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Les vecteurs de propagation des espèces envahissantes

Par Sue Staniforth

Traduit par Marjolaine Charron

L’UN DES PLUS GRANDS problèmes liés aux espèces envahissantes est leur capacité redoutable à se reproduire et à se propager rapidement d’un endroit à un autre. Les plantes envahissantes se reproduisent de diverses manières : des graines et des stolons hors de la terre, des rhizomes sous la terre et des boutures aptes à l’enracinement. Un seul plant d’œillet d’amour, très prisé par les fleuristes pour les arrangements floraux, peut produire plus de 10 000 graines. Lorsque la tige se casse près du sol, ses graines se répartissent sur une longue distance en virevoltant. Bien souvent, elles peuvent demeurer viables pendant des années, voire des décennies; la coquille dure des graines de l’ajonc d’Europe, par exemple, lui permet de survivre dans le sol de 25 à 40 ans.

Les espèces envahissantes voyagent encore plus loin grâce à l’eau, au vent, aux humains, aux animaux domestiques, aux véhicules, à la terre, au gravier et aux équipements. Plusieurs de ces intrus se propagent à cause des humains et de leurs activités : les industries forestières et minières, les promenades en bateau, le camping, le jardinage ou l’horticulture. Des espèces animales envahissantes comme la moule zébrée, laquelle provient d’Europe et s’est établie dans les Grands Lacs, peuvent produire jusqu’à 1 million d’œufs par année. Les œufs et les larves minuscules peuvent facilement être transportés de lac en lac par l’eau au fond des bateaux.

Les plantes terrestres sont adaptées pour disperser leurs graines vers d’autres endroits de nombreuses manières. Les graines légères et pelucheuses s’envolent au vent sur de longues distances; les plates virevoltent sur de courtes distances, puis flottent le long de rivières ou d’une rive à l’autre d’un lac. Les graines rugueuses, quant à elles, possèdent de petits crochets qui s’accrochent à la peau, à la fourrure, aux plumes et aux vêtements. Une fois accrochées, elles peuvent parcourir de nombreux kilomètres avant de finalement se poser au sol.

Les étendues d’eau telles que les lacs et les rivières permettent aux plantes et aux animaux aquatiques de se déplacer facilement et de s’installer dans les habitats qui leur sont appropriés. Ces plantes et ces animaux peuvent parfois s’adapter afin de survivre hors de l’eau pour de courtes périodes, ce qui leur permet de voyager sur nos jouets, nos véhicules, nos équipements, nos vêtements et nos animaux d’élevage ou domestiques. Les plantes et les animaux envahissants peuvent ainsi être propagés par erreur. Un petit bout de plante suffit parfois à coloniser un nouvel endroit. Certains animaux, tels que la moule zébrée ou la moule quagga, sont si petits à leur stade larvaire qu’ils peuvent s’avérer difficiles à repérer. Pour éviter de les transporter accidentellement, il faut inspecter et nettoyer véhicules, vêtements et équipements avant de quitter un endroit, en particulier si nous savons l’endroit infesté par une espèce envahissante.

Grâce à l’activité qui suit, les élèves réaliseront plusieurs expériences avec différents accessoires dans une série de stations afin de découvrir les moyens qu’utilisent les espèces envahissantes pour se propager.

Objectifs

  • Prendre connaissance de certaines caractéristiques principales qui rendent les espèces envahissantes, dont leur reproduction prolifique et leurs méthodes de propagation efficaces;
  • Examiner plusieurs vecteurs de propagation grâce à des démonstrations pratiques;
  • Expliquer comment certaines espèces de plantes et d’animaux ont évolué afin de pouvoir se propager, et ce, même par fragments ou cellules;
  • Découvrir comment les graines sont transportées par les véhicules, les animaux et les équipements;
  • Expliquer pourquoi on ne devrait pas relâcher d’animaux, jeter de plantes ou déverser d’eau dans les lacs, les rivières et les milieux humides;
  • Comprendre et appliquer des stratégies et des méthodes visant à prévenir la propagation d’espèces envahissantes.

Niveaux : 2e à 7e année (1re secondaire)

Matières : sciences, sciences humaines et géographie

Formule

Les élèves effectuent une rotation entre les stations et explorent les méthodes de propagation des espèces. Si vos élèves sont jeunes, vous pouvez réduire le nombre de stations ou faire la démonstration de chacune des expériences avant de les laisser les faire eux-mêmes.

Matériel

Station 1 : Les passagers clandestins du monde marin

  • Trois contenants d’eau identifiés « Lac 1 », « Lac 2 » et « Lac 3 »;
  • Un jouet bateau qui peut entrer dans les contenants;
  • Un sac d’aneth (1 c. à thé par groupe d’élèves);
  • Une cuillère à mesurer (1 c. à thé ou 5 ml);
  • Des filtres à café;
  • De l’eau.

Station 2 : Capturer les chardons

  • Un ou deux morceaux de velcro;
  • Une sélection de graines, dont des graines rugueuses (p. ex. chardon bardane ou langue de chien), des graines larges (p. ex. maïs ou pois), des graines petites (p. ex. lin, pavot ou moutarde), des graines avec « parachutes » (p. ex. pissenlit ou asclépiade) et des graines avec des « ailes » (p. ex. hélice d’érable).
  • Des sacs de poubelle en plastique;
  • Des loupes;
  • Trois plaques, sur lesquelles déposer les graines pour les observer;
  • Des bas ou des lacets de chaussure de coton ou de laine;
  • Un animal en peluche;
  • Une plume;
  • Des gants en caoutchouc ou des gants de travail (pour enlever les chardons).

Station 3 : Les graines clandestines – les graines comestibles

  • Des mûres ou des framboises;
  • De petits sacs de plastique;
  • Du coca-cola;
  • Une tasse à mesurer d’un quart de tasse;
  • Des filtres à café;
  • Optionnel : d’autres baies telles que des bleuets ou des fraises.

Station 4 : Les passagers clandestins terrestres

  • De la terre ou de la boue;
  • De petites graines (de pavot ou de moutarde);
  • Un jouet camion avec des pneus à crampons;
  • Un récipient assez grand pour y faire circuler le camion;
  • De grands pans de tissu, d’essuie-tout ou d’espace libre, où faire rouler le camion;
  • Une brosse à dents et un petit contenant d’eau.

Station 5 : Les athlètes du monde aquatique

  • Deux boîtes à œufs en plastique ou en polystyrène;
  • Deux couleurs de colorant alimentaire (rouge et bleu préférablement);
  • Une tasse à mesurer d’une capacité de deux tasses;
  • Une cuillère;
  • De l’eau;
  • Un récipient assez gros pour contenir les boîtes à œufs et le reste du matériel, afin de réduire les chances de déversement;
  • Une serviette.

Déroulement

1. Préparez les stations avant le cours et identifiez-les clairement. Imprimez et plastifiez (si possible) la feuille d’instructions de chacune d’elles. Munissez de serviettes celles où on utilisera de l’eau.

2. Commencez par une séance de remue-méninges. Faites une liste de moyens par lesquels les humains ont introduit des espèces envahissantes dans leur région. Les éléments de cette liste peuvent varier : les plantes jardinières, les bateaux, les équipements récréatifs, les mélanges de graines, l’agriculture, les vêtements, les animaux domestiques, etc. Discutez ensuite des industries susceptibles de déplacer les espèces envahissantes une fois qu’elles sont établies. Encore, plusieurs réponses sont possibles : les industries forestières et minières, la construction des routes et des maisons, les activités récréatives (chasse et pêche, industrie du tourisme).

3. Divisez la classe en cinq groupes et établissez un système de rotation entre les stations, où les groupes pourront mener les expériences. Accordez entre 5 et 10 minutes pour chaque station.

4. Une fois que les élèves auront visité toutes les stations, réunissez la classe pour une discussion rétroactive. Demandez aux élèves de faire l’inventaire des moyens pouvant arrêter la propagation ou l’introduction des plantes et des animaux envahissants dans la région.

Les réponses peuvent aussi varier : faire attention à ce qu’on plante; ne pas planter d’espèces envahissantes, les jeter dans des sites d’enfouissement sanitaire; ne pas couper les fleurs envahissantes, rester sur les sentiers afin de ne pas marcher sur des parcelles de ces plantes; couper ou arracher les plantes envahissantes afin qu’elles ne montent pas en graine; enlever les graines sur les bottes, les lacets, les vêtements et les animaux et les jeter de manière appropriée; laver les équipements récréatifs (dont les bicyclettes, les roues et les pare-chocs des voitures, des camions et des véhicules tout-terrain); laver, drainer et sécher les bateaux; ne jamais jeter l’eau des aquariums et les animaux dans les étangs ou les fossés.

Fonctionnement de chaque station

Station 1 : Les passagers clandestins du monde marin

À cette station, les élèves utilisent un jouet bateau et de l’aneth pour comprendre comment certaines plantes et certains animaux se propagent ou sont dispersés vers d’autres endroits, et ce, même par des fragments ou des cellules. Remplissez les contenants d’eau afin que le jouet flotte, mais sans les faire déborder. Note : il est préférable d’avoir un robinet proche pour laver le jouet et changer l’eau des contenants entre chaque groupe. Munissez également la station d’une serviette.

Option : Demandez aux élèves d’utiliser un filtre à café pour recueillir l’aneth des « Lac 2 » et « Lac 3 », puis de le peser afin de déterminer quelle quantité s’est déplacée.

Station 2 : Les graines à crochets

Les élèves prennent connaissance des manières dont les graines peuvent être transportées en s’accrochant à la fourrure, aux plumes et aux vêtements. Faites en sorte que les élèves essaient différents types de graines afin de déterminer lesquelles s’accrochent et lesquelles ne s’accrochent pas. Les graines plus grosses, comme le maïs, la fève ou le pois, ne s’accrochent à pratiquement aucun matériau. Plusieurs des plus petites ne s’accrochent pas non plus, mais certaines sont si petites qu’elles se coincent dans les tissus, même sans épines.

Option : Les bas épineux!

Chaque élève doit marcher, en portant un grand bas de laine par-dessus son soulier, sur une parcelle de mauvaises herbes pendant 2 ou 3 minutes pour ensuite collecter et compter les graines accrochées à son bas. Chaque élève a besoin d’un grand bas (un vieux bas de la maison fera l’affaire) de même qu’un sac de plastique pour ensacher le bas après utilisation.

Note : Il est important de collecter et de trier les graines à l’intérieur, où elles ne pourront pas se disperser. Les élèves doivent apporter les bas (dans les sacs de plastique) à l’intérieur et en décoller les graines pour les compter. Vous pouvez également décerner des prix pour le plus petit ou le plus grand nombre de graines amassées, la graine la plus grosse, etc. Assurez-vous qu’elles sont toutes emballées dans le sac, puis débarrassez-vous-en soit en les brûlant, soit en les amenant à la décharge afin qu’elles y soient enfouies. Insistez sur l’importance de vérifier bas, vêtements et accessoires après chaque sortie (activité adaptée de Sock Seeds, PBS Education Resources, Living Systems, 2002).

Adaptation/Variante : Faisons pousser de la terre!

Demandez à vos élèves de collecter une ou deux tasses de terre dans un endroit près de l’école, dans un parc ou à la maison. Mettez ensuite cette terre dans un pot et arrosez-la souvent. Laissez-la au soleil. Observez si quelque chose pousse dans cette terre. Est-ce qu’une plante envahissante s’y trouve? Identifiez les plantes qui apparaissent, faites-en la liste et exposez vos pots. Faites bien attention à ce qu’aucune plante envahissante ne monte en graine; jetez-les à la poubelle avant que cela ne se produise.

Station 3 : Les graines clandestines – les graines comestibles

De nombreuses graines (ainsi que quelques petits animaux) peuvent survivre au processus de la digestion. Plusieurs plantes ont autour de leurs graines un fruit comestible : les pommes, les pêches, les tomates et les baies entre autres. Dans le cas de bien des fruits à chair tendre, la ou les graines ne sont pas digérées par l’animal. Ces plantes se sont adaptées afin que leurs graines, comme le montre cette expérience, puissent survivre à la digestion.

Station 4 : Les passagers clandestins terrestres

À cette station, les élèves utiliseront un jouet camion pour démontrer que certaines agglomérations de boue sous les véhicules peuvent transporter des espèces envahissantes sur de longues distances.

Des graines et de petits animaux sont souvent accidentellement transportés dans la boue qui colle aux véhicules, aux équipements, aux souliers et aux jouets. C’est pourquoi il est important d’inspecter et de nettoyer véhicules et équipement avant de quitter un endroit.

Station 5 : Les athlètes du monde aquatique

À cette station, on utilise des boîtes à œufs pour représenter les bassins versants et du colorant alimentaire pour illustrer comment les espèces peuvent se propager de lac en lac. Note : vous pouvez faire cette expérience vous-même devant les élèves, pour économiser du temps et faire moins de nettoyage.

Avant de laisser les élèves faire cette activité (ou de leur en faire la démonstration), revoyez la définition du bassin versant avec eux. Un bassin versant est une aire délimitée par des montagnes, où toute l’eau qui circule s’écoule dans le même cours d’eau. Ainsi, deux lacs tout près l’un de l’autre peuvent s’écouler dans deux bassins versants différents. Bien qu’ils soient en apparence des habitats semblables, ils peuvent en réalité être deux communautés totalement distinctes. En revanche, les étendues d’eau d’un même bassin versant sont liées entre elles.

Les organismes aquatiques ne voyagent pas naturellement entre les bassins versants. Par contre, les gens transportent ces organismes d’un lac ou d’une rivière à l’autre. Demandez aux élèves comment une telle chose peut se produire (p. ex. en relâchant des poissons vivants ayant servi d’appâts dans les lacs ou des animaux d’aquarium indésirables dans les étangs; en transportant des œufs et des larves vers d’autres lacs dans l’eau de cale d’un bateau). Si ces organismes déplacés sont des espèces envahissantes, ils ont alors l’occasion d’envahir un tout nouveau bassin, pas seulement une étendue d’eau. 

L’eau d’aquarium peut contenir des algues, des larves ou des œufs d’animaux non indigènes que vous ne souhaitez pas relâcher dans un autre bassin. Elle devrait donc être versée dans un drain intérieur ou sur le sol où elle pourra sécher sans rejoindre un cours d’eau. 


Sue Staniforth enseigne depuis de nombreuses années en plus de participer au développement de programmes d’étude. Elle est la coordinatrice de l’éducation et de la sensibilisation du Invasive Species Council of British Columbia (conseil de la Colombie-Britannique sur les espèces envahissantes). Ce conseil est à la fois une association caritative enregistrée et une société à but non lucratif qui aide à coordonner et à réunir bon nombre d’acteurs concernés par la lutte contre les espèces envahissantes dans la province.

Marjolaine Charron est finissante en traduction professionnelle à l’Université de Sherbrooke (Québec).

Ressources et référence

Tackle Invasives Hands-on with Your Students! Education Activities & Teacher Resources (2014). Invasive Species Council of BC (ISCBC) http://bcinvasives.ca/resources/education/
Invasives in the Classroom: A Practical Teacher’s Guide for Intermediate Levels (2012) ISCBC: http://bcinvasives.ca/resources/education/
Making Waves! Protecting Ontario’s Aquatic Habitat: Grade 4 curriculum kit
A fun, informative, activity-filled teacher resource kit that introduces children to the concept of healthy habitats and communities and our role in protecting them from aquatic invasive species. Invading Species Awareness Program: Ontario Federation of Anglers and Hunters / Ontario Ministry of Natural Resources www.invadingspecies.com

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