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Par les sentiers, sous le ciel bleu, j’aime à rédiger

Par Brian “Fox” Ellis

Traduction par Aude Charrin

Qui ont été vos modèles en matière d’écologie? Quelles sont les personnes qui ont à la fois informé et influencé toute une génération d’écologistes militants? Bien souvent, il s’agit d’auteurs qui ont réussi à élargir leur auditoire essentiellement universitaire pour s’adresser à un public plus vaste, composé de monsieur et madame tout-le-monde dans le confort de leur salon. Gene Stratton Porter, source d’inspiration pour Rachel Carson grâce à ses romans destinés aux jeunes adultes, écrivait pour les magazines Ladies Home Journal et Good Housekeeping. Mme Carson a elle-même créé une série immensément populaire de capsules radiophoniques sur le monde aquatique, bien avant que ses livres ne lui valent des prix. Quant à Aldo Leopold, il a également publié des essais dans Outdoor Life tout au long de sa carrière.
Chacun de ces naturalistes a été inspiré par une expérience concrète de la nature. Grâce à leurs écrits, ils ont ainsi réussi à capter l’attention du public et à lui offrir un apprentissage tangible du monde extérieur.

Dans la mesure où, en tant qu’éducateurs, nous sommes une source d’inspiration pour les générations futures, nous devons les encourager à mettre de côté leur livres, leurs téléphones et leurs jeux vidéo pour les inciter à sentir, écouter, voir, toucher et expérimenter le monde qui les entoure. Pourquoi ne pas utiliser la technologie de leur génération comme outil pour restaurer les liens entre eux et la nature?

Vous pourriez donc demander à vos élèves de s’immerger dans leur environnement pour faire la promotion de l’écotourisme par la rédaction d’articles sur le Web. C’est là un excellent exercice pour apprendre à rédiger des textes visant un public défini. Écrire dans l’objectif d’être publié les motive certes à porter une attention particulière à la grammaire et aux problèmes structurels et stylistiques du texte, mais aussi à anticiper la réaction des lecteurs potentiels. Ce genre d’exercice aide généralement à se concentrer sur les enjeux propres à la rédaction, comme l’importance du choix des mots et du type de texte.

Voici un exemple de devoir simple qui réunit tous les objectifs:

demandez à vos élèves de rédiger un article pour un site Internet encourageant le tourisme dans votre région à partir de faits vécus, d’une vraie aventure. Les sites de voyage et de tourisme abondent sur le Web et sont à l’affût d’articles intéressants et bien écrits pour enrichir leur contenu. Vous pouvez même proposer à vos élèves un système de points supplémentaires s’ils sont publiés, voire de doubler la mise s’ils sont publiés dans un magazine papier! (À titre d’exemple, au moment de rédiger le présent article, je me trouve dans un hôtel à New London, dans le Wisconsin, et sur le bureau se trouvent deux magazines, Wolf River Country et New London Community Guide, contenant chacun des articles et des publicités sur l’écotourisme.)

L’entrée en matière: discuter des objectifs et des types de texte
Commencez le cours en parcourant plusieurs sites de voyage avec vos élèves, puis lisez-leur vos passages préférés. Déterminez avec eux les caractéristiques de ce genre de site: qui écrit les articles? pourquoi? pour qui? sur quoi?

Pour les aider à orienter leur travail, posez-leur des questions sur le type de texte, le compte de mots. Le contenu est-il informatif et ludique, ou plutôt, schématique ou didactique? Contient-il beaucoup de liste à puces, d’hyperliens? Correspond-il plus au genre narratif? Le sens du message est-il plutôt commercial ou livré sur le ton de la confidence, afin de pousser le lecteur à vouloir découvrir un endroit en particulier?

Je vous recommande de faire quelques recherches préalables pour trouver des sites qui peuvent correspondre au potentiel rédactionnel de vos élèves. Vous pouvez également prendre les devants et envoyer des courriels à l’Office du tourisme de votre région ou entrer en contact avec les gestionnaires des sites Internet pour susciter leur enthousiasme et les faire adhérer à votre projet. Commencez par des sites en lien avec des routes touristiques ou des publications touristiques régionales, comme le sont pour moi Midwest Living ou Outpost, au www.outpostmagazine.com (J’écris moi-même pour Illinois River Road). Voici quelques sites (en anglais seulement) pour vous mettre le pied à l’étrier:

www.byways.org/

Le site national des routes touristiques des États-Unis répertorie toutes les routes financées par le gouvernement fédéral. De-là, vous pouvez vous rendre sur des sites touristiques locaux, qui auront certainement plus de place pour accueillir vos histoires. Même si beaucoup d’entre eux se concentrent sur le côté historique, la plupart seront intéressés par la promotion de l’écotourisme et de l’histoire naturelle de la région.

www.drivethetop10.com/Share-Your-Experiences

Ce site recense de brefs commentaires informatifs. Toutefois, en parcourant les articles les plus longs, vous devriez être en mesure de trouver un exemple qui répondra aux objectifs de l’exercice.

www.illinoisriverroad.org/photo_submit.cfm

Ce site contient des récits, dont quelques-uns signés de ma plume (voir un exemple à la fin de l’article).

Prenez le temps d’aborder le fait que, même si chaque auteur voit en ses histoires une œuvre d’art intemporelle, la réalité se révèle bien différente: beaucoup de rédacteurs gagnent leur vie en écrivant pour des sites Web, des bulletins d’entreprise, des campagnes publicitaires, la télévision, le cinéma, la presse écrite ou d’autres moyens de diffusion. Dans le cadre de ce devoir, les élèves devront se mettre dans la peau d’un auteur travaillant pour un grand magazine de voyage. Leur public cible sera à la fois des gens comme vous et moi, mais aussi les personnes appartenant aux tranches d’âges les plus enclines à voyager: A) les familles ayant de jeunes enfants; B) les couples d’âge mûr; C) les bébé-boumeurs. Avant de commencer, proposez quelques bons articles à vos élèves pour les mettre sur la bonne voie et rappelez-leur le mandat: promouvoir l’écotourisme dans votre région.

Première étape: préparer l’aventure

Si vous avez choisi un site Web bien précis, les élèves devraient utiliser l’information qu’il contient pour préparer leur périple. Demandez-leur d’établir un itinéraire d’une journée qui serait un mélange d’aventure et d’exploration. Ils pourraient également se concentrer sur un thème ou une activité, comme l’observation des oiseaux ou la randonnée en canot. La seule consigne est de pratiquer une activité ludique à l’extérieur et d’en faire, par la suite, un compte rendu à la manière d’un carnet de voyage. Incitez-les à faire des activités qu’ils apprécient: manger dans un bon restaurant, faire du vélo ou de la randonnée. Pour ajouter un peu de difficulté, mentionnez-leur qu’ils devront également penser à l’aspect commercial de leur aventure. Par exemple, s’ils aiment faire du canot, ils pourraient se rendre dans un centre de location de canots et s’entretenir avec le propriétaire. Ou encore, s’ils préfèrent la pêche, demandez-leur d’essayer un nouvel endroit et proposez-leur de partager quelques conseils sur les appâts ou de parler des espèces aquatiques envahissantes. Les férus de géologie, quant à eux, se rendront par exemple dans un musée ou un magasin de pierres précieuses, voire exploreront une ancienne carrière ou feront des observations de formations géologiques sur des escarpements en bordure d’une route.

Vous pourriez aider vos élèves à amorcer leur projet en les amenant à répondre aux questions suivantes: si un ami venait vous rendre visite, quels sont les endroits qu’il ne devrait pas manquer? Si quelqu’un d’important venait à passer par votre région, quels seraient les endroits dont vous êtes le plus fier et dont vous recommanderiez la visite sans hésiter? Invitez-les à planifier leur activité en fonction de ces endroits.

Le site Internet sélectionné pourrait même accepter des thèmes plus originaux tels que les parcours de disque-golf qui se déploient le long des rivières. Si l’on y fait mention des oiseaux et des arbres qu’on est susceptible d’y observer, l’article peut alors devenir un plaidoyer en faveur d’une pratique responsable de ce sport, qui favoriserait ainsi la découverte de l’aménagement paysager ou de l’écosystème d’une prairie. Le billet peut également être consacré à l’ornithologie selon différents milieux et secteurs géographiques: zones humides ou alpines, prairies, forêts. Il peut aussi être axé sur la visite de zoos, de parcs animaliers ou de réserves fauniques qui permettent d’observer les comportements des animaux captifs par rapport à ceux des animaux sauvages; ou encore sur la découverte de différentes activités nautiques telles que la randonnée en kayak, en motomarine ou en bateau à roues à aubes. Encouragez la créativité de vos élèves : peu importe leurs intérêts, du moment qu’ils pensent pouvoir attirer l’attention d’un site Web! Proposez-leur d’amener un ami; ce dernier pourra enrichir l’article de ses commentaires. Rappelez-leur de préparer une journée amusante, de la ponctuer de photos et d’observations écrites, et de profiter du paysage et des ressources de votre région.

Deuxième étape : l’art de raconter une bonne histoire dans un but précis

Demandez à vos élèves d’écrire une courte histoire (de 750 à 1000 mots) qui transformera leur journée en une véritable odyssée. Incitez-les à solliciter tous les sens du lecteur. Préconisez la structure du texte narratif (début, milieu, fin); rappelez-leur d’écrire dans un objectif défini et pour un public précis, et de garder à l’esprit leurs propres attentes : qu’est-ce qu’ils rechercheraient, aimeraient ou de quels renseignements auraient-ils besoin s’ils prévoyaient cette aventure sans connaître la région?
Même si l’écriture peut sembler un acte solitaire, lorsqu’un auteur s’installe à son clavier, deux mondes doivent s’ouvrir à lui et prendre place sur chacune de ses épaules : d’un côté, l’imagination et les expériences vécues, l’essence même de toute histoire, et de l’autre, le public visé, les personnes qui liront son travail. Un bon auteur garde toujours ces deux choses à l’esprit lorsqu’il raconte une histoire, il fait le pont entre ces deux mondes.

À l’occasion, assez rarement toutefois, une histoire peut vous venir entièrement structurée. Très souvent, par contre, elle s’améliore lorsqu’elle est réécrite, retravaillée ou adaptée au public visé. Le mandat de vos élèves est d’être les écologistes militants de leur région. Ils doivent écrire des histoires pour convaincre et inspirer les lecteurs, leur donner envie de vivre la même aventure, sans toutefois les exhorter à le faire ou leur forcer la main.

Demandez-leur de vous fournir une version imprimée. Aidez-les à retravailler leur texte, puis révisez-les. Ils doivent arriver à créer des images avec les mots. Rappelez-leur de ponctuer leur récit de quelques éléments logistiques, comme des adresses, des heures d’ouverture, des commentaires suggérant des réservations préalables, et des liens utiles à la préparation d’une telle aventure.

Écrire pour un public : soumettre son histoire

Lorsque les histoires sont révisées, les élèves devront proposer leur version finale en respectant les instructions et en adoptant la mise en page préconisée par le site Web. Suggérez-leur d’ajouter deux ou trois photos de la journée sous forme d’images JPG. La plupart des sites Internet sélectionnent leurs articles de façon mensuelle pour alimenter leur blogue, il n’y a donc pas de contraintes de temps. En soumettant leurs travaux, les élèves acceptent l’utilisation de leurs histoires et de leurs photos. Il faut voir, par contre, qui de l’élève ou du site sera détenteur des droits d’auteurs.
Texte retenu pour publication? L’élève devrait s’empresser d’envoyer un lien à son enseignant afin de réclamer ses points supplémentaires!

Une autre merveilleuse journée sur le fleuve Illinois! [p. 24 of the original English text]
Par Brian “Fox” Ellis
Le 6 avril 2010 – Je viens de passer la journée idéale sur le fleuve Illinois! Vers 8 h ce matin, je suis passé prendre un ami à Peoria et nous nous sommes tous deux dirigés vers le sud en direction de Havana, en Illinois, pour rejoindre un troisième complice au Dickson Mounds Museum, près de Lewiston. Une exposition temporaire y revenait sur les jeunes années d’Abraham Lincoln dans notre région et proposait des archives qui m’étaient totalement inconnues, dont plusieurs photos de l’ancien président et de ses collègues de l’époque. Je suis de ceux qui pensent qu’un musée est plus qu’une collection d’objets; c’est un endroit parfait pour y raconter des histoires. Le personnel de cet établissement a bien compris que la fréquentation du musée dépendait de la façon dont il racontait ces histoires, et croyez-moi, ça fait toute une différence!

Parmi les œuvres de l’exposition permanente, j’affectionne tout particulièrement une pirogue en bois découverte quelques années auparavant. En contemplant cet exemple magnifique d’art fonctionnel, il est facile d’imaginer, il y a quelques milliers d’années, un ancien coulant volontairement sa pirogue avant l’hiver pour qu’elle ne soit pas endommagée par le gel. L’homme ne survécut probablement pas à la rigueur du climat, et personne n’a su où son embarcation avait été submergée. Mille ans passèrent et, durant un épisode record de sécheresse, un pêcheur remarqua une forme étrange sortir du lit boueux de la rivière. Quelques coups de pelle plus tard, une pirogue monoxyle traditionnelle utilisée par les Amérindiens était généreusement offerte au musée!

Situé à la jonction d’un méandre du fleuve Illinois et de la rivière Spoon, le musée surplombe une vaste étendue de zones humides nouvellement restaurées. Là encore, il est facile d’imaginer l’endroit tel que les bâtisseurs de tumulus l’ont découvert bien avant nous. Des milliers de foulques, de canards souchets, de canards pilets et de colverts pourraient d’ailleurs en témoigner. Heureusement, le musée ouvre de bonne heure, et nous avons pu prendre notre temps pour le visiter sans rogner sur le programme de la journée.

Une fois la visite terminée, nous nous sommes mis en route pour aller voir par nous-mêmes ce que l’Illinois avait à offrir. Après avoir laissé un véhicule proche de notre point d’arrivée, nous avons utilisé la voiture du troisième compère comme navette pour atteindre Duncan Mills sur la rivière Spoon, où nous avons mis nos kayaks à l’eau. L’itinéraire consistait donc à redescendre la rivière Spoon sur une vingtaine de kilomètres jusqu’à déboucher dans le fleuve Illinois et arriver dans le centre de Havana après un court détour par le Chautauqua National Widlife Refuge.

Notre embarcation à peine mise à l’eau, nous avons pu voir toute une panoplie d’oiseaux: des dizaines de couples de canards branchus étaient en livrée printanière; un duo de martins-pêcheurs d’Amérique bleu électrique virevoltait au-dessus de nous dans ce qui semblait être une parade nuptiale; un grand pic marquait son territoire en martelant un avertissement sonore à d’éventuels rivaux; un jeune pygargue à tête blanche tournoyait dans un courant chaud au-dessus d’un champ de maïs sur la rive; plusieurs hiboux éberlués par notre passage nous accordaient une inhabituelle apparition diurne; et au-dessus de l’Emiquon Preserve, plus d’une centaine de pélicans d’Amérique volaient en formation dans un ciel sans nuages. Nous avons également repéré une multitude de tanières de castors, soit sous la forme de terriers creusés dans les berges de la rivière, soit de monticules de brindilles et de bouts de bois. Des dizaines de tortues se sont laissées glisser dans l’eau à notre approche, puis ont sorti leur petite tête pour vérifier que la voie était de nouveau libre. Une couleuvre a traversé la rivière tout près de nous, filant sous le kayak de Barry pour passer son chemin. Nous avons également aperçu des pistes de chevreuils, de coyotes, de ratons laveurs et de loutres parmi les innombrables empreintes laissées sur la rive, mais sans jamais croiser leurs propriétaires. Toutefois, le meilleur tête à tête de la journée a eu lieu avec un vison brun foncé à la queue noire et touffue. Comme nous glissions au fil de l’eau, l’animal est apparu sur la crête de la rive. Nous avons interrompu notre mouvement, nous laissant pousser silencieusement par le courant. Le vison marchait tranquillement le long de la berge, à moins de dix pieds de nous, sans se soucier de notre présence. Nous avons ainsi parcouru, côte à côte, de vingt à trente pieds avant que le petit mammifère ne disparaisse dans son terrier. C’était à en couper le souffle. Et comme pour nous prouver que nous n’avions pas rêvé, l’animal a ressorti la tête de son terrier pour nous regarder filer au gré du courant.

La rivière Spoon se jette dans le fleuve Illinois juste au-dessus de Havana. À partir de là, l’immensité s’offre à nous: sur notre gauche l’Emiquon Preserve, plus de six mille acres de zones humides restaurées, gérées par un organisme de conservation de la nature; de l’autre côté de la rivière, l’immense Chautauqua National Widlife Refuge; le Frank Bellerose Preserve, constitué de grandes étendues, propriété du gouvernement; enfin, le fleuve mène aux Grands Lacs, au Mississippi, à la voie maritime du Saint-Laurent et au golfe du Mexique… C’est on ne peut plus inspirant d’être un petit mammifère se déplaçant dans un kayak de neuf pieds au beau milieu d’une si vaste étendue d’eau qui lie la rivière Spoon aux océans!

Après avoir sorti nos embarcations de l’eau dans le centre-ville de Havana, nous nous sommes rassasiés dans un restaurant Subway et avons mis un peu d’essence dans le réservoir chez Thorntons pour couvrir les quelques kilomètres qui nous séparaient de Peoria. Quelle autre merveilleuse journée sur le fleuve Illinois!

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Naturaliste de formation et conteur passionné, Brian “Fox” Ellis exerce son art dans diverses salles de classes et lors de colloques un peu partout en Amérique du Nord. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont Learning from the Land: Teaching Ecology Trough Stories and Activities, mais aussi de spectacles didactiques, dont le plus récent, Charles Darwin and His Revolutionary Idea, met en lumière la théorie de l’évolution. Il vit à Peoria, dans l’Illinois.

Aude Charrin est étudiante en traduction à l’Université de Sherbrooke.

Ce qui précède est une traduction de « Tales from the Trail » qui a été publié en Green Teacher 90, Automne 2010.

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