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Responsabilisation environnementale à la maternelle

par Chris Wright

traduit par Nathalie H. Gagnon

Niveau : de la maternelle à la 1e année

Matières : science, écologie

Principaux concepts : quatre «  R », décomposition, déshydratation, compostage

Compétences : méthode scientifique, vermicompostage

Lieu : à l’intérieur

Un jour, la jeune fille d’un ami est rentrée de l’école où avait eu lieu une discussion à propos de l’environnement. Elle est était tellement préoccupée par le réchauffement climatique et la couche d’ozone qu’elle n’arrivait plus à s’endormir. J’en suis venue à me demander comment les enfants de ma classe de maternelle auraient réagi dans le même genre de contexte.

Je me considère comme une « nouvelle environnementaliste ». En classe, nous faisons une variété d’activités qui, je crois, s’inscrivent bien dans le virage vert. Notre classe est accueillante et vivante. Un lapin se promène partout et une colombe vole librement et parfois pond ses œufs dans d’étranges recoins de la classe. Nous encourageons les jeunes à manipuler les cochons d’Inde, les rats et les gerboises pour que les jeunes soient à l’aise avec les animaux. Des vers de farine, des insectes, des escargots ainsi que des vers de terre vivent à l’intérieur de terrariums et de vermicomposteurs. Des modèles simplifiés d’écosystèmes ont été mis en place afin de permettre aux enfants d’y observer des processus naturels. Une quantité considérable de temps est consacrée aux projets environnementaux comme la recherche de nouvelles histoires, la création d’œuvres d’art et l’écriture de livres. Toutefois, l’expérience qu’a vécue la fille de mon ami a soulevé en moi quelques questions. Notamment, qu’est-ce que je pourrais faire de plus pour semer l’espoir dans le cœur des jeunes et leur donner la conviction et le pouvoir de changer les choses. Comment faire en sorte que ses sentiments s’épanouissent tout au long du cheminement scolaire des enfants? De les informer sans leur proposer de moyens pour passer à l’action s’avérait une recette parfaite pour les paralyser et leur causer de l’anxiété. Je ne voulais pas les accabler du fardeau des problèmes environnementaux : je voulais qu’ils sachent qu’ils pouvaient soulever des montagnes et qu’ils pouvaient enseigner une chose ou deux aux adultes de leur entourage.

Les élèves partagent la classe avec une ménagerie
de petites créatures qu’ils peuvent manipuler.

Le début des bacs bleus

Dans cet esprit, je me suis assise avec ma classe pour qu’ensemble l’on décide ce que nous, 22 jeunes très brillants et 3 adultes, pourrions faire pour changer les choses. À ce moment-là, la municipalité avait commencé la collecte porte-à-porte du verre et des métaux recyclables, mais les bacs de récupération avaient seulement été distribués aux résidences privées, pas aux écoles. Lors d’une discussion, nous avons donc décidé de munir toutes les classes de l’école d’un bac de récupération et de nous assurer qu’il était vidé chaque semaine lors de la collecte municipale. Le projet était excitant pour les enfants. Ils devaient calculer la quantité de bacs nécessaires, les construire, les peindre le bleu clair familier des bacs municipaux en y inscrivant « Nous recyclons » et finalement, les distribuer. C’était un projet merveilleux pour amorcer le virage : il était réalisable et concret. Nous obtenions rapidement des résultats que les enfants pouvaient observer et quantifier, ce qui leur procurait ainsi une rétroaction valorisante.

Le recyclage s’est, par la suite, inscrit au curriculum et à la vie de l’école. Par exemple, nous avons relevé sur un graphique détaillé la quantité de bouteilles et de canettes qui passaient hebdomadairement dans notre système, les résultats obtenus étaient présentés par classe. Nous avons réalisé une vidéo de 9  minutes intitulée : « We recycle » (Nous recyclons). Dans cette dernière, les élèves expliquaient comment ils avaient convaincu toute l’école de recycler. Aux bacs bleus, nous avons ajouté des bacs verts destinés à la récupération du papier (mais seulement lorsque les deux cotés étaient utilisés!). Enfin, nous avons décidé de désigner des représentants du recyclage dans chaque classe, de la pré-maternelle à la 6e  année. Cette addition à notre équipe de recyclage a permis de rehausser nos compétences organisationnelles et d’améliorer l’interaction nécessaire à l’atteinte d’un objectif commun. Nous étions sur la voie de la responsabilisation.

En bas : À partir des expériences effectuées
grâce à Terre humide et Terre sèche,
les élèves apprennent à reconnaitre ce qui est
biodégradable et peuvent observer
le fascinant processus de décomposition.

Les déchets, qu’est-ce que c’est?

Le recyclage a naturellement mené à diverses discussions à propos des déchets et des rebuts. Qu’est qui fait que des choses sont des déchets? Peuvent-ils devenir des biens utiles? Nous avons créé un «  géant de déchets » dans la classe en utilisant divers matériaux qui provenaient des rebuts de l’école et de ceux destinés à la collecte des secteurs résidentiels de la municipalité. Notre géant avait pour cerveau un ordinateur, une chevelure de bouts de papier et de vieux gants, un ensemble d’anciens engrenages et de vieille machinerie à titre de poumons, de cœur et d’autres organes internes. Au fur et à mesure qu’il prenait forme, on l’utilisait pour enseigner la réutilisation créative et l’anatomie humaine. Les enfants se sont mis à revoir leur définition de déchets alors qu’ils découvraient qu’une grande quantité des choses que les gens jetaient à la poubelle pouvait encore servir. Il leur est ensuite devenu évident que parmi les quatre «  R » (réduire, réutiliser, récupérer et recycler), c’est vraiment « réduire » qui était le plus important.

Le « géant de déchets » fabriqué
à partir des rebuts provenant
de l’école et du quartier.

Les biodégradables font l’objet d’une enquête

Très rapidement, les ordures sont devenues une grande source d’inspiration qui ouvrait la porte à la science. Afin d’enquêter sur le destin des déchets que nous mettons à la poubelle, nous avons créé deux modèles simplifiés d’écosystème, que nous avons nommés : Terre humide et Terre sèche. Terre humide était constitué d’un contenant de plastique rempli d’environ 20 cm (8 pouces) de terre et de feuilles que les enfants avaient ramassées à l’automne. Quotidiennement, une « pluie » arrosait l’écosystème, Terre humide, afin qu’il reste bien hydraté. Quant à lui, l’écosystème Terre sèche était constitué d’un contenant similaire, mais laissé à déshydrater afin de simuler le système semi aride d’une prairie aride. Des vers furent ajoutés à Terre humide, mais la décision fut prise que les vers auraient trop soif dans Terre sèche et que, probablement, ils en mouraient. Chaque semaine, leur contenu était mélangé et étendu sur un sac poubelle afin de bien observer ce qui s’y passait. À mesure que les feuilles se décomposaient, nous ajoutions des restants de nourriture et des excréments d’animaux. Tout ce qu’on ajoutait était maintenu sur une liste : les excréments de rats, de colombes, de lapins, de gerboises et de hamsters; les fruits et légumes, les fleurs, etc. Nous avons découvert que tous ces éléments se décomposaient dans Terre humide, tandis que dans Terre sèche, tout se décomposait en poussière, se n’était pas aussi intéressant. Regarder les choses pourrir est absolument et éternellement fascinant pour les enfants et beaucoup d’élèves ont commencé à expérimenter la biodégradation à la maison (au grand mécontentement de certains parents!).

À ce moment-là, les enfants avaient appris à observer les choses attentivement et étaient bien à l’aise avec des termes tels que déshydratation, évaporation, biodégradable et compostage. Ils se dotaient de connaissance et étaient prêts à passer à l’étape suivante de leur enquête sur les déchets. Nous avons enterré un sac de plastique, une petite canette et un verre de polystyrène dans Terre humide afin de voir ce qui se passerait. Après quelques semaines, nous avons vidé le contenant. Les enfants étaient étonnés de voir que le plastique, le métal et le polystyrène n’avaient pas changé. Certaines choses ne se décomposent pas! Ce constat a donné lieu à des discussions concernant la conséquence qu’avait ce type de déchets et les enfants se sont engagés à réduire et à éliminer de leur propre usage les matières plastiques.

Le diner sans déchets est aussi le prolongement de ce programme de récupération. Les enfants ont décidé quelles parties de leurs repas quotidiens constituaient des déchets et lesquelles pouvaient être réutilisées ou recyclées. Tout ce qui avait un emballage jetable et les ustensiles en plastique n’étaient plus les bienvenus dans les boites à lunch. Les parents parlaient de leurs enfants qui les harcelaient afin qu’ils cessent d’utiliser du plastique; et se sont rendu compte à quel point c’était important pour leurs enfants d’éliminer les déchets du diner, les parents les ont écoutés et ont décidé de collaborer. Les jeunes avaient acquis des connaissances, ils s’étaient fixés des objectifs et ils avaient trouvés les moyens de les atteindre.

Notre programme vert continue de prendre de l’expansion. Par exemple, les vers de toutes sortes sont très populaires dans notre classe, et j’ai récemment introduit le vermicompostage : un compostage avec des vers rouges à fumier. Initialement, nous donnions un nom à chaque ver, pour la petite quantité de vers que nous possédions, mais avec le temps, les jeunes se sont aperçus que la tâche devenait fastidieuse : le rythme de reproduction des vers rouges est impressionnant. Nous avons aussi étudié le ver de farine. Tous les enfants ont un petit récipient transparent rempli d’une tasse de flocons d’avoine et dans lequel vivent confortablement des vers à farine. Nous sommes témoins de la magie de la vie qui s’opèrent au fur et à mesure que les vers, dans les récipients, passe à travers leur cycle de vie : de larve nymphe à coléoptère. Les principes scientifiques de l’observation, de la quantification et de la notation sont suivis de discussions qui ne font pas seulement aiguiser la logique, ils stimulent également l’amour pour toute chose qui permet à notre planète de fonctionner. C’est presque affectueusement que ces enfants respectent les vers; ils savent que les vers aèrent le sol et qu’ils rendent possible les plantes et les arbres.

À partir de leurs expériences, ces enfants ont acquis des connaissances qui leur donnent le pouvoir de protéger la vie et d’y porter une attention spéciale, et, malgré leur jeune âge, de passer à l’action afin de préserver notre environnement fragile.


Au moment d’écrire cet article, Chris Wright enseignait à la maternelle à l’Alternative Primary School de Toronto, en Ontario. Elle enseigne présentement à l’école The Mabin School de Toronto.

Nathalie H. Gagnon est étudiante de 3e année en traduction professionnelle à l’Université de Sherbrooke.

Photographie par Chris Wright

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