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Les sciences et la nature : une combinaison gagnante

Par Julieta de los Santos, Man-Wai Chu et Marie-Claire Shanahan

Traduit par Alexandre Aubert

Pourquoi les élèves de 14 à 17 ans ont-ils moins de sorties en nature que les plus jeunes? Certains enseignants expliquent ce fait par un manque de ressources; d’autres font état de la matière considérable à couvrir dans chaque cours, à tel point qu’il reste peu ou pas de temps pour amener les élèves à l’extérieur. Malgré les obstacles, de nombreux avantages résultent de l’intégration de la nature à l’apprentissage en classe dans l’enseignement aux adolescents. L’environnement extérieur favorise l’apprentissage pluridisciplinaire, ce qui permet aux élèves d’établir des liens, d’élargir leurs compétences sur différents sujets et de renouveler leur enthousiasme. Grâce aux activités extérieures, les élèves apprennent à mieux connaître leurs camarades de classe et leur enseignant, si bien qu’ils améliorent leurs compétences interpersonnelles. 

Afin de mieux comprendre comment l’apprentissage en plein air est utilisé dans les écoles secondaires, nous avons parlé à cinq personnes enseignant les sciences aux élèves du secondaire en Alberta, au Canada, qui profitent souvent de la nature pour stimuler les élèves. Ils ont été sélectionnés en raison de la façon dont ils mettent à profit le plein air et nous leur avons trouvé certains points en commun. Pour ces enseignants, le plein air est considéré comme un milieu éducatif où les élèves peuvent mettre en pratique leurs connaissances et développer une vision scientifique afin de comprendre le monde au-delà de l’école. Les résultats sont encourageants : les enseignants sentent que la dynamique de classe est nettement meilleure au retour d’une activité extérieure. Par exemple, les élèves s’entraident au lieu de rivaliser entre eux. De ce fait, le climat s’améliore et la salle de classe évolue en une communauté d’apprentissage plutôt qu’en un groupe composé d’apprenants individuels. De plus, chacun de ces enseignants utilise le plein air comme complément aux périodes d’enseignement en classe, sans nécessairement les remplacer ou les déplacer.   

Dans le but d’outiller d’autres éducateurs du secondaire, nous avons demandé à des enseignants en sciences de partager les activités extérieures qu’ils trouvent particulièrement efficaces. Dans ce qui suit, nous donnons une brève description du déroulement des activités, considérant que chacun a sa propre manière d’enseigner et que ces activités ne seront pas toutes réalisées de la même façon. Ces exemples ne sont pas des instructions précises sur leur réalisation, mais servent plutôt de point de référence. Ces idées peuvent être donc adaptées par tout enseignant inspiré qui lira cet article.   

Comparer différents écosystèmes grâce aux échantillons d’eau

Les élèves sont amenés à la station de recherche biologique de Meanook à Athabasca, en Alberta, où des professionnels les guident dans la collecte d’échantillons d’eau et l’utilisation d’équipement. Par exemple, les élèves suivent la méthode de Winkler pour mesurer et comparer les différentes quantités d’oxygène dissous. Ils ont également recours à de l’équipement professionnel pour mesurer la présence de chlorophylle dans plusieurs lacs. Les élèves adorent utiliser ce type d’équipement. Les enseignants qui n’ont pas accès à une station de recherche biologique pourraient utiliser l’équipement de l’école et faire des tests sur deux plans d’eau différents ou à deux endroits différents sur un même plan d’eau, comme un ruisseau. Cette recherche peut être modulée selon certains facteurs saisonniers. À l’hiver, vous pouvez demander aux élèves de recueillir des échantillons en forant la surface glacée des lacs. Ils doivent ensuite rapporter ces échantillons d’eau en classe où ils pourront les analyser et les comparer. Cette activité démontre que ce ne sont pas tous les êtres vivants qui hibernent durant cette période. En effet, les élèves sont surpris de trouver des signes de vie, même en hiver. Lors des saisons plus chaudes, les élèves collectent des échantillons d’eau dans des lacs à différents degrés d’activité humaine (c’est-à-dire un lac vierge avec peu d’activité humaine par rapport à un lac avec beaucoup d’activité). Ils pourront comparer les différents niveaux d’oxygène dissous et de chlorophylle et déterminer le genre et la quantité de bactéries, de micro-organismes et de plantes, ainsi que les autres caractéristiques de l’écosystème. 

Recueillir des preuves photographiques de succession écologique

Commencez cette activité en demandant aux élèves d’imaginer à quoi ressemblerait leur ville si les humains disparaissaient pendant une centaine d’années. Ensuite, sortez afin de trouver des preuves pour appuyer leurs hypothèses. Par exemple, certaines plantes opportunistes poussent dans des fissures inhabituelles et de la mousse couvre parfois les murs et autres structures. L’objectif de cette activité vise à faire découvrir les processus de succession aux élèves grâce à des observations précises de leur environnement. Cette activité peut être réalisée de deux manières : en groupe, à l’aide d’un ensemble d’appareils photo pour la classe (des téléphones intelligents ou des iPads peuvent également être utilisés); ou individuellement (les élèves apportent des preuves photographiques de leur exploration en solo en dehors des heures de classe). La personne qui nous a décrit cette activité a été surprise de constater les découvertes de ses élèves. Par exemple, de mauvaises herbes qui se propagent sur le côté d’un bâtiment ou un petit arbre qui pousse sur le toit d’une remise derrière l’école. 

Comprendre le rôle de l’environnement dans la sélection naturelle

Éparpillez un paquet de cure-dents colorés (verts, bleus, jaunes et rouges) dans la cour de l’école – n’oubliez pas de compter les cure-dents avant de les éparpiller, car leur nombre peut varier selon l’emballage acheté. Commencez l’activité en montrant aux élèves des images de différents animaux considérés comme des proies. Dites-leur qu’ils sont les prédateurs et qu’ils doivent aller à l’extérieur, à la recherche de leurs proies (les cure-dents colorés). Les élèves auront un temps limité (environ trois ou cinq minutes) pour trouver le plus possible de proies, en groupe ou individuellement. Au retour en classe, ils calculent le nombre de proies qu’ils ont trouvé, seuls ou en équipe, et les résultats sont mis en commun. Pour favoriser la discussion, demandez-leur pourquoi ils ont trouvé la plupart des cure-dents jaunes et rouges, mais peu de bleus et de verts. Cette question mènera à un échange sur la sélection naturelle en faveur du camouflage, expliqué par la métaphore des cure-dents verts sur un fond vert (gazon). 

Étudier les rivières

Les élèves ont la chance de naviguer sur une rivière grâce à RiverWatch, un organisme à but non lucratif d’Alberta qui organise des activités scientifiques dans des environnements aquatiques. Les enseignants d’autres villes peuvent trouver un organisme similaire dans leur région. Sinon, cette activité peut être remplacée par une collecte d’échantillons à différents endroits le long d’une rivière et par la réalisation des mêmes types de tests. Avec RiverWatch, les élèves naviguent en amont d’une station d’épuration des eaux usées dans le but de tester divers indicateurs de la qualité de l’eau. Puis, ils font une visite à l’intérieur de la station d’épuration. Ils naviguent ensuite en aval afin d’effectuer d’autres tests. Au retour en classe, les élèves analysent les échantillons prélevés de la façon suivante : identification et interprétation des données relatives aux invertébrés (effets de la pollution, tolérance à la pollution), détermination des facteurs biotiques et abiotiques responsables de l’augmentation ou de la diminution de l’oxygène dissous et évaluation de la santé de l’écosystème d’une rivière selon les quantités d’oxygène dissous, les niveaux de pH et la concentration d’azote ammoniacal. Pendant l’excursion, les élèves sont fébriles à l’idée de faire du rafting à différents endroits sur la rivière. 

Même si les activités décrites ci-dessus sont sensiblement structurées, un des enseignants avec qui nous avons parlé croit que le plein air est l’environnement idéal pour stimuler la curiosité naturelle des élèves. Pour lui, il est primordial de laisser les élèves en faire l’expérience de manière spontanée, c’est-à-dire sans devoir réaliser un compte rendu en bonne et due forme ou des exercices.   

Sur la piste des fossiles, témoins de l’évolution

Lors d’une sortie scolaire, les élèves font la visite du musée Royal Tyrell (un musée de paléontologie exposant des fossiles de dinosaures) à Drumheller, en Alberta, et explorent les formations rocheuses sédimentaires dans la région des Badlands. Les enseignants d’ailleurs peuvent trouver des musées semblables dans leur région. Vous pouvez aussi contacter le département de paléontologie (ou un département semblable) de l’université de votre région ou d’une institution scientifique qui pourrait fournir des échantillons de fossiles à présenter aux élèves. La présentation chronologique des fossiles, du Précambrien au Cénozoïque, fournit des repères de l’évolution aux élèves. Une exploration visuelle des strates sédimentaires des Badlands s’ensuit. À la fin, les élèves démontrent une meilleure compréhension de l’enchaînement chronologique. Ils étaient impatients de faire cette sortie et, dans les jours suivants, ils en ont parlé à leurs camarades et ont partagé des photos et des histoires sur les réseaux sociaux. 

Même si les cinq idées d’activités proposées précédemment mettent l’accent sur la biologie, les enseignants d’autres sciences peuvent également incorporer le plein air dans leur enseignement. Par exemple, une enseignante de physique nous a rapporté qu’elle est toujours à la recherche d’activités intéressantes en complément de ses cours en classe. 

Observer le ciel de nuit

Lors d’une sortie scolaire, les élèves visitent l’Observatoire d’astrophysique Rothney, une station appartenant à l’Université de Calgary et située à Priddis, dans les contreforts des Rocheuses en Alberta. Les observatoires de votre région peuvent offrir plusieurs types d’activités; sinon, considérez l’option d’installer vos propres télescopes. Les clubs locaux d’astronomie proposent généralement des séances d’observation nocturnes pour les élèves. Pendant la visite, des professeurs et des étudiants de cycles supérieurs décrivent l’architecture et l’environnement de l’observatoire, effectuent des démonstrations et répondent aux questions. Les élèves sont souvent surpris d’apprendre que l’observatoire est composé d’un seul télescope géant et de beaucoup d’espace vide, nécessaire à la rotation du télescope. Les scientifiques leur montrent des images récentes de corps célestes et d’étoiles, ce qui permet d’entamer une discussion sur les différents phénomènes apparaissant dans le ciel nocturne. Autre remarque intéressante : les élèves constatent le peu d’éclairage dans le bâtiment. Les routes menant à l’observatoire ne sont pas éclairées afin d’éliminer toute pollution lumineuse pouvant nuire à l’observation nocturne du ciel. Les conditions sont donc parfaites pour regarder les étoiles à travers les petits télescopes dans les champs des alentours. Les élèves ont ensuite la chance de se familiariser avec différents types d’équipement, comme les miroirs paraboliques constituant le mirascope. Ils placent des pièces de monnaie au milieu du miroir inférieur et tentent de découvrir pourquoi elles semblent apparaître sur le dessus du mirascope. 

Après cette sortie, demandez aux élèves de faire appel aux concepts vus en classe afin de les aider à comprendre les phénomènes explorés à l’observatoire. Par exemple, étudiez le principe de réflexion des miroirs concaves, responsable de l’effet créé lors de l’activité avec les pièces de monnaie. Les élèves peuvent également résoudre des problèmes mathématiques pertinents, comme le calcul de l’angle de réflexion et de réfraction ainsi que les indices de réfraction de divers équipements. Puisque la sortie scolaire a eu lieu en début d’année, les élèves peuvent se baser sur leur expérience à l’observatoire pour apprendre d’autres concepts et ainsi faire des liens avec ce qui leur est enseigné ensuite. Durant leur visite, les élèves se sont aussi intéressés au métier d’astrophysicien et à son rôle ainsi qu’aux études nécessaires à cette profession. 

La plupart des enseignants cités précédemment ont tenté d’établir des liens clairs entre leur matière et les sorties scolaires afin pour profiter pleinement du temps d’enseignement. L’activité suivante diffère de cet objectif. 

Relaxer en nature 

Amenez les élèves à l’extérieur et demandez-leur de trouver chacun un arbre. Ils n’ont droit à aucun appareil électronique. Informez-les que, selon des recherches, s’asseoir sous un arbre fait diminuer le rythme cardiaque et favorise la relaxation. Dites-leur qu’ils resteront assis, en silence, pendant 10 minutes avant de retourner en classe. Au retour, l’enseignant qui nous a décrit cette activité a constaté que ses élèves étaient plus calmes et prêts à travailler; c’est pourquoi il l’a intégrée à son programme d’enseignement hebdomadaire. Certains élèves lui ont même mentionné avoir utilisé cette technique à la maison lorsqu’ils étudient ou ressentent du stress. 


Julieta de los Santos est candidate au doctorat au Département de l’enseignement secondaire à l’Université d’Alberta, à Edmonton. Ses travaux de recherche portent sur les façons et les raisons pour lesquelles les enseignants de biologie au secondaire incorporent le plein air dans leur enseignement. 

Man-Wai Chu est professeure adjointe à la Werklund School of Education à l’Université de Calgary, en Alberta. Ses travaux de recherche portent sur l’utilisation d’évaluations numériques interactives auprès des élèves pour mesurer les compétences axées sur le rendement en classe et dans des tests standardisés. 

Marie-Claire Shanahan est professeure associée d’enseignement des sciences à la Werklund School of Education. Elle étudie l’implication des personnes de tous âges dans les activités scientifiques et leur rôle au sein de ces communautés 

Alexandre Aubert est diplômé au baccalauréat en traduction professionnelle de l’Université de Sherbrooke. 

Notes

[i] Davidson, L. (2001). Qualitative research and making meaning from adventure: A case study of boys’ experiences of outdoor education at school. Journal of Adventure Education and Outdoor Learning. 1(2), 11-20.

Foster, A., & Linney, G. (2007). Reconnecting children through outdoor education: A research summary. Toronto: The Council of Outdoor Educators of Ontario.

Louv, R. (2005). Last child in the woods: Saving our children from nature-deficit disorder. Chapel Hill, NC: Algonquin Books of Chapel Hill.

ii Schon, J. A., Eitel, K. B., Bingaman, D., Miller, B. G., & Rittenburg, R. A. (2014). Big Project, Small.

iii The RiverWatch Institute of Alberta. (2016). How to Monitor. Retrieved from http://www.riverwatch.ab.ca/science/how-to-monitor

iv Walsh, L., & Straits, W. (2014). Creating a quality partnership with informal science institutions.

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