Initier les élèves à l’architecture de paysage

Par Karen Grajales
Traduit pas Alexandre Aubert
Ernest C. Wong se souvient d’une jeunesse déconnectée de la nature. Cependant, la situation a pris un autre tournant lorsqu’il a eu 15 ans. Vers la fin des années 60, Wong, fils d’immigrants chinois qui a grandi dans un quartier de Chicago habité majoritairement par des Afro-Américains, devient bénévole auprès d’une association étudiante pour la conservation (Student Conservation Association, la SCA), une organisation sans but lucratif qui permet aux jeunes de participer à des projets environnementaux. Il apprend à aménager des sentiers au parc national des North Cascades et, du même coup, à trouver sa place dans ce vaste monde. Aujourd’hui, Ernest C. Wong est un architecte paysagiste, propriétaire d’une firme primée, et membre du conseil d’administration de la SCA.
Wong et plusieurs autres architectes paysagistes désirent réconcilier les élèves avec la nature, notamment ceux qui vivent dans des communautés défavorisées, et leur montrer qu’ils peuvent contribuer à la protection de l’environnement. Ils veulent aider les enseignants à intégrer l’architecture de paysage dans leur programme d’éducation en matière d’environnement grâce à des activités pratiques en plein air qui permettent aux élèves de connaître le travail des personnes responsables d’aménager les espaces publics. Deux exemples d’activité sont présentés à la fin de l’article : essayez-les avec vos élèves.
Regardez autour de vous, dans votre quartier, et vous verrez que l’architecture de paysage est omniprésente : dans les parcs, les quartiers résidentiels, les jardins, les infrastructures de transport, les sentiers et les pistes cyclables. L’architecture de paysage, c’est-à-dire l’analyse, la planification, le design et la gestion d’environnements extérieurs et d’infrastructures écologiques, aide à définir les collectivités. Malgré cela, cette profession reste méconnue.
Les architectes paysagistes travaillent dans différents milieux partout dans le monde. Ils utilisent des techniques de design durable afin de créer des paysages régénérateurs, adaptés à l’environnement et qui contribuent au développement de villes en santé. Les toits verts, composés de substrat, de compost et de plantes, sont un exemple de projet conçu par les architectes paysagistes. En remplacement des toitures traditionnelles, ces aménagements réduisent les îlots de chaleur, améliorent la qualité de l’air, créent de nouveaux habitats écologiques et permettent une rétention des eaux pluviales.
Cet article propose des manières de présenter l’architecture de paysage et le design durable à vos élèves. Soyez au fait des projets locaux conçus par des architectes paysagistes et trouvez des images que vous pourrez partager avec vos élèves. À Toronto, en Ontario, le parc urbain et riverain Sugar Beach, conçu par Claude Cormier et Associés, est un bon exemple. Le Cumberland Park, situé à Nashville, au Tennessee, et dessiné par Hargreaves Associates, est une aire de jeu innovante pour les enfants et les familles riveraines. L’Emerald Necklace, un chapelet de parcs à Boston, au Massachusetts, est un projet de design collaboratif réalisé par plusieurs architectes paysagistes.
Collaborez avec des architectes paysagistes de votre région dans le cadre de présentations en classe, de sorties et d’activités de design. Vous pouvez contacter l’Association des architectes paysagistes du Canada (AAPC) ou du Québec (AAPQ), l’American Society of Landscape Architects (ASLA) ou l’association d’architecture de paysage de votre pays. Évaluez la possibilité qu’une de ces associations ou firmes locales parraine votre école et qu’elle organise des activités et des évènements portant sur le design. L’ASLA a récemment fait équipe avec l’association Potomac régionale dans le cadre du programme « Adoptez une école » d’une commission scolaire de Washington D. C. Accompagnés par des bénévoles de la section régionale, des élèves de 11 à 14 ans ont pu apprendre à lire une carte des environs, ont découvert les parcs à proximité et ont participé à un salon de l’emploi.
Discutez avec vos élèves de l’architecture de paysage présente dans certains de leurs jeux vidéo préférés comme Pokémon Go et Minecraft. L’application Pokémon Go, qui a connu un succès retentissant à l’été 2016, a été conçue pour que les joueurs puissent explorer les rues, les parcs et les esplanades. Minecraft est un jeu vidéo qui permet aux joueurs de créer un monde avec des paysages et des bâtiments qu’ils construisent eux-mêmes. La section régionale de l’ASLA en Indiana a récemment aidé des élèves à construire des espaces extérieurs dans une activité de style Minecraft. Des découpages de personnages, de paysages, d’éclairage, de panneaux de signalisation et de véhicules ont été fournis aux élèves afin qu’ils les assemblent.
Dans une optique plus large, encouragez vos élèves à participer aux sommets nationaux ou régionaux de la jeunesse sur le design si l’occasion se présente. Par exemple, le musée national de design Cooper-Hewitt a été l’hôte en 2015 d’un sommet du design pour les jeunes de 14 à 17 ans à Washington D. C. Environ 200 jeunes d’écoles publiques du District de Columbia ont pu apprendre aux côtés de lauréats du Prix national de design, toutes disciplines confondues. Parmi ces jeunes, environ 25 ont été placés par groupe de quatre pour qu’ils puissent découvrir l’architecture de paysage, en mettant en pratique le design thinking et la collaboration. Les élèves avaient à leur disposition divers matériaux, tels que des pailles, du papier et du fil de métal pour créer des modèles selon les défis lancés. Le but était de construire un parc-nature ou un espace extérieur qui contribuerait au bien-être de leur collectivité, et ce, dans un délai de 45 minutes. Pendant qu’ils s’affairaient à construire leurs prototypes, les architectes paysagistes lauréats allaient d’une table à l’autre, commentaient les modèles et offraient leur aide.
Dans le plus grand souci du détail, les architectes paysagistes conçoivent des paysages urbains et ruraux afin que la population puisse profiter au maximum de leur environnement extérieur. En donnant la chance à vos élèves de faire une incursion dans cette profession, vous les aidez non seulement à établir un rapport harmonieux avec la nature, mais vous ouvrez aussi des perspectives de carrière.
Karen Grajales est directrice des relations publiques pour l’American Society of Landscape Architects. Elle est également présidente des consultations préalables pour le consortium sur l’éducation relative à l’environnement du District de Columbia. On peut la joindre à l’adresse suivante : KTgrajales@asla.org.
Alexandre Aubert est diplômé au baccalauréat en traduction professionnelle de l’Université de Sherbrooke.
Activités
Première activité : la construction d’un toit vert
Pour cette activité, recommandée pour les élèves de 5 à 11 ans, les enseignants peuvent inviter des architectes paysagistes à visiter leur salle de classe et à parler des toits verts et de leurs avantages pour les collectivités. Pendant cette visite, les élèves créent leur propre toit vert dans le couvercle d’une boîte à chaussures. Cette activité d’une durée d’environ 50 minutes peut être réalisée dans plusieurs contextes : dans la salle de classe, avec un groupe de scouts, lors d’un évènement communautaire ou d’une activité parascolaire. Elle peut également être modifiée afin de tenir compte des normes nationales sur l’éducation relative à l’environnement.
Matériaux
- Papier pour recouvrir les tables
- Colle en bâton ou colle liquide
- Matériel d’artisanat (formes en mousse, boutons, cure-pipes, papier de construction, mouchoirs, etc.)
- Marqueurs
- Ruban à masquer
- Ciseaux
- Boîtes à chaussures (une par élève)
- Feuilles de papier d’aluminium (de la même dimension que le couvercle de la boîte à chaussures)
- Terre d’empotage contenant du fertilisant (assez pour remplir chaque couvercle de boîte à chaussures)
- Fourchettes (une dizaine environ)
- Gobelets en carton de grand format (une dizaine environ) remplis avec ¼ de pouce de semences d’herbe
- Semences d’herbe supplémentaires (pour remplir les moules en papier au besoin)
- Truelles pour manipuler la terre d’empotage
- Contenants de transport (pour transporter la terre d’empotage et les semences d’herbe au cas où les toits verts seraient assemblés à la maison)
- Matériel pour se laver les mains : évier, eau, savon, serviettes
- Balai et ramasse-poussière
- Torchons (pour nettoyer les tables)
- Tables et chaises (selon le nombre de participants)
Préparation
Installez les tables de travail et couvrez-les de papier (à l’aide de ruban adhésif). Placez les chaises autour des tables de travail et déposez-y la colle, les marqueurs, les ciseaux, le ruban à masquer et le papier d’aluminium. Disposez les gobelets en carton remplis de semences d’herbe, les fourchettes, les boîtes à souliers et leurs couvercles ainsi que la terre d’empotage sur une table des matériaux ou à proximité.

Déroulement
- Présentez l’architecte paysagiste et invitez-le/la à décrire son rôle.
- Expliquez à vos élèves qu’ils construiront un toit vert semblable à ceux que font les architectes paysagistes sur le toit de certains bâtiments.
- Renseignez-les sur les toits verts. Pensez à présenter des exemples de votre région. Demandez à vos élèves ce qu’ils connaissent à ce sujet. Passez en revue les avantages environnementaux des toits verts, soit la rétention des eaux pluviales, la réduction de l’effet d’îlot de chaleur en milieu urbain, l’amélioration de la qualité de l’air et la construction de nouveaux habitats écologiques.
Instructions
- Choisir une boîte et un couvercle sur la table des matériaux.
- Aller à une table de travail et fixer fermement le couvercle à l’envers sur le dessous de la boîte à l’aide de ruban adhésif.
- Recouvrir l’intérieur du couvercle de papier d’aluminium. Coller la feuille d’aluminium afin qu’elle ne bouge pas.
- Décorer l’extérieur de la boîte et du couvercle afin de créer un bâtiment : une maison, un immeuble résidentiel, une épicerie, un poste de police, une caserne de pompiers, un centre communautaire, une église, etc.
- Apporter la boîte décorée à la table des matériaux pour y mettre de la terre d’empotage. La terre contient déjà du fertilisant. Étendre la terre uniformément sur le papier d’aluminium. La terre d’empotage et les semences d’herbe peuvent être emportées dans des contenants de transport pour terminer le projet à la maison.
- Verser les semences d’herbe contenues dans un gobelet en carton (¼ de pouce de semences) sur la terre. Utiliser une fourchette comme houe afin de distribuer uniformément les semences.
- Se laver les mains lorsque le projet est terminé.
Expliquez à vos élèves qu’ils doivent placer leur toit vert près d’une fenêtre ensoleillée. Demandez-leur de verser ½ à ¾ de tasse d’eau sur leur toit dès leur retour à la maison, puis à intervalles de quelques jours lorsque la terre est sèche. Attention, ils ne doivent pas verser trop d’eau, car le toit est fait de carton. En deux à trois semaines, l’herbe commencera à pousser (germination). Les élèves peuvent couper l’herbe au ciseau si elle devient trop haute. Entretenu régulièrement, leur toit vert continuera à pousser.
Si vous avez suffisamment de temps et que vous disposez d’un ordinateur, donnez-leur plus de renseignements sur les toits verts et leurs avantages environnementaux. Inspirez-vous de la page développée par le ministère québécois de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques pour aborder les différents avantages des toitures végétalisées.
Une activité à plus grande échelle consiste à concevoir et, si possible, bâtir une toiture végétalisée sur le toit de l’école avec les élèves. Afin de rendre cette idée réalisable, il est nécessaire de travailler de concert avec une association ou une firme locale d’architectes paysagistes.

Deuxième activité : à la découverte des plantes indigènes
Des pratiques d’aménagement paysager durables sont le reflet d’une conscience environnementale dans la création et l’entretien d’un espace. L’utilisation de plantes indigènes dans un aménagement procure plusieurs avantages : elles s’adaptent au climat, requièrent moins d’entretien et d’arrosage, créent des habitats pour la faune, ne nécessitent aucun fertilisant, résistent mieux aux différentes maladies et ont une croissance non envahissante. Dans le cadre de cette activité, les élèves de 13 à 17 ans sont amenés à étudier certaines plantes indigènes et à découvrir comment elles se sont adaptées au climat local : feuilles épaisses et coriaces pour réduire la perte d’eau, période de dormance en hiver, longues racines, imitation de fleurs pour attirer certains pollinisateurs, etc.
Pour les élèves de 5 à 10 ans, les animateurs peuvent présenter brièvement les avantages des plantes indigènes et leur faire planter des semences qu’ils pourront transplanter dans leur jardin à la maison.
Les élèves de 13 à 17 ans ont le mandat de trouver au moins sept plantes indigènes de leur région. Les pépinières locales, les livres de jardinage, les organismes pour la protection des plantes indigènes, les groupes de jardinage, les services de vulgarisation et Internet sont des ressources possibles.
Voici des exemples de questions auxquelles ils doivent répondre :
- Quel est le nom scientifique de la plante (genre et espèce)?
- Est-ce une plante qui préfère le soleil ou l’ombre?
- De quelle couleur est la fleur? Quelle est la période de floraison?
- Possède-t-elle un feuillage caduc ou persistant?
- Quelles sont sa hauteur et sa largeur maximales?
- Est-ce que la terre est mouillée ou sèche?
- Quel rôle joue-t-elle dans son environnement?
À la prochaine période de classe, demandez aux élèves de partager les résultats de leurs recherches sur les plantes indigènes. Écrivez au tableau le nom commun et le nom scientifique de chacune des espèces. Si vous avez le temps, montrez des exemples à l’ordinateur ou distribuez une liste recensant les plantes indigènes locales. Demandez aux élèves de cocher sur la liste le nom des plantes écrites au tableau. En ont-ils trouvé beaucoup? Ont-ils été surpris de constater l’abondance de plantes indigènes dans la région?
Vous ou un architecte paysagiste local pouvez apporter des échantillons de plantes indigènes et les montrer aux élèves. Si vous avez le temps, abordez les différentes caractéristiques d’adaptation de ces plantes.
Ensuite, expliquez aux élèves qu’ils auront l’occasion de concevoir un environnement composé de plantes indigènes. Ils doivent s’imaginer que la Ville leur demande de créer un parc, une aire de lecture extérieure pour la bibliothèque locale, un lieu de rassemblement communautaire, etc. La Ville veut que l’espace soit accueillant et informel, qu’il nécessite peu d’entretien et d’arrosage.
Demandez aux élèves d’illustrer au moins sept espèces de plantes différentes dans leur dessin. Vous pouvez ajouter certaines conditions (soleil, ombre, petites ou grandes plantes, arbres, autres caractéristiques d’aménagement, etc.) et des critères d’identification (dimensions, noms des plantes, etc.). Les élèves peuvent examiner de plus près les plantes apportées en classe lorsqu’ils réalisent leur dessin, mais rappelez-leur qu’ils doivent les toucher avec précaution.
Donnez-leur le reste de la période pour faire leur dessin; ils peuvent le terminer à la maison si nécessaire. Déplacez-vous dans la classe pendant qu’ils dessinent et répondez à leurs questions, formulez des suggestions, félicitez-les, etc. Pour conclure, demandez aux élèves de partager leurs idées d’aménagement de plantes indigènes. Quel type de lieu ont-ils décidé de concevoir (un parc, un endroit à côté d’un trottoir, un lieu de rassemblement communautaire, etc.)? Quels facteurs ont-ils pris en considération? Quelles plantes indigènes ont-ils choisies et pourquoi? Comment ces plantes influenceront-elles la collectivité, la faune, etc.?
Ressources sur l’architecture de paysage
Écoapprentis est un programme de l’organisme Jour de la Terre Canada qui offre des ressources et des activités pédagogiques gratuites en lien avec l’environnement aux écoles primaires de partout au pays. Vous pouvez accéder au contenu à l’adresse suivante : https://ecokids.ca/passez-a-l-action/.
La section « Le coin de Rafale » du site Web du ministère québécois de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques propose également du matériel éducatif qui favorise l’apprentissage de différentes notions environnementales dans un contexte ludique. Vous pouvez accéder à ce contenu à l’adresse suivante : www.mddelcc.gouv.qc.ca/jeunesse/sections-personnages/presentation-Rafale.htm. On y trouve également une chronique qui décrit les toits verts : http://www.environnement.gouv.qc.ca/jeunesse/sais_tu_que/2005/0511-toitsverts.htm.
L’Association des architectes paysagistes du Canada (AAPC) possède sa propre section « Ressources » à l’adresse suivante : www.aapc-csla.ca/career-resources/carriere-ressources-0.
Le site Internet de l’Association des architectes paysagistes du Québec (AAPQ) est accessible à l’adresse suivante : www.aapq.org.
Deux associations européennes portent un regard sur la profession d’architecte paysagiste, soit la Fédération française du paysage (www.f-f-p.org/fr/) et l’Association belge des architectes de jardins et des architectes paysagistes (www.abajp.be/fr/accueil/).
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