environnementale désirant faire bouger les choses appuient souvent leur plaidoyer sur le fait que les énergies renouvelables et les technologies vertes sont porteuses d’un énorme potentiel de croissance. Corrompu par ce fétichisme de la croissance, le message environnemental est finalement rendu accessoire, au profit d’un programme de développement dévastateur. À l’école comme à l’université, l’environnementalisme le plus acceptable, qui prend souvent la forme de “l’éducation au développement durable” (EDD), ne fait qu’un avec cette vision de la croissance, ou bien ne l’aborde tout simplement pas. Bien entendu, le discours derrière plusieurs cours d’EDD est souvent basé sur un modèle traditionnel qui suppose, de façon explicite ou pas, que “développement” rime avec “croissance économique constante”. Voilà pourquoi le développement dit “durable” fait partie du problème plutôt que de la solution. Si l’on part de la prémisse que la planète a une quantité de ressources “finie”, c’est-à-dire qu’elle n’est pas une corne d’abondance inépuisable, et si l’on perçoit le “développement durable” comme un synonyme de  “croissance durable”, l’étiquette “développement durable” en elle-même semble contradictoire; le nom et l’adjectif qui composent le terme finissent par former un sophisme9.

Ensuite, les populations des pays occidentalisés du Nord et les élites du Sud se sont emmurées dans certains mythes: celui de la croissance et du progrès sans fin, et celui selon lequel l’homme est le centre du monde (ou plutôt, de “notre monde”), qu’il est dissocié de la nature et qu’il la domine. C’est à cause de tous ces mythes que l’on a le sentiment que notre identité même est menacée par l’emballement du climat; il est même pénible d’en prendre conscience. De plus, nous sommes confrontés à une vision des plus terribles, celle d’une crise climatique et de ses conséquences pour l’homme qui sont de plus en plus importantes. Face à ce constat, nous nous retranchons dans la dissonance cognitive, un procédé par lequel la conscience humaine emploie des techniques tels que des faux-fuyants, la recherche du plaisir ou encore, l’entretien d’espoirs chimériques pour éviter une réaction appropriée et proportionnelle à la gravité d’une situation, tout en reconnaissant rationnellement la menace à laquelle nous faisons face. La dissonance, c’est ce qui se produit lorsque nous sommes confrontés à un fait et que seule une partie de nous l’accepte, alors que l’autre s’accroche à ce qu’elle souhaiterait être vrai, en somme. Nous nous comportons comme l’homme de la fable soufie qui avait perdu la clé de sa maison., ce qui la conforte dans son identité individuelle et sociale. Nous agissons donc comme cet homme d’un conte Sufi qui avait perdu la clé de sa maison:

Un homme cherchait la clé de sa maison à la lumière d’une lampe. Il cherchait, cherchait toujours, mais ne la trouvait pas. Au bout d’un moment, quelqu’un lui demanda où il avait perdu la clé. Il répondit: “Eh bien, je crois l’avoir plutôt perdue par là-bas.” Et lorsqu’on lui demanda pourquoi il ne cherchait pas plutôt là-bas, il répondit que puisque là-bas, c’était sombre, il préférait chercher sa clé ici, à la lumière.10

Or éviter de regarder dans les coins sombres, c’est se résoudre à considérer les changements climatiques comme un problème technique pouvant être résolu par un mélange d’innovations technologiques et de décisions politiques; ce raisonnement permet d’éviter de mettre en question l’ordre dit “traditionnel” des choses, alors qu’il faudrait plutôt percevoir les changements climatiques comme la preuve tangible d’une crise profonde pour l’humanité, qui ne requiert rien de moins qu’un changement radical de nos habitudes.

Nos observations sur le contenu pédagogique lié aux changements climatiques appuient cette affirmation. Le matériel didactique portant sur les changements climatiques est souvent centré de manière prépondérante sur l’aspect scientifique du réchauffement climatique, plutôt que sur les questions d’éthique et de valeur soulevées par celui-ci. L’on se contente d’explorer en long et en large des solutions techniques visant l’adaptation aux changements climatiques ou encore l’atténuation de leurs effets (la première option davantage que la seconde, puisqu’elle entretient le statu quo). Nous constatons une répugnance à admettre la culpabilité possible des modèles de croissance économique néo-libéraux et à rechercher des solutions de rechange telles que la croissance faible ou la croissance nulle. Globalement, nous notons une tendance à exprimer les changements climatiques sous forme de de symptômes, c’est-à-dire comme un problème de CO2 pouvant se régler de manière traditionnelle.

Le revers de la médaille montre aussi une répugnance concomitante à admettre que les changements climatiques sont la conséquence d’une humanité inéquitable, dénaturée et dont l’éthique est anesthésiée. Il y a aussi une tendance à éviter d’envisager et d’aborder les conséquences collectives et personnelles possibles des changements climatiques, qui auront sans doute lieu durant la vie des apprenants. Actuellement, l’éducation portant sur les changements climatiques évite, la plupart du temps, de chercher “la clé” dans les coins sombres.

En restant dans cette zone de confort qu’est la lumière, l’éducation portant sur les changements climatiques esquive aussi l’examen en profondeur de la surconsommation, définie par Alastair McIntosh comme une consommation qui va au-delà de la suffisance11. Alimentée par l’industrie de la publicité et sa machine à vendre du rêve par l’image et le désir, la surconsommation est désormais au cœur de l’identité de millions de personnes. Au final, ce que nous achetons définit notre perception de nous-même; pour paraphraser Descartes, “Je consomme, donc je suis”. Or cette gratification de remplacement n’a rien à voir avec notre véritable identité, et l’on doit consommer régulièrement pour maintenir cette illusion du soi. Et c’est exactement ce dont le marché mondial a besoin: d’un sentiment d’insatisfaction perpétuel pour soutenir l’acte de dépenser, puisque la croissance économique se nourrit du mal-être12. Pour Sue MacGregor, la surconsommation est une forme de violence structurelle qui passe par l’exploitation des ressources naturelles et des ouvriers des ateliers de misère, et qui réduit le consommateur lui-même à l’esclavage. Selon elle, les gens sont tellement endoctrinés par la logique du marché qu’ils ne “voient” rien d’anormal dans leur comportement au sein de la société de consommation. Puisqu’ils ne remettent pas en question l’idéologie derrière le marché et ce qu’implique le fait de vivre dans une société de consommation, ils contribuent à leur propre oppression13. Pour McIntosh, la surconsommation et le sentiment identitaire factice qu’elle engendre sont un frein au cheminement vers la réalisation de soi.14

Lorsqu’ils s’intéressent aux répercussions environnementales de la surconsommation de masse, les éducateurs à l’environnement et au développement durable font bien souvent la promotion d’une  “consommation responsable” en mettant de l’avant la formule “réduire, réutiliser, recycler”. Non seulement cela ne règle-t-il pas le problème de la surconsommation, mais cela renforce aussi, sans le vouloir, l’idée que la consommation peut être éthique. Le bac de recyclage, que l’on retrouve dans la plupart des salles de classe, en est un exemple probant. Souvent considéré comme la preuve de l’engagement d’un établissement scolaire à avoir des pratiques durables, il peut aisément transmettre le message suivant: lorsque responsable, la consommation est sans conséquences. Pour faire face à l’emballement des changements climatiques et aux puissantes structures qui l’alimentent, la “consommation responsable” se révèle inadéquate puisqu’elle tend à mettre l’accent sur la responsabilité individuelle et la culpabilité, et laisse inexplorée la question de ces moteurs du marché mondial. Amener des étudiants à calculer leur empreinte écologique par un outil en ligne c’est, d’une façon à peine détournée, encourager une trop grande personnalisation de la responsabilité.15

Plusieurs lecteurs de Green Teacher/Profs verts le savent déjà, mais dans le coin le plus sombre de notre être à tous se trouvent notre déconnexion complète d’avec la nature ainsi qu’une conception pleine de suffisance selon laquelle l’humanité est supérieure à celle-ci. La perception de la nature qui prévaut actuellement, issue de la pensée moderniste, est celle d’une machine ayant une valeur instrumentale plutôt que celle d’une entité organique possédant une raison d’être immanente et une valeur intrinsèque. C’est ainsi que nous nous sommes octroyé le droit de l’exploiter sans limite. Nous avons ainsi contribué à l’érosion métaphorique de notre vie spirituelle; pour T. S. Eliot, la dissociation d’avec notre sensibilité, dont nous ne nous sommes jamais remis, remonterait à l’époque de Galilée (1564-1642).16 Pour McIntosh, c’est le fait d’avoir rompu avec cette habileté à ressentir la vie et à s’identifier au vivant qui explique que nous ne nous sentions pas concernés par ces changements climatiques d’origine anthropique.17 Un cercle vicieux s’est alors mis en place: cet assèchement de l’esprit a non seulement contribué la destruction de la planète, mais s’en est aussi nourri. Le rejet du sacré (c’est-à-dire cet immense tout étroitement relié, l’ensemble des systèmes ou des esprits imbriqués les uns dans les autres, ce qui constitue le monde du vivant18) encourage une éthique anthropocentrique et de domination qui est le propre de la destruction. Pour sa part, Noël Charlton croit que si l’on apprend, avant qu’il ne soit trop tard, à considérer le monde matériel et systémique avec respect, nous pourrons arriver à une situation avantageuse pour tous. Selon lui, nous gagnerions énormément en qualité de vie, et nous cesserions d’être une pathologie au sein de l’écosystème de la Terre.19 Malgré tout, certains défenseurs de la cause environnementale parmi les plus respectés parlent toujours, employant un lexique grandement désacralisé, de l’importance de conserver les “services écosystémiques”, de protéger et de maîtriser les “ressources naturelles” et le “capital naturel”.20

Nous croyons qu’ils en parlent de cette façon parce qu’ils savent que ce langage est celui employé par les puissants de ce monde, ceux dont ils recherchent l’influence. Voilà le nœud du problème : les gouvernements, les entreprises et autres parties influentes sont disposés à souscrire à un programme “aminci” et réformiste de lutte contre les changements climatiques, efficace en apparence mais qui ne fera dans les faits que maintenir le statu quo. Ainsi, face aux déstabilisations planétaires à venir, un plan d’action qui changerait vraiment les choses reste inadmissible. Les établissements d’enseignement et le système d’éducation sont aux prises avec la même pathologie culturelle. Nous croyons donc que le seul espoir de faire changer les choses repose sur la propagation de cette “agitation bienvenue” en dehors de ces institutions et systèmes contraignants, au sein d’espaces éducatifs d’espaces d’apprentissage collectifs et non formels, mais aussi sur le recours opportuniste au plus grand nombre de créneaux fertiles et subversifs possible dans les contextes d’apprentissage formels. Mais en quoi consisterait un programme pédagogique qui libérerait l’agitation bienvenue en ces temps de crise climatique?

Un programme éducatif transformateur

Sortir du déni

Les éducateurs à la mondialisation et à l’environnement s’entendent sur le fait qu’un trop grand pessimisme est désemparant et démotivant pour l’apprenant. Ceci dit, une éducation réaliste, confrontée aux débuts de ce qu’Alastair McIntosh décrit comme une grande époque mortifère dans l’histoire de l’évolution, se doit de mettre fin à l’illusion rassurante selon laquelle la perturbation majeure du climat terrestre peut être évitée ou stoppée. Si l’on reconnaît que la génération actuelle et les suivantes auront besoin d’espoir, nous devons nous demander sur quoi se basera cet espoir, et de quoi il sera fait : d’un optimisme feint, d’une histoire rassurante basée sur ce que l’on préférerait voir se passer plutôt que sur la réalité, que l’on se racontera en gardant les yeux “grands fermés”? D’un optimisme pragmatique issu d’une vision réaliste de l’état actuel et futur de la terre? D’espoir réconfortant mais illusoire ou d’espoir douloureux mais réaliste? Un programme destiné à mousser “l’agitation bienvenue” exigera, selon Martin Seligman, le courage de supporter le pessimisme.22 Nous croyons qu’une pédagogie réellement transformatrice implique un processus conscient, intense et durable d’acceptation de la douleur, du désespoir et de la tristesse face à ce que nous sommes en train de perdre. Ce processus doit mener à l’acceptation mais aussi à la recherche d’un sens totalement différent et de nouvelles valeurs, en plus d’offrir les outils nécessaires à l’autonomie et à l’action personnelle et collective. Il comprend trois grandes étapes: le désespoir, l’acceptation puis l’action.23

Dans un tel processus, il est essentiel de bien intégrer la notion “d’époque mortifère”, et qu’une prise de conscience quant à la mort et à la fugacité, qui sont l’essence même de l’existence, ait lieu. Il est aussi nécessaire de comprendre que cette prise de conscience peut mener à une compréhension plus intense et non matérialiste de l’existence, qui laisserait présager un renouveau social radical.24 Pour Diarmuid O’Murchu, il semble impossible d’envisager demain sérieusement ou de manière exhaustive sans admettre qu’une menace sombre et périlleuse plane sur l’homme et sur toutes les autres espèces de la Terre. Nous n’avons d’autre choix que d’admettre l’inadmissible: faire place à un avenir radicalement différent signifie accepter la destruction et la fin de la réalité telle que nous la connaissons. C’est de la mort que naît une vie nouvelle.25 Le travail de Joana Macy autour des notions de désespoir et d’autonomie offre une marche à suivre formidable en matière d’activités pédagogiques destinées à nous faire sortir du déni quant à ce qui se passe dans le monde. Elle utilise le désespoir et le chagrin pour renouveler l’engagement et la détermination, et ce faisant, fait place à l’activisme de l’“agitation bienvenue”26 Les activités qui permettent d’envisager l’avenir par anticipation sont aussi importantes en ce sens.. Les apprenants que l’on accompagne au cours de séances de visualisation d’un avenir dystopique exposé dans les histoires sur l’issue des changements climatiques27 seront guidés dans leur désespoir et amenés à poser des actions préventives.

Mettre de l’avant des conceptions autres de ce qu’est une « bonne vie »

Le mythe de la croissance économique infinie et la croyance selon laquelle cette croissance est essentielle à notre bien-être personnel et collectif est si généralisé que nous entretenons l’idée erronée et dangereuse qu’aucune solution de rechange n’existe.28 Il est intéressant de noter que bien que les établissements d’enseignement s’efforcent de promouvoir une multiplicité des points de vue jumelée à une certaine rigueur intellectuelle, la croissance économique et ses conséquences environnementales et sociales sont rarement scrutées à la loupe. Pour se livrer à cette analyse, les programmes éducatifs voués à la promotion de l’agitation bienvenue se doivent de combler les lacunes en enlevant les œillères des enfants de tous âges grâce à un programme adapté. Un tel programme doit faire place à des solutions de transition vers une croissance lente, nulle et stationnaire, et concrétiser ces idées par un apprentissage fait d’expérimentation et de pratique au sein de la collectivité. Peter Victor, auteur de Managing Without Growth: Slower by Design not Disaster, soutient que les changements climatiques ne nous donnent pas le choix. Selon lui, nous pouvons soit mettre en place une économie à la croissance lente au cours des prochaines décennies ou bien y faire face brutalement à la suite d’un désastre environnemental.29

Pour renverser cette vision généralisée selon laquelle il n’existe aucun autre modèle viable que la croissance, il est primordial de faire une critique en profondeur de la surconsommation. Nous appelons cela l’éducation à la “déconsommation”, en cela qu’elle diffère de l’éducation à la consommation, dont le discours subliminal suggère que l’effet de la consommation peut être bénin. On peut faire l’analogie avec l’éducation à la diversité culturelle, qui, à cause du racisme institutionnel, a dû céder la place à une éducation contre le racisme, plus radicale. L’éducation à la déconsommation est investie de deux mandats: le premier consiste à protéger l’environnement et à mettre fin à l’exploitation de la main-d’œuvre. Le second, à libérer les individus de l’esclavagisme de la surconsommation, qui fausse la perception de l’identité, pour qu’ils puissent prendre part, de façon autonome mais interreliée, au voyage de la découverte de soi.

Une des façons de contrecarrer cette fixation pour la croissance néo-libérale, comme l’ont proposé antérieurement plusieurs éducateurs ayant publié dans Green Teacher/Profs verts, serait d’apprendre la simplicité volontaire et de vivre selon ses principes. La simplicité volontaire implique l’idée de consommation frugale, de conscience écologique, de lien entre les individus, de convivialité, de communauté et de développement personnel basé sur l’harmonisation de nos besoins matériels, psychologiques et spirituels. Selon la personne à l’origine de cette philosophie, l’effort que requiert la transition vers la simplicité volontaire est largement compensé par la qualité de l’expérience de revitalisation de la collectivité et par l’éducation à une vigilance consciente, c’est-à-dire l’habileté à voir le monde immédiat de manière approfondie.30

Rendre poétique la relation avec la nature

L’intimité avec la nature est cruciale à l’émergence de l’agitation bienvenue. Le type d’intimité auquel nous faisons référence s’approche à la fois de la science et de la spiritualité en ce sens qu’il cultive la résistance aux forces destructrices des environnements culturel et naturel. À une époque où tant les gens que la flore étaient mis à mal par le mouvement des enclosures et la “modernisation” agraire dans l’Angleterre des années 1820, le poète-paysan John Clare réussit à relater le sentiment de perte par sa description minutieuse et précise de fleurs menacées. Les images convoquées par sa poésie évoquaient également une unité entre fleur et paysan, tous deux partie intégrante de ce lieu communal que sont les champs et compagnons d’infortune dans l’éviction.puissances qui détruisent notre environnement culturel et naturel. Le poète-ouvrier John Clare, à une époque où l’intégrité de la flore et des hommes était brimée par l’enclavure des terres et la modernisation agraire des années 1820, transmettait un sentiment de perte dans ses représentations soigneusement détaillées d’espèces de fleurs menacées. Ces images révélaient, par leurs détails, une unicité entre les fleurs et les ouvriers “en tant que semblables du Commonwealth agricole” partageant un même destin d’expulsion31. Son radicalisme et son expansivité se nourrissaient de son intimité avec la nature, où se conjuguaient science, spiritualité et justice sociale. Aujourd’hui, ce sont des changements climatiques qui mettent à mal l’environnement, les cultures, les relations interpersonnelles et les gagne-pains, et qui continueront de le faire. Par conséquent, il est très important d’amener les apprenants à cultiver ce sentiment d’unicité avec la nature, et une aptitude à se raccrocher à ce que l’on est en train de perdre. Cela peut être accompli en favorisant un apprivoisement de la science, de même qu’une vision poétique et spirituelle du savoir, faite d’harmonie, d’admiration, d’éloge, d’enchantement, d’intuition, de révérence, d’émerveillement et de sérénité face au caractère unique de l’existence. Voilà pourquoi les cours d’EDD sont préoccupants: ils font peu de place au sentiment poétique ou numineux, se basant exclusivement sur la rationalité scientifique. Michael Bonnett écrit qu’au cœur du sujet se trouve la question suivante: la rationalité est-elle suffisante face à ce sujet si complexe, subtil et multidimensionnel qu’est la préoccupation environnementale? Surtout, ajoute-t-il, si l’on prend en compte à quel point la rationalité s’est avérée un outil efficace dans l’exploitation de l’environnement.32 Pour reprendre le titre d’un excellent livre d’Eban Goodstein, l’appel à l’agitation bienheureuse consiste à se battre pour l’amour dans un siècle d’extinction (Fighting for Love in the Century of Extinction)[1].

Apprendre dans une démocratie axée sur la collectivité

Pour Vandana Shiva, préserver les ressources de la Terre et assurer la pérennité des moyens de subsistance de façon créative, équitable et efficace s’effectue mieux sur le plan local qu’autrement. Mettre l’accent sur l’économie locale est une nécessité écologique et sociale.34 Pour elle, localisme rime avec “démocratie au quotidien” et “économie de subsistance”, puisque dans une démocratie au quotidien, les gens ont le pouvoir de décider de ce qu’ils mangent, de ce qu’il boivent, ou des soins de santé et de l’éducation qu’ils reçoivent. La démocratie au quotidien grandit comme un arbre: de bas en haut.35 Pour repenser la mondialisation, Shiva imagine un avenir durable dans lequel les relations les plus importantes prendraient racine à l’échelle locale, et les interactions les moins importantes, à l’échelle internationale. Selon cette vision, les décisions seraient prises à la même échelle que celle où leurs effets se feraient sentir.36 Une telle conception exige une redéfinition de la citoyenneté et de l’éducation à la citoyenneté, c’est-à-dire de passer d’une démocratie représentative autonome à une démocratie participative de proximité, basée sur une appréciation plus grande et immédiate de l’interdépendance entre nature et culture, de même qu’entre l’homme et les autres espèces.37 Une éducation à la citoyenneté pour mousser l’agitation bienheureuse en ces temps de changements climatiques effrénés se doit d’être engagée dans des actions à l’échelle de la collectivité qui créent, résistent et transgressent au nom de la pérennité. La notion de “citoyenneté” pourrait céder sa place à celle de “communauté”, qui évoque non seulement la primauté, la vivacité et l’authenticité de la proximité, mais qui esquive aussi très habilement l’anthropocentrisme inhérent à la citoyenneté, puisque la communauté peut être humaine ou non.

Engager un dialogue cosmopolite en faveur d’une justice climatique

Faire place à une démocratie de proximité gérée par la collectivité comporte toutefois le risque constant de voir émerger une forme de protectionnisme et d’insularité, et fait miroiter le spectre des fameux quartiers à accès contrôlé, particulièrement chez les plus riches de ce monde. Ainsi, faire progresser l’engagement concomitant à une éthique de la justice climatique mondiale est crucial si l’on veut catalyser l’agitation bienvenue (puisqu’elle reste absente du programme actuel de lutte aux changements climatiques). Alors que les pays du Sud sont tenus responsables de leur endettement financier, les pays du Nord ne le sont pas pour l’endettement écologique occasionné par leur pollution du bien commun atmosphérique.38 C’est sans compter que les conséquences des changements climatiques s’abattent sur les collectivités et pays du Sud, et continueront de le faire de manière incroyablement disproportionnée, alors qu’ils sont les plus petits émetteurs de CO2.39 Ces problématiques, qui exigent réparation d’un côté et une justice réparatrice de l’autre, nécessitent que l’on s’engage dans un dialogue cosmopolite axé sur l’apprentissage réflexif, une dimension indispensable et complémentaire à l’apprentissage et à l’action au sein de la collectivité.40 Il doit absolument y avoir une synergie entre les différentes formes d’enseignement de l’agitation bienvenue.

Entrevoir le présage d’espoir véritable

Le mot bienvenue évoque la sérénité, la chance, un état privilégié, de bien-être spirituel et de joie de vivre, d’engagement solennel envers le monde. Agitation quant à lui implique un détachement, un mécontentement, un dérangement, un état de tension constante et un soulèvement qui attisent la dissidence, le désaccord. Les deux termes, lorsque juxtaposés, semblent contradictoires; nous croyons plutôt qu’ils sont un antidote puissant, la base d’un apprentissage transformateur, à une “époque intéressante” marquée par des crises, dangers et autres turbulences, et qu’ils sont teintés du potentiel créatif et libérateur propre au chaos imminent. Le type d’éducation aux changements climatiques que nous proposons n’est pas un long fleuve tranquille; c’est un enseignement qui va à l’encontre de nos croyances culturelles et du syndrome des “yeux grands fermés” et qui ne plaira pas à ceux qui n’aiment pas le changement. Mais nous sommes convaincus que de s’en tenir aux coins éclairés d’une douce lueur fait choisir la voie de la facilité qu’est l’espoir illusoire. Le chemin vers “l’agitation bienvenue” est cahoteux et sombre mais c’est par cette voie que l’on gagne l’espoir véritable.

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Caption picture p. 5 : Des enseignants et des élèves japonais discutent des changements climatiques.

Caption picture p. 7 : Par un exercice de visualisation, des enseignants d’écoles Montessori de Toronto expriment de manière créative leurs inquiétudes quant à l’avenir, l’idée d’interrelation entre toutes choses ainsi que les paradoxes entourant les changements climatiques.

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Démystifier les changements climatiques

But de l’activité : Établir la différence entre les concepts de “climat” et de “météo” tout en amenant l’élève à prendre conscience qu’une grande confusion existe à ce propos.

Niveau scolaire : Activité adaptée pour les jeunes de la 5e à la 9e année.

Durée de l’activité : 45 à 60 minutes (plus 60 minutes pour l’activité de prolongement)

Matériel requis :

  • 1 feuille de papier
  • 1 feuille de journal
  • 3 marqueurs de couleurs différentes
  • 1 bâton de colle
  • Un exemplaire de l’exercice Le climat et la météo (voir la page suivante)
  • Un ensemble de cartes Climat ou météo? découpées pour chacun des groupes d’élèves (voir la page suivante)
  • Ruban adhésif

Marche à suivre : 

  1. Les élèves doivent former des équipes de quatre personnes. Sans explication préalable de la part de l’enseignant, ils discutent des différences entre “météo” et “climat”. Ils concluent la discussion par la rédaction d’une définition d’environ une phrase pour chacun des termes (ils écrivent sur leur feuille leur désaccord dans le choix de la définition s’il y a lieu). Chaque groupe devra rendre compte du travail effectué. Puis, sous la supervision de l’enseignant, une discussion avec la classe aura lieu afin d’aborder les différences d’opinions et problématiques soulevées. Au moment opportun, la feuille d’exercice sera distribuée et une discussion s’ensuivra. L’enseignant devra expliquer que, bien que la différence entre les termes “météo” et “climat” ne soit pas si difficile à saisir, il semble y avoir tout de même une confusion fréquente et généralisée au sein de la population, ce qui mène à des débats embrouillés au sujet des changements climatiques.
  2. Les membres de l’équipe prennent le temps de passer les cartes Météo ou climat? en revue. Ils les disposent ensuite sur leur feuille de journal et les y collent. Ils écrivent “météo” (à l’aide d’un surligneur d’une première couleur) à côté d’un énoncé qui, selon eux, décrit la météo, et “climat” (à l’aide d’un surligneur d’une autre couleur) à côté d’un énoncé qui, toujours selon eux, décrit le climat. Le surligneur de la troisième couleur est utilisé pour expliquer toute ambiguïté ou problème de perception ou de compréhension engendré par l’énoncé. Les cartes, remplies, sont exposées dans la classe et les groupes en font le tour, notant les interrogations ou objections qu’ils aimeraient énoncer durant la discussion de groupe qui suivra.

Retombées

Cette activité cherche à mettre en lumière et à clarifier un malentendu fondamental, qui embrouille et fausse la réaction de la population quant aux mises en garde et aux débats en lien avec les changements climatiques, et encourage de ce fait le déni face à ces changements. À ce titre, cette activité se veut un tremplin judicieux d’exploration des problématiques liées aux changements climatiques, et permet aux élèves de prendre conscience des quiproquos souvent exprimés (parfois délibérément) dans les médias, mais aussi dans les échanges au quotidien.

Variante

La classe commence par faire l’exercice Météo ou climat?, qui sera suivi d’une discussion plénière durant laquelle l’activité est présentée et discutée. Les groupes retournent ensuite à leurs cartes Météo ou climat? et effectuent toute modification qu’ils croient nécessaire avant d’aller plus loin dans les échanges et la discussion de groupe.

Pour aller plus loin

Chaque élève doit demander à quatre adultes de son entourage de rédiger leur propre définition des termes climat et météo sur des feuilles séparées; l’auteur de chaque définition sera identifié par un pseudonyme que l’élève aura pris soin de noter sur la feuille. En classe, les feuilles seront épinglées sur un tableau et utilisées pour estimer le niveau de perception erronée et de mauvaise interprétation de chaque participant. On demande aux élèves d’énoncer ce que les résultats nous disent du débat collectif à propos des changements climatiques : est-il exhaustif et éclairé?

Le climat et la météo

La météo

La météo, c’est ce que l’on aperçoit au réveil, ce qui nous fait nous exclamer: “Comme il fait beau aujourd’hui!” ou encore “C’est tout glacé dehors! C’est sûr que l’autobus ne pourra pas passer”.

C’est comme un très court moment tiré d’un long film qui parlerait des conditions ambiantes, qui ont des répercussions sur notre vie. On ne peut pas se baser sur ce très court moment pour avoir une idée du reste du film.

Le bulletin météorologique présenté à la télévision nous informe des conditions météo attendues selon les régions, en fonction des données satellites ou encore, de l’information récoltée par les  “météorologistes”, des scientifiques qui étudient “l’atmosphère”, cette couche d’air qui entoure la Terre. Les prévisions météo permettent de savoir qu’elle température il fera à tel endroit, s’il pleuvra, s’il neigera, s’il y aura de la pluie verglaçante ou de la grêle. C’est ce qu’on appelle des “précipitations”: tout ce qui tombe du ciel. On peut aussi prédire s’il fera nuageux ou ensoleillé, s’il y aura beaucoup de vent ou non et d’où il viendra le cas échéant: du nord, du sud, de l’est ou de l’ouest, et toute les variantes de directions entre ces points. On peut aussi déterminer jusqu’où on pourra voir au loin, c’est-à-dire la “visibilité”, et à combien s’élève, approximativement, le niveau de pollution de l’air ou bien le niveau d’humidité dans l’air.

Ainsi, le temps qu’il fait correspond à un ensemble de conditions et d’événements que nous ressentons sur une courte période de temps, l’espace d’une journée ou d’une semaine, ou pouvant aller jusqu’à quelques mois. Il peut faire très chaud, sec et ensoleillé à l’endroit où l’on vit, mais 50 kilomètres plus loin, il peut très bien pleuvoir et faire très froid. La météo change très rapidement.

Le climat

Le climat correspond à la situation météorologique sur une longue période de temps, soit 30 ans en général. Les météorologues conservent l’information sur le climat qu’ils ont récoltée chaque jour durant 30 ans, par exemple la température journalière, les quantités de précipitations de pluie et de neige, la vitesse et la direction des vents. Ainsi, en faisant une moyenne de ces données du passé, ils peuvent établir des probabilités du temps qu’il fera n’importe où et n’importe quand.

On peut donc dire que le climat s’observe sur une longue période de temps, et qu’il consiste en des moyennes météo. Ainsi, connaître le climat d’un lieu nous amène à y espérer une certaine température à une certaine période de l’année, par exemple de la neige et du gel en février en Ontario, au Canada. Mais il faut se rappeler qu’il ne s’agit que de moyennes; en effet, à l’occasion, des températures clémentes y sont mesurées en février!

Les scientifiques utilisent aussi l’information récupérée pour voir si le climat change. Par exemple, ils peuvent analyser trente ans de données, disons de 1970 à 2000, puis analyser les données de la période 1980 à 2010 pour déterminer s’il y a un changement dans la moyenne climatique. C’est en effectuant ce type d’analyses qu’ils se sont aperçus qu’une augmentation de température avait cours sur le globe, plus particulièrement dans certaines régions. C’est ce que l’on appelle le “réchauffement climatique” ou “changement climatique” qui, contrairement à la météo, ne peut être ressenti au jour le jour; voilà pourquoi certaines personnes sont sceptiques et se demandent si un réchauffement a réellement lieu.

Météo ou climat?

Tout le monde s’entend pour dire que c’est la journée idéale pour un pique-nique ou une baignade: quelle belle journée ensoleillée! En Antarctique, on gèle, même durant l’été, depuis des dizaines de milliers d’années.
Un front froid arrive de l’ouest! Le “réchauffement climatique”, c’est n’importe quoi… Il n’y a qu’à voir l’été humide et froid qu’on a eu!
“Dans mon temps, il neigeait bien plus l’hiver, raconte le vieil homme. Quand j’étais jeune, nous en avions jusqu’à la taille chaque année!” “Ces dernières années, les hirondelles reviennent du sud plus tôt”, affirme l’agriculteur.
“La semaine s’annonce très chaude à Toronto; la ville sera recouverte de smog!”, annonce le présentateur météo. Le paysage désertique s’étend à perte de vue sous un soleil de plomb.
Une alerte de tempête de neige a été lancée pour le sud du Québec. Nous avons eu un été étouffant avec toutes ces canicules à répétition. C’est certainement à cause des changements climatiques! , s’exclame-t-elle.
L’Angleterre a des étés plus frais et plus humides que le Canada, et des hivers plus chauds. De plus, le printemps y arrive bien plus tôt. En Alberta, le mois de juin a été bien plus froid qu’à l’habitude.

 

Le déni quant aux changements climatiques

But de l’activité : Aborder le phénomène de déni quant aux changements climatiques, ce qu’il cache et les dangers qu’il représente, en plus d’essayer de trouver des solutions pour le contrecarrer.

Niveau scolaire : Activité adaptée pour les jeunes de la 10e à la 12e année.

Durée de l’activité : 60 minutes pour la première étape; 60 à 75 minutes pour les deuxième et troisième étapes; courtes périodes continues pour la troisième étape.

Matériel requis :

  • Ensemble de cartes de l’activité découpées (voir la page suivante)
  • Journaux, marqueurs, bâton de colle
  • Un ensemble de cartes vierges pour chacun des groupes de quatre étudiants
  • Tableau du déni quant aux changements climatiques

Marche à suivre :

  1. On demande aux élèves, assis en rond, de réfléchir à un épisode lors duquel ils ont été préoccupés par quelque chose, mais ont fait fi de cette préoccupation, soit en tentant de l’oublier ou en tentant d’en réduire l’importance. Ce peut être, par exemple, aller jouer au ballon la veille d’un examen important, mais se sentir mal de ne pas être en train d’étudier. Ou encore, faire semblant d’être encore amoureux de quelqu’un même si le cœur n’y est plus, juste parce qu’on n’est pas prêt à l’admettre en le lui avouant. En somme, agir d’une certaine façon alors qu’une partie d’eux leur dit qu’ils devraient agir autrement, pour éviter d’avoir à affronter une situation. Ils se préparent ensuite à relater leur expérience et les émotions ressenties. L’enseignant leur présente le concept du déni, en leur expliquant que peu importe l’ampleur du problème, les gens utilisent la technique de l’auto-illusion pour échapper à la réalité et s’en protéger en évitant de l’affronter. On demande aux élèves d’identifier dans les exemples présentés à la classe différentes formes de déni et de les décrire.
  2. Les élèves se mettent en équipes de quatre personnes. Chaque équipe reçoit un ensemble de cartes, de journaux, de marqueurs et de colle. On leur demande de lire les cartes et d’en discuter pour évaluer le type de problème soulevé par chacune d’elle et par le paquet de cartes en entier. Leur tâche est de disposer les cartes sur la feuille de journal, d’établir des liens entre celles-ci et de les exprimer par des flèches uni ou bilatérales, en plus de rédiger des commentaires pour expliquer les problèmes soulevés par les cartes et le choix de leur disposition.

Pendant l’atelier, les élèves prennent une pause pour rédiger sur les cartes vierges des expériences personnelles similaires ou liées à celles des cartes. Ils ne partagent pas leurs expériences à cette étape de l’atelier.

Chaque équipe présente son projet, et l’enseignant encourage les commentaires et les échanges en lien avec la présentation. Au moment opportun, vers la fin de la discussion de groupe, l’enseignant dévoile des explications suivantes:

Le déni quant aux changements climatiques consiste à tenter de diminuer l’ampleur du réchauffement climatique et l’importance des conséquences de l’activité humaine sur celui-ci, particulièrement en raison d’intérêts financiers, mais aussi pour éviter de faire face à un avenir incertain qui exigera, pour freiner les changements climatiques, un changement de nos habitudes de vie.

La dissonance cognitive est un concept utilisé en psychologie sociale, qui décrit le sentiment d’inconfort qui se met en place lorsque nos idées sont contradictoires ou lorsque nous adoptons un comportement contradictoire; ou encore, lorsque nous sommes conscients, sans vouloir l’admettre, que nos paroles ou nos comportements entrent en contradiction avec un fait avéré ou avec nos propres convictions, alors même que nous ne souhaitons pas changer ce que nous disons ou faisons.

Des questions sont ensuite posées aux élèves:

  • Y a-t-il du déni de représenté dans les différentes cartes présentées? Si oui, quelle forme prend-il?
  • Y a-t-il des exemples de dissonance cognitive dissimulée derrière le discours présenté par les cartes?
  • Y a-t-il un grand concept derrière les énoncés des cartes qui expliquerait le déni et la dissonance cognitive?
  • Y a-t-il un grand concept derrière les énoncés des cartes qui suggérerait des pistes quant à la manière de composer avec le déni et la dissonance cognitive?
  • Quels exemples de déni trouvez-vous les plus choquants?
  • Le déni quant aux changements climatiques devrait-il être considéré comme distinct de l’ignorance relative aux changements climatiques?
  • Est-ce que le déni quant aux changements climatiques devrait être considéré comme une des multiples menaces actuelles à la sauvegarde de la planète?
  • Quelle serait la meilleure façon de faire face au déni quant aux changements climatiques?

Tout au long de la discussion et après que chaque question a été posée, les élèves sont encouragés à exprimer des exemples de leur propre déni quant aux changements climatiques, tels qu’ils les ont rédigés sur les cartes vierges.

  1. On demande aux élèves de poser trois questions à cinq personnes de leur entourage en prévision de la séance suivante:
  2. Considérez-vous les changements climatiques comme étant quelque chose de sérieux?
  3. Quelles actions mettez-vous en œuvre pour faire échec aux changements climatiques?
  4. Croyez-vous que vous devriez en faire plus?

Lors de la deuxième séance d’activité, les équipes sont reformées, et les élèves analysent les vingt réponses récoltées du point de vue du déni et de la dissonance cognitive. On leur demande d’identifier différents types de déni. Chaque équipe fait le compte rendu de ses trouvailles. Le tout est suivi d’une discussion avec l’ensemble de la classe.

  1. Un tableau intitulé Le déni quant aux changements climatique est installé dans la classe. Les élèves sont invités à y épingler des exemples de déni quant aux changements climatiques qu’ils trouvent dans les journaux, magazines et sur le Web, ou entendent par hasard, accompagnés d’explications de leur cru. La classe fait la critique du tableau à l’occasion.

Cartes du déni quant aux changements climatiques

1. Exiger des biens nantis de ce monde… Exiger des biens nantis de ce monde qu’ils agissent pour mettre un terme aux changements climatiques signifie leur demander de renoncer à bien des choses qu’ils considèrent comme importantes, telles que leurs voitures de courses ou leurs vols privés à destination d’Hawaii et du Mexique, pour le bien du reste de l’humanité.
2. On a déjà résolu des problèmes similaires auparavant… Un homme regarde une émission de télé sur les changements climatiques qui l’inquiète. Puis, il se dit que des problèmes similaires ont été résolus dans le passé et que quelqu’un trouvera bien une solution un jour ou l’autre.
3. On doit agir, et maintenant! La conférence d’un homme portant sur les dangers des changements climatiques fut bien accueillie par le public. Il a conclu sur ces quelques mots : « L’on se doit d’agir, et maintenant! » Le public de jeunes a adoré, et il a reçu une ovation. Plus tard, il est rentré à la maison à bord de son VUS.
4. C’est urgent et essentiel : Un politicien déclare que faire face rapidement aux changements climatiques est urgent et vital, et que cela fait donc partie du programme électoral de son parti. Il ajoute que c’est pour cette raison qu’une des   cibles du programme est de réduire de 60 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.
5. C’est très préoccupant : “Je suis très préoccupée, voire horrifiée par l’ampleur du réchauffement climatique, clame une Norvégienne. Mais je vis dans un petit pays. Ce sont les Américains et leur consommation incroyable d’hydrocarbures qui sont à blâmer. C’est sans parler de la Chine, où une centrale énergétique au charbon est construite chaque semaine.”
6. Une récompense pour comportement écoresponsable : Une étude datant de 2008 menée au Royaume-Uni a démontré que les écolos idéalistes et les activistes verts, qui sont les plus conscientisés en ce qui a trait aux changements climatiques et aux questions environnementales, sont aussi ceux qui prennent le plus souvent l’avion pour des destinations lointaines, voyant ces déplacements comme une “récompense” pour leur comportement écoresponsable au quotidien.
7. Peu de temps pour renverser la vapeur : À la une du journal se trouvait un article plutôt dérangeant sur la fonte de la banquise arctique. Le titre énonçait: Peu de temps pour renverser la vapeur et mettre un frein à la fonte des glaces. À la page 8 se trouvait une publicité faisant la promotion de rabais pour des destinations un peu partout dans le monde.
8. Voilà pourquoi…: Dans le communiqué de presse d’une université, on peut lire : “Nous sommes désormais les leaders parmi les universités canadiennes sur le plan de la protection de l’environnement et de l’éducation à l’environnement. Voilà pourquoi 40 de nos universitaires, en provenance de différentes facultés, assisteront au sommet mondial sur les changements climatiques à Copenhague.”
9. Les lunettes roses: Pour que la société fonctionne bien, il est essentiel de maintenir un climat d’optimisme qui veut que demain sera meilleur qu’hier. Cela encourage la croyance selon laquelle nous pouvons tous connaître le succès et aller au bout de notre potentiel. Nous avons besoin de porter des lunettes roses. Le pessimisme lié au réchauffement climatique ne va pas de pair avec la façon dont notre société fonctionne.
10. De trop gros intérêts en jeu: Des multinationales financent des études scientifiques pour contredire celles qui prouvent que les changements climatiques sont réels, dangereux et causés par l’homme. Les scientifiques qui mènent ces études ne sont pas publiés dans les revues de renom. Ils écrivent dans les magazines les plus lus et font des apparitions à la télévision, où ils vont de déclarations sensationnalistes. On les appelle les climato-sceptiques. Ils sont payés par les grandes entreprises, qui ont peur que des décisions visant à mettre un frein aux changements climatiques ne viennent réduire leurs profits.
11. Mensonge par omission… Le plus grand déni quant aux changements climatiques se trouve dans l’incapacité des pays riches d’avouer que les conséquences des changements climatiques se font déjà sentir dans les pays en développement. Actuellement, ce sont près de 300 000 êtres humains qui payent de leur vie chaque année, et 325 millions d’autres dont la qualité de vie est franchement dégradée.
12. Quand on dit aux gens ce qu’ils veulent entendre… On octroie plus de temps d’antenne aux gens qui rejettent l’idée des changements climatiques simplement parce que c’est précisément ce que les gens veulent entendre.
13. On s’en sortira grâce à la science! Un enseignant affirme à ses élèves que les avancées scientifiques des prochaines années nous permettrons de nous sortir de la crise climatique. “L’énergie solaire, éolienne et marémotrice, ce n’est que le début! Nous trouverons le moyen d’extraire le carbone de l’atmosphère et de l’enfouir. Des boucliers seront installés dans l’espace pour nous protéger des rayons du soleil et rafraîchir le climat sur Terre. Un nouveau monde s’ouvrira à nous, et nous pourrons continuer à faire comme on a toujours fait.”
14. Une problématique de taille… Un enseignant souligne à quel point le réchauffement climatique est une problématique de taille. Un élève lui demande quelles initiatives mettre en place pour contrer le réchauffement. L’enseignant lui suggère de recycler, de porter ses vêtements plus longtemps et de convaincre ses parents d’acheter une voiture qui consomme peu de carburant.

Désespoir ressenti devant les changements climatiques et séquence d’activités de responsabilisation

But de l’activité : Encourager les élèves à exprimer leur angoisse relativement aux répercussions des changements climatiques sur l’avenir; les amener à prendre conscience qu’ils ne sont pas les seuls à ressentir de la peur; mousser leur intérêt et leur désir de s’investir.

Niveau scolaire: Activité adaptée pour les jeunes de la 9e à la 12e année.

Durée de l’activité: 60 à 90 minutes

Matériel requis:

  • des chaises disposées en cercle
  • des cartes, crayons, stylos et feuilles en quantité suffisante, disposés au centre du cercle
  • un tableau à feuilles mobiles et des marqueurs

Marche à suivre:

Quand la problématique des changements climatiques et les discussions à ce sujet sont un concept familier aux élèves, l’enseignant les invite à s’asseoir en cercle et les guide dans une série d’étapes.

  1. Sentir qu’on a du pouvoir. On demande aux élèves de se rappeler des situations où ils ont dû faire quelque chose de difficile ou d’apeurant, et lors desquelles ils ont senti en fin de compte qu’ils avaient une prise sur ce qui arrivait. Après quelques minutes de réflexion, on leur demande de prendre une carte et d’y dessiner ce en quoi consistait cette expérience et comment ils se sentaient. On demande aux élèves de faire circuler leur carte dans le cercle, puis de la mettre de côté pour plus tard.
  2. Imaginer l’inimaginable. L’enseignant demande à tous les élèves de prendre une carte et d’y inscrire trois phrases commençant par:
  • “Ce qui me préoccupe le plus quant au réchauffement de notre climat, c’est…”
  • “Quand je pense aux changements climatiques, je préfère fermer les yeux sur…”
  • “Ce que je redoute le plus d’une planète dont la température se réchauffe est…”

De 3 à 4 minutes sont allouées à la rédaction (l’enseignant doit s’abstenir de fournir des exemples et demande aux élèves d’écrire ce qu’ils pensent). Les cartes sont ensuite recueillies, mélangées puis redistribuées. Chaque élève lit à voix haute la carte qu’il a reçue. Toutes les phrases sont acceptées sans commentaires.

  1. Vision apocalyptique des changements climatiques. Les élèves, les yeux fermés, doivent élaborer mentalement un scénario catastrophe concernant les changements climatiques, inspiré d’un de leurs cauchemars, d’un article de journal, d’un livre ou d’un film. En gardant les yeux fermés, ils dessinent une image représentant leurs émotions. Ce dessin ne sera pas dévoilé au reste de la classe.
  2. Quelque chose que j’aime. Toujours les yeux fermés, les élèves doivent réfléchir intensément à quelque chose qu’ils apprécient particulièrement de la vie ou du monde. On demande à des volontaires de décrire à la classe cette chose à laquelle ils ont pensé.
  3. Un avenir rempli d’espoir. Sur une nouvelle carte, les élèves écrivent trois phrases qui commencent par:
  • “Nous pourrions faire face aux changements climatiques si nous faisions…”
  • “La vie serait belle, peut-être même plus que maintenant, si …”
  • “Pour changer les choses, un bon pas en avant serait de…”
  1. Remue-méninges. On demande aux élèves de réfléchir aux actions que pourraient entreprendre les citoyens et les collectivités pour contrecarrer les changements climatiques. Toutes les idées sont acceptées et sont écrites sur le tableau à feuilles mobiles par l’enseignant.
  2. Retour sur le concept de pouvoir. On demande aux élèves de se remémorer la vision d’eux-mêmes qui ont du pouvoir et maîtrisent une situation, puis de jeter à nouveau un œil à leur carte (étape 1). On leur demande de réfléchir à la façon dont ce sentiment de pouvoir pourrait contribuer à freiner les changements climatiques, plus précisément dans le cadre des idées soulevées dans le remue-méninges. Tous sont encouragés à exprimer leurs pensées. Ceux qui le souhaitent sont incités à rédiger des cartes “s’engager à poser des gestes”, qui peuvent ou non être lues devant la classe, comme bon leur semble.

Retombées:

Cette séquence d’activités a pour objectif d’entraîner les élèves dans des montagnes russes d’émotions et d’expériences intenses, puis de leur démontrer le potentiel d’action collective que celles-ci peuvent engendrer (“l’agitation bienvenue”). Tout d’abord, ils doivent se remémorer des moments où ils ont senti qu’ils avaient du pouvoir et les émotions éprouvées à ce moment-là (étape 1), puis ils font face à la vision dystopique des changements climatiques. Ils pourraient alors très bien se sentir désemparés (étapes 2, 3). On les amène alors (étapes 4 et 5) à se concentrer sur ce qu’ils considèrent comme ayant le plus de valeur au monde et à imaginer un avenir plein d’espoir (ce qui sera plus intense s’ils viennent de réfléchir à quelque chose qu’ils apprécient). On se tourne alors vers l’action (étapes 6 et 7), afin de prévenir ou de freiner les changements climatiques aux conséquences néfastes. Finalement, en leur rappelant la force qu’ils ont pu trouver en eux dans des situations qui leur apparaissaient insurmontables, on permet aux élèves de voir leur potentiel d’action individuel.

Manuel du survivant

But de l’activité: Les élèves se projettent dans un scénario dystopique de changements climatiques et élaborent un manuel destiné aux survivants des changements climatiques. Ils transforment ensuite le côté sombre du scénario pour qu’il cède la place à la détermination et à l’initiative. Ils se demandent quelles actions eux-mêmes et les autres peuvent mettre en œuvre dès aujourd’hui afin d’éviter le réchauffement climatique, et quel serait le résultat de ces actions.

Niveau scolaire: Activité adaptée pour les jeunes de la 9e à la 12e année.

Durée de l’activité: 120 minutes

Matériel requis:

  • journaux
  • marqueurs épais, peinture, pinceaux, contenants remplis d’eau pour chaque groupe de quatre élèves
  • ruban adhésif

Marche à suivre:

  1. James Lovelock et Mark Lynas3, dans leurs écrits sur les changements climatiques, décrivent un monde au sein duquel l’humanité aurait manqué de volonté et échoué à empêcher les changements climatiques et leurs conséquences désastreuses de se produire. Par conséquent, la société humaine est presque réduite à néant. Les quelques survivants ont trouvé refuge près du cercle polaire et de la zone subpolaire, au sein de quelques “ceintures de viabilité” qui s’amenuisent.

On demande aux élèves d’inspirer profondément, de se détendre, de fermer les yeux et on les guide dans le récit de visualisation qui suit inspiré du scénario de Lovelock et Lynas . À lire lentement, en marquant des temps de pause:

Le monde est devenu un véritable four. Désormais, les images de grands arbres feuillus, de prairies vertes, de lac aux eaux rafraichissantes, de marchés aux étals pleins de fruits frais et des plaisirs de la neige en hiver, que l’on voit dans les livres, semblent irréelles. Plus personne ne ressent les « joies du printemps », et les “plaisirs de l’hiver” sont chose du passé. Nos parents nous ont amenés ici. Leurs propres parents furent plus chanceux, ou les plus malchanceux, c’est selon. Ils avaient échappé à l’augmentation de la température et à la hausse du niveau des océans en montant plus au nord. Ils étaient des colons en quête d’un climat plus tempéré et de terres fertiles. Des millions de personnes avaient ainsi migré vers le nord lorsque la chaleur était devenue invivable. Les exploitations agricoles avaient tourné au désert, la nourriture se faisait rare et les feux de forêt étaient devenus incontrôlables. Les mers avaient englouti les terres, et, au cœur des continents, on ne trouvait plus que des îles désertes entourées de bassins salés. Les réfugiés climatiques n’étaient pas toujours bien accueillis; on les repoussait parfois de manière violente. Les habitants de ces terres d’accueil avaient eux-mêmes peu d’espace pour vivre et avant longtemps, ils allèrent trouver refuge plus au nord. Le monde était désormais un lieu hostile et chaotique. Ainsi, d’abord nos grands-parents, ensuite nos parents, étaient partis vers ce qui fut autrefois un lieu glacial, inhospitalier à la vie. Un désert arctique brûlant, heureusement parsemé d’oasis de verdure, pouvait désormais accueillir les quelques survivants à la recherche d’un lieu pour vivre. Ils avaient survécu au voyage mais aussi à la migration d’une trop grande population vers un lieu qui ne pouvait nourrir qu’une poignée d’individus. Ainsi, la plupart avaient péri.

L’aube pointe et le soleil projette ses rayons épars sur notre campement, lumière oblique sur l’horizon qui brillait jadis des milles feux d’un champ de neige magnifique. La fraîcheur de l’air subsiste quelques instants mais est vite balayée par la chaleur étouffante qui s’installe. Les chameaux s’éveillent, clignent de leurs yeux endormis et se mettent debout péniblement. Après un maigre déjeuner, la tribu se prépare à partir à la recherche d’une autre oasis, dans l’espoir d’y trouver de l’eau et de la nourriture; la nourriture est si rare. Voilà le climat dans lequel évolue notre civilisation de survivants. De génération en génération, nous ne devrons jamais oublier notre histoire et les leçons que nous avons tirées d’elle, pour qu’un jour, dans mille ans peut-être, lorsque notre terre se refroidira et que la végétation réapparaitra sur les terres aujourd’hui stériles, nous soyons prêts à vivre en harmonie avec notre Terre, de façon durable, et à amorcer notre tant attendu retour vers le sud.

Après la séance de visualisation, les élèves gardent le silence pendant quelques minutes afin de réfléchir à cette expérience. Ensuite, on leur demande de, tout en gardant le silence, peindre ce qu’ils ont ressenti à la lecture du récit, puis les œuvres sont exposées sur les murs de la classe. À cette étape, on évite d’avoir une discussion de groupe avec la classe. L’enseignant expose à ses élèves le concept derrière le Guide du survivant, tel que proposé par Lovelock:

Une des actions que nous pouvons poser pour diminuer les répercussions de la catastrophe à venir consiste à rédiger un guide pour aider nos survivants à rebâtir la civilisation sans répéter la plupart de nos erreurs4.

On demande aux élèves, qui travaillent en groupes de quatre ou cinq, de se projeter dans le scénario de visualisation et de décider quels seraient les conseils qu’ils aimeraient voir se transmettre de génération en génération de survivants du réchauffement climatique et, plus précisément, ce qu’ils aimeraient dire aux générations de survivants qui vivront le refroidissement de la température et qui pourront regagner le sud et sa végétation florissante. Chacun des groupes rédige une courte présentation qu’il présente ensuite à la classe. S’ensuit une discussion de classe.

  1. L’enseignant souligne que le scénario de la “ceinture de viabilité” peut être évité. Il demande alors aux groupes de se reformer et d’imaginer qu’on leur donne leur propre Guide. Ils doivent se demander ce que les autres et eux-mêmes peuvent faire aujourd’hui pour éviter que le scénario ne devienne réalité. On demande aux groupes de préparer un plan d’action sur une feuille de journal, puis chacun fait sa présentation, et la avec la classe s’ensuit.

Retombées :

Voilà une activité très puissante qui risque d’engendrer une forte réponse sur le plan émotif. Il vaut mieux ne pas discuter des réponses et des dessins immédiatement après la visualisation mais permettre à la charge émotive engendrée par ceux-ci d’être mise à profit dans l’élaboration du Guide. Il vaut mieux enclencher les discussions sur l’expérience au moment où les groupes présentent leurs conseils. Les élèvent vont peut-être dire qu’ils ont été choqués ou même se montrer incrédules par rapport au scénario, mais ils exprimeront certainement leur tristesse, leur abattement et leur désespoir quant à l’état du monde. Les stratégies vues dans l’activité Désespoir et responsabilisation pourront alors s’avérer utiles. Le retour sur l’activité devrait débuter à l’étape de la réponse émotive, par des questions telles que “Quels sentiments as-tu ressentis durant l’activité?”, ou encore “Qu’est-ce qui t’a le plus ébranlé pendant la visualisation?”. Lorsque viendra le moment, la discussion devra s’orienter vers le choix des conseils que les élèves voudront donner aux générations futures afin que celles-ci évitent de refaire les mêmes erreurs que nous. Il est primordial que l’enseignant aide les élèves à tester leurs guides de conseils en fonction de l’état actuel des choses, et les incite à formuler des plans d’action pour finalement demander: “Qu’est-ce que vos conseils et votre plan d’action nous disent sur ce que nous devrions, en tant qu’individus et en tant que société, mettre en œuvre dès aujourd’hui?”. En conclusion, l’activité a pour but d’amener les élèves à passer de la tristesse, de l’abattement et du désespoir à la responsabilisation.

Pour aller plus loin:

Les élèves présentent leurs plans d’action à des organismes du milieu dans le but de trouver des points de convergence dans la mise en place de projets scolaires et communautaires.

[1]. Fighting for Love in the Century of Extinction33

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Les auteurs, David Selby et Fumiyo Kagawa, sont respectivement directeur fondateur et directeur de la recherche de Sustainability Frontiers, un organisme à but non lucratif basé au Canada et au Royaume-Uni (pour plus d’information, visitez le http://www.sustainabilityfrontiers.org). Ils sont les auteurs de plusieurs publications, dont Education and Climate Change: Living and Learning in Interesting Times, publié en 2010 aux éditions Routledge. Plus récemment, ils ont rédigé le programme pédagogique Climate Change Education for Sustainable Development de l’UNESCO et son matériel de soutien pour l’Afrique, l’Asie, l’Europe, l’Amérique du Nord et les petits États insulaires. Ils ont finalement tenu deux instituts d’été sur le thème de l’éducation aux changements climatiques à Sidmouth, ville côtière du comté du Devon, en Angleterre, en juillet et août 2012.

Les auteurs seraient heureux de recevoir les commentaires d’enseignants ayant testé les quatre activités avec leurs élèves. N’hésitez pas à les contacter à info@sustainabilityfrontiers.org.

Diplômée du baccalauréat en traduction professionnelle de l’Université de Sherbrooke, Katherine Gérard est passionnée par l’environnement et surtout, convaincue qu’un monde plus vert et juste est possible par l’entremise de l’éducation. Elle œuvre à la sensibilisation aux causes environnementales par ses diverses collaborations bénévoles dans son domaine de prédilection, les communications, notamment auprès de l’organisme Humanité Unie et de la Fondation David Suzuki.

Ce qui précède est une traduction de « Unleashing Blessed Unrest As the Heating Happens » qui a été publié en Green Teacher 94, Automne 2011.

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