Ça bourdonne ! Exploration du cœur d’une colonie d’abeilles

Par Ayda Ghaffari et Dimitrios Mavridis
Traduit par Nicole Laurendeau
« Si l’abeille disparaissait de la surface du globe, il ne resterait plus que quatre ans à l’être humain. »
Ainsi l’avait prédit Albert Einstein, et nous sommes en bonne voie de prouver qu’il avait raison. Bien des éducatrices et éducateurs comprennent l’importance vitale des abeilles, leur rôle en tant que pollinisateurs et leur contribution à notre écosystème. Mais c’est tout un défi que d’arriver à partager ces notions de façon à piquer l’intérêt de gens allergiques, effrayés ou tout simplement indifférents. La peur des abeilles est fréquente; on la désigne par le terme mélissophobie, du mot grec melissa signifiant « abeille ». Quant au manque d’intérêt pour le sujet, il n’existe aucun mot pour le nommer, et c’est bien notre objectif de faire en sorte qu’il ne soit pas nécessaire d’en concocter un. L’activité qui suit a été élaborée par de futurs enseignants inscrits à l’Université Brock de St. Catharines en Ontario. Elle a pour but de guider les élèves dans une démarche captivante qui les aidera à mieux comprendre ces petites bêtes. Quand ils réaliseront qu’un tiers des aliments que nous consommons chaque jour dépend de la pollinisation, les jeunes comprendront pourquoi il nous faut protéger les abeilles.
But de l’activité
En apprenant à mieux apprécier le réseau complexe que forment les abeilles ouvrières, les élèves verront bien que la pollinisation et la production de miel sont le résultat d’un travail ardu aux multiples récompenses. Le fonctionnement de la colonie repose sur la contribution des individus au bien de l’ensemble. Chaque abeille fait sa part du travail de façon à ce que ses congénères ne manquent ni de soins ni de nourriture. La reine pond les œufs qui produiront de nouvelles générations d’ouvrières et diffuse des phéromones pacifiant l’atmosphère. Les butineuses récoltent le pollen afin de nourrir la colonie. Les fossoyeuses évacuent les abeilles mortes ou malades afin que la ruche reste exempte du risque de contagion. Sans la contribution de chacune de ces travailleuses, il manquerait un maillon à la chaîne et toute la colonie en souffrirait. Le monde des abeilles présente ainsi un modèle de milieu de vie communautaire fonctionnel, où chaque membre joue un rôle pour assurer son mieux-être et celui des autres.
Matériel
- Languettes de carton de différentes couleurs désignant les différents rôles dans la colonie (par exemple, violet pour les fossoyeuses, jaune pour les butineuses, etc.)
- Images illustrant les divers rôles, imprimées et attachées à la couleur correspondante; ex : balai = nettoyeuse ; coiffe d’infirmière ou uniforme = nourrice; pierre tombale = fossoyeuse; épée = gardienne; fleurs (comme la verge d’or, fréquentée par les abeilles) = butineuse. Il n’y aura pas d’illustration pour les architectes, seulement leur couleur attachée aux cylindres.
- Six cylindres de carton (le format variera selon les matériaux). Une fois les cylindres trouvés, les élèves les assembleront pour former un hexagone; idéalement, les bouts devraient être coupés à un angle de 120° de façon à créer une figure parfaite.

Pour bien saisir ce que c’est que d’être membre d’une colonie d’abeilles, la classe va en reproduire une à l’échelle humaine. Chaque élève jouera un rôle clairement défini dans la structure de travail. Il faut au moins six participants afin que toutes les tâches de la ruche soient représentées. Une fois leurs besognes accomplies, les élèves reviendront à l’hexagone pour parler de leurs découvertes et ainsi approfondir leurs connaissances.
Déroulement
On évalue d’abord les acquis des élèves en posant quelques questions :
Quel est le sexe dominant dans une ruche ?
Pourquoi les humains ont-ils besoin des abeilles ?
Comment leur survie se trouve-t-elle menacée ?
Étape 1 : Avant l’arrivée des élèves, les illustrations sont dissimulées à différents endroits dans la classe, comme pour une chasse aux trésors.
Étape 2 : Les jeunes à tour de rôle pigent une languette de carton. Chaque couleur correspond à un rôle précis parmi les suivants : nettoyeuse, nourrice, fossoyeuse, gardienne, butineuse et architecte. Ce titre n’est pas indiqué.
Étape 3 : Pour former la colonie, les élèves repèrent dans la classe la couleur pigée et trouvent l’image qui y est associée (voir étape 1).
Étape 4 : Le groupe se choisit une reine qu’on munit d’une bouteille de phéromones dont le parfum stérilise les membres de la colonie tout en signalant que la reine est active. Pendant l’activité, la reine joue le rôle de conseillère et s’assure que les ouvrières font leur travail.
Étape 5 : La mission des architectes est de repérer les six cylindres de carton pour construire l’abri de la colonie. Les élèves doivent alors comprendre qu’il faut former un hexagone, puisque c’est la forme idéale pour y déposer les œufs et entreposer le pollen tout en laissant suffisamment d’espace dans l’accomplissement des autres tâches.
Étape 6 : Une fois les images trouvées, les élèves se réunissent autour de la base hexagonale. Ils ne peuvent communiquer qu’avec celles et ceux qui affichent leur couleur. Si le nombre de participants le permet, chaque groupe discute de son rôle et de ce que seront ses tâches.
Étape 7 : Une discussion générale permet ensuite d’échanger sur le rôle que chaque élève croit avoir joué dans la colonie d’après l’image trouvée, et sur sa contribution à l’ensemble. Il est clarifié que la position des illustrations dans la classe correspond aux distances relatives parcourues par les abeilles. Par exemple, la butineuse s’éloigne davantage, alors que la fossoyeuse ne quitte jamais la ruche. Les élèves tentent d’estimer la distance réellement couverte par leur groupe et expliquent leur approximation.
Quelques mises en garde : il ne serait pas étonnant, en fonction de l’âge et du niveau de maturité des élèves, que les cylindres soient utilisés pour des combats d’épée. L’enseignante devra aussi prévoir suffisamment d’espace pour prévenir les collisions pendant la chasse aux images.

Suivi proposé
Dans une leçon suivante, les élèves peuvent mener une recherche plus approfondie sur les autres rôles des abeilles et discuter de leur importance pour l’agriculture moderne et l’alimentation. Ils peuvent également faire la collecte et l’analyse de données, explorer le mode de communication des abeilles et établir des liens entre ces facteurs et leur mode de vie.
Conclusion
Les élèves doivent se sentir interpellés par le matériel enseigné si l’on veut susciter leur engagement et leur participation. On peut y arriver par le biais d’une anecdote personnelle ou d’une histoire qui les touche particulièrement. Ici, le lien possible est la prise de conscience de leur rôle dans la société. Chaque membre y fait sa part tout en se respectant et en respectant les autres. Et puis c’est grâce aux abeilles que nous avons des bleuets, des pommes, des petits fruits sauvages, des cerises, des melons, des pamplemousses, des avocats, des courges, du brocoli, des carottes, des oignons et bien d’autres produits – il faut donc en prendre bien soin.


Rôles dans la colonie
Reine : Elle est la seule femelle fertile de la colonie. Elle seule peut pondre des œufs fertilisés. Elle émet constamment des phéromones, un parfum naturel qui ne peut être détecté que par les membres de sa colonie et qui a pour effet de stériliser les ouvrières en plus de les rassurer sur sa santé et sur celle de la ruche. On croit que cette odeur distincte procure à la colonie un sens d’identité et un caractère qui lui est propre. La reine s’accouple à un jeune âge, entrepose des millions de gamètes mâles à même son corps et fertilise les œufs en temps voulu. Elle peut produire jusqu’à 2 000 œufs par jour. Les mâles proviennent des œufs non fertilisés. Une reine peut vivre entre trois et cinq ans. Quand pondre devient plus difficile pour elle, les abeilles génèrent une nouvelle reine en gavant l’une des larves de gelée royale.
Faux bourdon : Il provient d’un œuf non fécondé suivant le processus appelé parthénogenèse arrhénotoque (un seul parent contribuant un seul ensemble de gènes), ce qui veut dire que son unique jeu de chromosomes lui provient de la reine. Curieusement, il n’a pas de père, mais il a un grand-père maternel. Il n’a ni dard pour défendre la colonie ni structure anatomique pour récolter le pollen et ainsi contribuer à l’alimentation de ses congénères. Le seul but de son existence est la fécondation de la reine. En hiver, quand les vivres se font rares, les ouvrières empêchent parfois les mâles d’entrer dans la ruche, les condamnant ainsi à mourir de faim.
Ouvrières– La nourrice : Son rôle est de prendre soin du couvain. Dès sa naissance, la nouvelle-née nettoie sa cellule puis entreprend ses tâches de nourrice, comme l’incubation et le soin des larves toujours en développement. Une seule larve peut ainsi être examinée plus d’un millier de fois par jour. Lorsqu’elle a atteint sa pleine maturité, l’abeille change de carrière et se consacre aux tâches quotidiennes, comme de déposer nectar et pollen dans les cellules servant de garde-manger ou de nourrir les larves : celle de la future reine de pure gelée royale et celles des mâles et des ouvrières d’un mélange de pollen, de miel et de gelée.
Ouvrières – La nettoyeuse : À peine âgée d’un jour ou deux, la jeune abeille se met au nettoyage des cellules, qu’elle vide et polit avant que n’y soient déposés les œufs, le nectar ou le pollen. La reine inspecte ensuite les cellules qui devront être nettoyées à nouveau si elle n’est pas satisfaite du travail.
Ouvrières – La fossoyeuse : Lorsqu’elle est un peu plus âgée, l’abeille est chargée de débarrasser la ruche des cadavres d’abeilles mortes. Ainsi devenue fossoyeuse, elle doit également éliminer le couvain malade ou n’ayant pas survécu avant qu’il ne présente aucun danger pour la santé de la colonie.
Ouvrières – L’architecte : À douze jours, elle a atteint assez de maturité pour sécréter la cire qui constitue la matière première dans la construction des alvéoles. Les flocons de cire qu’elle produit serviront à créer de nouvelles alvéoles ou encore à encapsuler le miel maturé de même que les cellules contenant les abeilles immatures. L’architecte doit ingérer des quantités importantes de miel et de nectar pour pouvoir produire les flocons de cire.
Ouvrières – La gardienne : La protection de la colonie est la dernière tâche d’une ouvrière avant qu’elle ne devienne butineuse. La gardienne vérifie donc chaque abeille revenant à la ruche. Si elle reconnaît son odeur, elle laisse entrer l’arrivante. Toutefois, elle se laisse parfois allécher par le nectar d’une étrangère qui peut alors rafler miel et pollen avant de déguerpir. La gardienne vérifie également les fissures par lesquelles une voleuse ou un intrus pourrait pénétrer dans la ruche, et protège celle-ci des autres insectes. Quand elle utilise son dard, son abdomen se déchire et elle meurt. En cas de danger, elle émet une phéromone d’urgence provenant d’une glande adjacente au dard pour alerter les autres abeilles.
Ouvrières – La butineuse : Quand elle a environ 14 jours, l’ouvrière quitte la ruche au lever du jour et butine les fleurs dans un rayon de quatre à cinq kilomètres. Elle y cherche du nectar, de l’eau, du pollen et de la propolis. Elle peut faire un trajet d’une heure jusqu’à dix fois par jour, puis revient au coucher du soleil. C’est la phase finale de la vie de ces ouvrières qui meurent généralement dans les champs, âgées d’entre six et huit semaines. Les abeilles cessent de voler l’hiver. Elles hibernent dans la ruche et s’alimentent des provisions de miel, de l’automne jusqu’au printemps.

Mots clés
Colonie : comprend quelques milliers d’ouvrières, une reine et en été, des centaines ou des milliers de faux bourdons (les larves, les nymphes et les pré-nymphes des ouvrières et des mâles se développent à partir d’œufs pondus par la reine au printemps dans les alvéoles).
Hexagone: figure plane formée de six côtés droits et de six angles.
Larve: forme immature active d’un insecte entre les stades d’œuf et de nymphe.
Phéromone : substance chimique émise par un animal, généralement un mammifère ou un insecte, qui agit sur le comportement ou la physiologie des autres membres de son espèce.
Pollen: fine substance poudreuse, généralement de couleur jaune, formée de grains microscopiques libérés par un cône mâle ou par la partie mâle d’une fleur.
Propolis: substance résineuse rouge ou brune récoltée sur les bourgeons par les abeilles, et utilisée pour combler les fissures et pour sceller et vernir les alvéoles
Gelée royale : concentré laiteux secrété par des glandes de la tête des ouvrières pour nourrir la larve de la reine.
Ayda Ghaffari et Dimitrios Mavridis en sont à leur deuxième année du programme de formation des enseignantes et enseignants à l’Université Brock de St. Catharines, en Ontario. Formatrice en arts visuels depuis déjà six ans auprès d’élèves dont l’âge varie entre 3 et 16 ans, Ayda a la conviction que le seul moyen de nous assurer un avenir sain est d’encourager les jeunes à devenir des citoyens planétaires informés, curieux et empathiques. Quant à Dimitrios, ancien étudiant en musique au Mohawk College et à l’Université York, sa philosophie de l’éducation repose sur l’adoption d’un style de vie dont autant les citoyens que l’environnement peuvent bénéficier.
Nicole Laurendeau, étudiante au baccalauréat en traduction professionnelle de l’Université de Sherbrooke.
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