Les écodétectives

Par Jennifer Yurky, Ryan Carpenter, Bruce Martin, Natalie Kruse et Andy Szolosi
Traduit par Alexandre Aubert
Nous avons tous une vision de ce que devrait être l’apprentissage expérientiel. Pour nous, pédagogues, tous les moyens sont bons pour garder nos élèves intéressés dans leur apprentissage. On imagine des enfants pressés de terminer une activité parce qu’ils ne peuvent contenir leur excitation ou des parents désireux de partager de l’information sur l’apprentissage expérientiel avec d’autres parents, les invitant à faire vivre l’expérience à leurs propres enfants. Cette vision comprend également des animateurs qui travaillent seul à seul avec les élèves afin de favoriser l’apprentissage individualisé. Pour les employés et les bénévoles du Parc national historique de Sitka, cette vision s’est concrétisée grâce à un programme créé à l’automne 2016.
Comme pédagogues en environnement, nous cherchons toujours à ce que les élèves améliorent leurs compétences, acquièrent de nouvelles connaissances et développent des rapports émotionnels avec des éléments de leur environnement. Tout cela est plus facile à faire lorsque le plaisir est de la partie. La série d’activités des écodétectives, développée au Parc national historique de Sitka dans l’esprit d’apprentissage expérientiel des jeunes, répond aux objectifs de croissance et de développement des connaissances tout en proposant une expérience en nature agréable.
Dans notre cas, ce programme d’activités s’est tenu sur trois jours à l’automne 2016. Les jeunes sont arrivés au Parc avec pour objectif de résoudre une série de mystères, dont L’œuf égaré, Où est passée la nourriture? et L’intrus en mer. Grâce aux taux de rétention et de participation des élèves et à la sollicitation d’autres organisations pour créer des programmes similaires, la série d’activités des écodétectives a été couronnée de succès. Nous avons trouvé l’inspiration pour notre programme dans une série d’activités, appelée Critter Capers, mise de l’avant par les parcs régionaux de Metro Vancouver. Nous espérons que notre programme pourra vous servir de source d’inspiration dans la création de votre propre série d’activités, d’expériences de découverte ou d’occasions d’apprentissage expérientiel. Cet article présente les étapes nécessaires à l’élaboration et à l’implantation d’un tel programme et des idées pour que vous puissiez mettre sur pied le vôtre.
Quels sont les bienfaits de l’apprentissage expérientiel?
L’éducation expérientielle permet de promouvoir l’apprentissage environnemental et de créer une occasion éducationnelle aussi bien que sociale. Cette méthode est caractérisée par une approche pragmatique qui exige une participation active. Cette approche intègre les objectifs d’apprentissage traditionnels d’acquisition de connaissances et de développement des compétences. Toutefois, elle s’écarte de l’apprentissage typique en classe avec l’intégration de composantes académiques et sociales explicites ainsi que l’application pratique de nouvelles connaissances. En choisissant de faire du programme Écodétectives une occasion d’apprentissage véritablement expérientielle, nous avons plusieurs souhaits : que les participants vivent une expérience personnelle et unique et, qu’à la fin du programme, ils bénéficient d’un éventail diversifié de connaissances et d’une conscience sociale de la faune locale.
La naissance d’Écodétectives
Le programme est né du désir d’une nouvelle occasion d’apprentissage expérientiel pour les jeunes de 5 à 12 ans de la région. Nous l’avons élaboré pour que les jeunes profitent de l’environnement offert par le Parc, qu’ils apprennent quelque chose de nouveau et qu’ils en redemandent.
Avec ces buts en tête, nous avons défini trois objectifs principaux afin d’intégrer différents niveaux d’apprentissage :
- Les participants définissent des caractéristiques de la faune environnante.
- Ils analysent ces caractéristiques grâce à des expériences de découverte multisensorielles.
- Ils comparent des éléments de ces caractéristiques afin d’en tirer des conclusions.
Déroulement du programme d’activités
Cette série d’activités comprend trois mystères à étudier pendant trois jours distincts durant l’automne. Chaque activité commence par une histoire qui présente aux participants le mystère à résoudre en aidant Beth l’ourse brune, l’investigatrice en chef. Ils doivent tirer une conclusion avec les faits et les indices amassés tout au long de l’activité.
À leur arrivée au Parc, les participants s’inscrivent au quartier général des détectives et reçoivent un guide qui présente les règles à suivre, le scénario, la liste des personnages à interroger, la carte de l’emplacement des stations et la description des activités à chaque station. Ils peuvent également inscrire leurs prédictions dans un espace prévu à cet effet. À chaque station, les participants reçoivent de nouvelles informations concernant l’enquête. Ils réalisent ensuite une activité en lien avec ces nouvelles informations afin d’identifier un suspect. Les participants doivent également inscrire des notes dans leur guide et le faire tamponner par un animateur, preuve de la réalisation de l’activité.
Une fois qu’un participant a fait le tour des quatre stations, il doit retourner au quartier général des détectives, montrer son guide à l’animateur et identifier un présumé coupable. Si le mystère est résolu et que la réponse est correcte, il obtient un macaron propre à l’enquête réalisée. Ce macaron, que les participants créent eux-mêmes grâce à la machine à macarons, récompense leur réussite.
Structure de l’animation
L’uniformité de l’animation à chaque station et dans chaque activité permet aux participants de renforcer leurs compétences au fur et à mesure qu’ils progressent. C’est pour cette raison que la structure de l’animation doit être semblable à chaque station. En premier lieu, les participants arrivent à la station et lisent l’indice affiché. Ils réalisent ensuite l’activité individuellement ou en petits groupes, selon le nombre de participants à chaque station. Lorsque l’activité est terminée, l’animateur entame une courte discussion avec les jeunes sur le déroulement et revoit brièvement les principaux points de l’activité. Cette dernière étape est cruciale dans l’apprentissage expérientiel, car elle confère une individualité à l’expérience de chacun. Finalement, une fois la discussion terminée, l’animateur tamponne le guide de chaque participant.
Nous vous suggérons de concevoir les stations de telle manière qu’il n’est pas nécessaire de les visiter dans un ordre établi. Selon le nombre de participants pour chaque activité, demandez que les stations soient visitées aléatoirement ou déterminez un ordre précis. De cette manière, vous arriverez à contrôler l’affluence des participants et vous éviterez qu’une station soit trop achalandée.
Description des activités
Le programme est constitué de douze stations d’activités, soit trois cas à résoudre et quatre stations à visiter par cas. Un plan des activités a été développé pour chacune des douze stations. Vous trouverez un exemple de plan à la fin de cet article. Nous présentons également un résumé de chaque cas et donnons quelques directives à suivre pour nos stations d’activité préférées. Soyez à l’aise d’emprunter ces activités et de les adapter à votre propre réalité.
L’œuf égaré
Beth l’ourse brune se promène le long du sentier Totem dans le Parc national historique de Sitka (à remplacer par le nom d’un sentier de votre parc local) et trébuche sur un œuf près du sentier. Puisqu’il n’y a personne dans les environs, Beth l’ourse brune décide de mener son enquête afin que l’œuf retrouve sa mère oiseau.
- Les chants d’oiseaux
Les participants écoutent l’enregistrement du chant des cinq oiseaux visés par l’enquête. Ils comparent ces chants à celui qui a été enregistré lors de la découverte de l’œuf. Les participants sont capables d’identifier à quel oiseau appartient l’œuf une fois qu’ils ont trouvé le chant manquant.
Où est passée la nourriture?
Beth l’ourse brune rencontre Camil le campagnol au quartier général des détectives. Il est venu signaler un crime : sa nourriture a été volée. À l’automne, le campagnol ramasse de la nourriture et l’entrepose dans son nid. Il semblerait que quelqu’un se soit introduit dans la cachette de Camil et qu’il ait mangé une partie de sa nourriture. Un méfait a été commis : Beth l’ourse brune a besoin de votre aide pour trouver le coupable.
- Les images de jour et de nuit
D’après la conversation entre Beth l’ourse brune et Camil le campagnol, la nourriture a été volée pendant la nuit. Les participants ont à leur disposition des images montrant la scène de crime. Seuls les animaux actifs durant le jour apparaissent dans l’image de jour et les animaux actifs la nuit apparaissent dans l’image de nuit. En fonction du moment de la journée où le méfait a été commis, les participants sont en mesure d’identifier un suspect.
L’intrus en mer
Beth l’ourse brune profite d’une belle journée à observer la flore et la faune marine locale lors d’une croisière. Elle est capable d’identifier la plupart des animaux qu’elle aperçoit, mais n’arrive pas à identifier un animal qu’elle a vu à plusieurs reprises durant la journée. Elle a besoin de votre aide pour trouver quel type de mammifère marin elle a vu lors de la croisière.
- Les fiches descriptives
Les participants reçoivent des fiches descriptives de différents mammifères marins. Ils les lisent, dans un premier temps, et comparent ensuite les animaux de leurs fiches à ceux qu’a vus Beth l’ourse brune grâce à un tableau qui présente le profil de divers mammifères marins repérés lors de la croisière. Si le profil d’un animal ne correspond pas à l’un des personnages du tableau, ils l’éliminent de la liste de ceux que Beth aurait pu apercevoir.
Mise en application
Implanter un tel programme d’activités exige un degré élevé de planification et de logistique. La structure actuelle du programme nécessite beaucoup d’animation, donc un grand besoin de personnel : vous aurez besoin d’au moins cinq bénévoles. Si ce n’est pas possible, il existe plusieurs façons créatives de parer à ce problème. Vous pouvez faire en sorte, par exemple, que les stations soient indépendantes les unes des autres. De cette manière, vous n’aurez pas besoin d’un animateur à chaque station, ce qui réduira considérablement le nombre de bénévoles nécessaires.
En plus du besoin en personnel, le synchronisme et la préparation font partie des contraintes logistiques avec lesquelles vous devrez composer. Avant la mise en application du programme, vous devrez organiser le déroulement des activités, obtenir le matériel nécessaire et finaliser la mise en place. Cette procédure vous permettra de gagner du temps lors du montage et facilitera l’entreposage du matériel, que vous pourrez réutiliser au même endroit. Bien que l’organisation et la préparation puissent s’avérer fastidieuses, préconiser cette méthode de travail vous assurera un déroulement sans faille lors de l’arrivée des participants.
Partenaires communautaires
Nous avons mentionné précédemment que ce programme d’activités nécessite l’implication de bénévoles afin d’assurer son succès. En effet, Écodétectives n’aurait jamais vu le jour sans l’aide précieuse de partenaires de notre collectivité, tels que le Sitka Sound Science Center, la Société de conservation de Sitka et les Girl Scouts of Alaska. Si vous décidez d’implanter un programme similaire, n’hésitez pas à faire appel à des bénévoles de votre collectivité. Vous pourrez déterminer le profil des candidats que vous recherchez grâce aux partenariats existants ou à une recherche sur Internet visant à mieux connaître les organismes de votre région.
Mot de la fin
Beaucoup de temps et d’efforts sont nécessaires au développement d’une expérience pratique captivante pour les élèves. Voici quelques conseils qui vous aideront dans votre planification :
- La collaboration est primordiale. Elle ne se limite pas seulement à travailler de pair avec votre collectivité, mais aussi avec vos collègues. Le soutien fourni par les membres de votre collectivité facilitera l’implantation du programme et appuiera vos efforts de promotion. Tout au long du processus de planification, la collaboration parmi les bénévoles dans les activités de remue-méninges et de pensée créative sera cruciale.
- La patience est la clé du succès : ce programme n’a pas été créé en une nuit. Plusieurs embûches ont parsemé notre chemin. C’est dans ces moments que la patience et le dévouement à la réussite du programme nous ont permis d’atteindre l’étape de mise en application.
- Ne réinventez pas la roue! C’est cliché, mais c’est vrai. La série d’activités mise de l’avant par les Parcs régionaux de Metro Vancouver a été notre source d’inspiration pour le développement de notre programme et de quelques stations d’activités. Servez-vous de nos idées et laissez-vous inspirer par notre programme.
- Ayez du plaisir! Il est fréquent de s’empêtrer dans des processus logistiques quand il est question de ce type d’activités d’apprentissage. N’oubliez pas d’avoir du plaisir lors du processus de conception créative et avec les participants lors des journées d’activités.
L’apprentissage expérientiel sert de point de départ pour créer une expérience captivante pour les élèves, qui pourront en apprendre plus sur l’environnement. Pour nous, la série d’activités basées sur le mystère proposé par Écodétectives a permis de faciliter l’apprentissage des participants. Nous espérons que vous adopterez nos idées et que vous trouverez l’inspiration nécessaire à la création de votre propre programme.

Station no 1 : les empreintes
Objectif : les participants doivent identifier les empreintes des animaux.
Matériel : une affiche pour écrire l’indice, un timbre et un tampon encreur, une table, des moules d’empreinte, un ruban jaune d’avertissement, une bâche (sur laquelle apparaissent les empreintes), une feuille-réponse, un chevalet, du ruban adhésif, quatre tuteurs de jardin et quatre piquets
Personnages : Eddie l’hermine, Mathieu la martre, Sarah la souris, Édouard l’écureuil et Malcom la musaraigne
Lieu : près du quartier général des détectives (à environ 15 ou 25 m) dans un grand espace vert
Montage : Installez une table; au bout de celle-ci, placez le chevalet sur lequel a été collée l’affiche de la station. Dispersez les moules sur la table et étendez la bâche au sol à proximité. Assurez-vous que la bâche avec les empreintes soit du bon côté. Elle doit être maintenue au sol avec les piquets. Utilisez les tuteurs de jardin à chaque coin pour attacher le ruban d’avertissement.
Mise en situation : Beth l’ourse brune a mis en place un ruban d’avertissement autour de l’endroit où Camil le campagnol avait planifié de manger sa collation. C’est à ce moment qu’elle a remarqué les empreintes du voleur. Il faut suivre chaque série d’empreintes et les attribuer à chaque suspect afin d’éliminer ceux qui n’étaient pas sur la scène de crime.
Déroulement :
- Les participants lisent la mise en situation.
- Ils réalisent l’activité seuls ou en petits groupes, selon le nombre de participants présents à la station.
- Les participants suivent chaque série d’empreintes laissées par les animaux afin de savoir qui était présent sur la scène de crime (encerclée par une ligne pointillée sur la bâche).
- Ils utilisent les moules d’empreintes pour identifier quelles traces correspondent aux suspects qui n’étaient pas sur la scène de crime.
- Ils écartent les personnages dont les traces ne traversent pas la scène de crime.
- Les participants font correspondre l’image de l’empreinte au bon personnage dans leur guide.
- Les jeunes participent à une courte discussion (1 ou 2 minutes) et revoient quelques points principaux de l’activité. Examinez les moules d’empreintes restants et trouvez à quels personnages ils appartiennent. Reportez-vous à la feuille de référence.
- L’animateur tamponne le guide de tous les participants. Ils doivent avoir fait correspondre l’image de l’empreinte au bon personnage et avoir participé à la séance de discussion.
Réponse :
Mathieu la martre est écarté de la liste des suspects à cette station, car ses empreintes n’apparaissent pas sur la scène de crime.
A – Hermine
B – Écureuil
C – Musaraigne
D – Souris
E – Martre
Feuille de référence pour l’identification des animaux
Beaucoup d’éléments, autres que les empreintes, peuvent vous aider à identifier les animaux. Plusieurs de ces éléments requièrent une certaine connaissance sur les animaux. Un journal de bord peut également être utile afin de consigner toute information pertinente et faciliter le processus d’identification.
Les empreintes : Lorsque vous regardez les empreintes, soyez attentif aux détails. De quelle grosseur sont-elles? Combien d’orteils possède l’animal? Quelle est la profondeur des empreintes? Y a-t-il des marques de griffes ou de coussinets? Ce type de questions peut vous aider à identifier un animal.
Les plumes : On trouve souvent des traces de plumes, surtout dans la neige. Il peut s’agir de traînées suivant les empreintes ou des traces complètes d’aile d’un oiseau partant en piqué vers le sol. Ces indices témoignent de certains comportements spécifiques, ce qui vous aidera à identifier l’oiseau qui a quitté la piste.
La démarche : La démarche est un trait caractéristique du mouvement. Les empreintes suivent-elles une ligne droite ou en zigzag? Quelle est la distance entre chaque piste? L’animal a-t-il marché ou couru? Le type de démarche peut aider à identifier l’animal qui a laissé les traces.
Les excréments : Les excréments sont des déjections laissées par les animaux. Plusieurs caractéristiques différencient les excréments des animaux et permettent de les identifier.
Le broutement : Les marques de broutement sur des bâtonnets et des brindilles peuvent également aider à identifier l’animal en question. L’emplacement et le type de rainure sont généralement caractéristiques d’animaux solitaires.
Référence
Elbroch, Mike. Guide d’identification. Traces d’animaux du Québec. 2008. Broquet.
Jennifer Yurky est récemment diplômée de l’Université de l’Ohio. Elle possède une maîtrise en sciences de l’environnement et en intervention en plein air. Elle a travaillé à la création de la série d’activités Écodétectives lors de son mémoire de maîtrise.
Ryan Carpenter est garde forestier au Parc national historique de Sitka en Alaska. Il s’est impliqué dans le développement et la mise en application du programme Écodétectives.
Bruce Martin, Natalie Kruse et Andy Szolosi sont tous professeurs à l’Université de l’Ohio à Athens, en Ohio. Cet article est le fruit de la collaboration entre les cinq personnes susmentionnées et a pour but de partager le projet des Écodétectives avec d’autres éducateurs.
Alexandre Aubert est diplômé au baccalauréat en traduction professionnelle de l’Université de Sherbrooke.
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