Une année «eaute» en changements

Par Jean Wallace
PAS ÉTONNANT que, pour les enfants, la meilleure façon d’apprendre est de faire. Leurs apprentissages s’approfondissent lorsqu’ils établissent harmonieusement des liens d’un sujet à l’autre, et lorsqu’ils disposent du temps nécessaire pour trouver des solutions à des problèmes réels, solutions qui changeront des vies et qui rendront notre monde plus habitable. Pendant mes quelque 16 années dans un rôle de directrice en éducation expérimentale, j’ai établi des partenariats avec des centaines d’enseignants, tout en les appuyant, ainsi qu’avec des milliers d’étudiants dans leurs apprentissages authentiques, ce qui m’a permis d’en voir le succès de mes propres yeux. Sans l’ombre d’un doute, si vous voulez que vos élèves soient réellement enthousiastes à propos d’un sujet, demandez-leur de s’attaquer à un problème dans la vraie vie, avec des enjeux pertinents à leurs vies. Cette approche permet aux élèves de réaliser que ce qu’ils apprennent à l’école est réellement significatif.
La terminologie pour décrire ce processus d’apprentissage varie entre les termes STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), STEAM, apprentissage par projets, apprentissage par problèmes et l’utilisation de l’environnement comme contexte intégré de l’apprentissage UECCIA (Environment as an Integrating Context, EIC). Peu importe la terminologie qu’on utilise, l’essentiel est que le moteur du succès de ce modèle d’apprentissage est l’alignement du contenu (le « quoi ») et du processus (le « comment »).
L’intégration est au centre de cette pratique, puisque c’est le lien entre le contenu et le processus qui solidifie les apprentissages des élèves. Plutôt que d’enseigner en isolement, les enseignants et les écoles devraient démontrer les compétences modernes qu’on cherche à développer chez les élèves en collaborant, coopérant et communiquant de façon transversale pour approfondir les apprentissages dans toutes les matières. L’utilisation de l’environnement comme fondation sur laquelle transmettre des compétences transversales n’est pas un nouveau concept en éducation, et son efficacité réelle est appuyée par plusieurs recherches.
Fondé en 1995, le State Environment and Education Roundtable (SEER) a collaboré avec les départements de l’éducation de 16 États pour développer une stratégie d’enseignement (Environment-Based Education, EBE), fondée sur les normes, pour impliquer les élèves dans des expériences d’apprentissages de la vraie vie. Plus de 40 écoles ont participé à cette étude nationale, ce qui a donné lieu, en 1998, à la publication de Closing the Achievement Gap: Using the Environment as an Integrating Context for Learning (Lieberman & Hoody, 1998). Notre recherche quant à l’utilisation de l’environnement comme contexte intégré de l’apprentissage a eu un succès indéniable et elle a résulté en une réduction de l’écart de rendement, ce qui confirme les résultats obtenus à l’échelle nationale.
L’environnement = Apprentissage authentique
Bien que passer de l’enseignement isolé à l’enseignement par compétences transversales comporte son lot de difficultés, je croyais, et je crois toujours, fermement que de jumeler une compréhension forte et profonde du contenu avec un processus d’engagement étudiant authentique entraîne des apprentissages plus approfondis pour les enfants.
C’est pourquoi nous nous sommes basés sur les standards de Environnement & Écologie (E&E) pour établir les fondations du programme, intégré et centré sur les élèves, élaboré dans un cadre d’apprentissage et d’enseignement actif, authentique et axé sur la communauté. Un programme fondé sur E&E encourage non seulement l’acquisition de compétences transversales avec un contenu rigoureux basé sur la vraie vie, mais il offre aussi l’occasion aux élèves d’apprendre par le service communautaire et l’action civique, ce qui formera des citoyens responsables et bienveillants, du niveau local au niveau mondial. Ces bénéfices sont soulignés dans l’introduction des normes du programme E&E, qui va comme suit :
« Le programme Environnement et Écologie est fondé sur la complexité du monde dans lequel nous vivons et les répercussions que nous avons sur la durabilité de l’environnement. Les interactions entre les activités humaines et les écosystèmes, aussi bien que les résultats des décisions humaines, sont les éléments principaux de ce domaine scolaire. Environnement et Écologie explore le monde dans le respect des structures économiques, culturelles, politiques et sociales ainsi que des processus et systèmes naturels. Ce domaine scolaire se distingue des autres grâce à cette intégration interdisciplinaire. »
(Le département de l’éducation de Pennsylvanie, 2001)
Le contenu du programme présenté dans les normes E&E est devenu un pilier dans l’alphabétisation, dès la maternelle, mais s’est aussi avéré un outil pour allumer le feu de la passion chez nos jeunes lecteurs. Au fur et à mesure qu’ils apprenaient à lire, ils tissaient des liens entre leurs apprentissages et le monde qui les entoure. Le contenu du programme présenté offre du vocabulaire riche sur lequel les élèves peuvent établir les bases de leurs apprentissages proportionnellement à leur évolution dans le programme. On pense notamment à l’agriculture, un sujet qui est présenté en maternelle, puis consolidé en troisième année à l’aide d’une unité d’étude complète interdisciplinaire de plusieurs semaines. Les bibliothèques des classes ont été pourvues en livres riches en vocabulaire et les apprentissages ont été approfondis à l’aide d’études sur le terrain dans des centres d’interprétation de la nature, cours d’eau, rivières, fermes et musées.
Dans son rapport sur le progrès de la réforme en éducation, en juin 2014, la Commission de l’Éducation des États-Unis réaffirme le succès de faire l’alphabétisation scientifique de base dans un environnement d’apprentissage authentique. « Les interactions en sciences permettent de développer le vocabulaire en présentant de nouveaux mots aux jeunes, dans des contextes significatifs. Faire connaître un vocabulaire riche occasionne le développement du vocabulaire, ce qui occasionne à son tour des aptitudes de lecture. » Dans la même publication, on résume bien l’importance de l’acquisition de connaissances en sciences : « Les responsables de l’enseignement devraient porter un regard critique sur les attentes imposées quant à l’enseignement et l’apprentissage des sciences pour les élèves du préscolaire dans leur école, région ou État. Ils devraient ensuite s’interroger à savoir si les jeunes et leurs enseignants ont accès aux possibilités éducatives dont ils ont non seulement besoin, mais qu’ils méritent. »

La création du programme UECCIA
Nous nous sommes ensuite demandés comment, et où, commencer lorsqu’on crée un programme d’études fusionné? Les points de départ parfaits, selon notre équipe, étaient : les normes E&E; le processus interdisciplinaire axé sur l’élève du modèle UECCIA; l’importance de l’apprentissage de compétences actuelles; l’établissement de correspondances inversé. La docteure en éducation Patricia Vathis, du département de l’éducation de Pennsylvanie, experte en normes, en apprentissage interdisciplinaire et en « Understanding by Design », a été notre guide. En tant qu’équipe de huitième année, nous avons entamé la fondation du programme scolaire par un examen méticuleux de chaque norme de E&E en décortiquant leur contenu pour mieux les comprendre. Une fois cette étape terminée, nous nous sommes concentrés sur les sciences et technologies, puis sur les sciences humaines, qui incluent l’histoire, la géographie, les cours d’éducation civique et la politique. Nous avons identifié le contenu qui ancrait chaque norme, et la façon dont chaque niveau scolaire serait responsable soit de l’introduction de ce contenu (I), du renforcement du contenu (R) ou du développement de ce contenu en compétences (C).
Tandis que nous terminions chaque matrice et attribuions un code de couleur pour chaque niveau scolaire, nous étions aussi à la recherche d’occasions pour tisser des liens entre les disciplines à l’aide de grandes idées pour des unités d’étude complètes et interdisciplinaires. Une fois que notre équipe avait établi une matrice par matière, nous lui avons alloué du temps pour qu’elle puisse rencontrer (pour planifier) les autres enseignants et ceux qui travaillent dans le même niveau scolaire, mais aussi avec ceux travaillant dans les autres niveaux et disciplines. Tous travaillaient avec les matrices qu’ils avaient créées eux-mêmes. Les horaires étaient conçus pour donner la chance aux enseignants de faire de l’enseignement en tandem plusieurs fois par semaine, ce qui leur a permis de voir les thèmes principaux présentés sous la perspective d’autres disciplines. Au moment où nous commencions à bâtir ce cadre, la planification et l’enseignement en tandem étaient plus faciles puisque nous n’avions qu’une classe de chaque niveau scolaire.
UECCIA à l’école intermédiaire
Dans une certaine mesure, l’équipe de la 5ème à la 8ème année avait plus de difficulté que l’équipe de 4ème année puisque les élèves de 5ème à la 8ème année faisaient déjà la rotation entre les enseignants et les disciplines. Les enseignants ont attaqué ce défi en travaillant main dans la main pour créer des unités d’études qui duraient plusieurs mois, dans lesquelles chaque matière était bien représentée. Par exemple, une unité intitulée « La maladie et ses conséquences en Philadelphie » a été enseignée pendant 3 mois. En sciences, les élèves ont étudié la façon dont les espèces vecteur transmettent des maladies, alors qu’en arts, les étudiants lisaient Fever 1793 (La fièvre de 1793) de Laurie Halse Anderson, une roman de fiction documentant l’épidémie de fièvre jaune qui a attaqué la Philadelphie en 1793. En sciences humaines, les élèves cartographiaient la Philadelphie historique, tout en lisant et en écrivant à propos d’une époque où cette épidémie a terminé de nombreuses vies. En technologie, les élèves ont créé leur propre journal, dans lequel ils documentaient la flambée de la maladie en écrivant des avis de décès pour leur communauté imaginaire. Finalement, en arts, les élèves ont conçu des protistes en 2-D, sur lequel ils se sont basés pour concevoir un modèle en 3-D. Les étudiants appronfondissaient leurs apprentissages interdisciplinaires, et les enseignants collaboraient également entre toutes les disciplines, n’est-ce pas formidable?

UECCIA à l’école primaire
Un exemple concret d’apprentissage authentique et interdisciplinaire qui a été une réussite absolue durant mes années à la direction scolaire est « Une année “eaute” en changements ». Chaque année et durant toute l’année, nos élèves de 4ème année étaient plongés dans l’étude interdisciplinaire de la ligne de partage des eaux de la rivière Delaware. Le défi à relever pour les élèves était de trouver la réponse à la question suivante : D’où provient l’eau potable et où va l’eau usée? Ils ont commencé en étudiant l’histoire, la géologie, la science, la chimie et l’écologie de nos courts d’eau douce et de la ligne de partage des eaux locale. Durant leur parcours, les élèves ont interagi avec des experts en histoire locale, ils ont créé une « Déclaration des droits de l’eau », ils ont fait un débat entre écologie et économie, ils ont fait des études de terrain à l’aide du département de l’eau de la Philadelphie, ils ont cartographié leur ligne de partage des eaux locale et ils ont appris comment bien concevoir un barrage avec le Army Corp of Engineers.
Les élèves ont aussi documenté leur parcours et présenté leurs découvertes à un public diversifié. À l’aide de la technologie numérique, ils ont même créé une visite à pied interactive et informative pour les visiteurs des sentiers de leur société historique locale. Leur « année “eaute” en changements » s’est terminée avec l’exploration des écosystèmes de l’estuaire de Delaware et de l’océan Atlantique, ce qui leur a permis de découvrir la diversité écologique de la vie marine dans ces eaux salées et saumâtres. La dernière aventure marquant leurs apprentissages dans le cadre de la « vraie vie » était un voyage de 3 heures à bord d’un chalutier de Cape May, au New Jersey, au cours duquel ils ont jeté leurs filets dans la mer, puis remonté leurs prises, le tout en travaillant main dans la main avec une équipe de spécialistes de l’environnement marin.

Progression et développement
Le perfectionnement professionnel offert aux enseignants était significatif, ciblé et continu. Les journées de formation continue durant l’année scolaire étaient dédiées au développement du programme, et, chaque été, les enseignants assistaient au programme de l’Institut du gouverneur de la Pennsylvanie pour l’environnement et l’écologie. Cet institut offrait un programme d’une semaine qui prenait place à l’intérieur ainsi qu’à l’extérieur. À travers des expériences profondes et enracinées, les enseignants ont pu améliorer leurs connaissances et leurs compétences, ce que les a inspirés à devenir de meilleurs détenteurs du savoir.
Bien que le « quoi » enseigner était déterminé par les normes, le processus d’apprentissage a été conçu et renforcé par nos enseignants. Ils jumelaient le contenu (basé sur les normes de E&E) aux procédures de UECCIA pour orienter l’enseignement. Ces expériences ont non seulement encouragé une augmentation des résultats scolaires, mais ont aussi assuré des résultats positifs quant à la citoyenneté mondiale à travers l’habilitation des élèves et l’action civique. Nous nous sommes basés sur le cadre du programme de huitième année, et nous l’avons élargi, passant de 150 à 700 élèves.
Répercussions positives
Au final, les résultats des épreuves uniformes traduisent le succès de l’utilisation de l’environnement comme contexte intégré de l’apprentissage et des compétences transversales. Ces résultats démontrent, avant tout, que l’immersion des élèves dans des projets de recherche interdisciplinaires à long terme est une approche qui porte fruit pour tous les élèves. En effet, 90% à 96% de nos élèves de 4e année ont été classés, en moyenne, au plus haut niveau selon le test de sciences du Pennsylvania System of School Assessment (système d’évaluation scolaire de la Pennsylvanie). Cette approche interdisciplinaire encadrée par des expériences dans la vrai vie a permis aux élèves en éducation spécialisée et aux élèves généralement sous la moyenne de s’épanouir. Au moment de ma retraite de Green Woods, notre école était au sommet du classement des meilleures écoles au plan local et de l’état, et s’est classée au plan mondial, aux côtés d’écoles finlandaises.
Tout au long de ma carrière à Green Woods, durant laquelle j’ai travaillé avec une équipe incroyable, ce programme a continué à évoluer et à être révisé par nos enseignants. La réussite a été contagieuse! Les enseignants, tout comme les élèves, étaient motivés alors que nous plongions tête première dans l’étude de l’environnement. Faire du travail significatif dans un environnement authentique pour préserver nos besoins fondamentaux (l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons et la nourriture que nous mangeons) est un enjeu qui nous est commun et qui nous relie tous.
Jean M. Wallace, a pris sa retraite du poste de directrice générale de l’école publique sous charte primée de huitième année Green Woods, en Philadelphie. Auparavant, elle était directrice régionale de Education for Earth Force, Inc. (www.earthforce.org), où elle appuyait des centaines d’enseignants et des milliers d’élèves dans l’apprentissage par le service communautaire et l’action civique. Vous pouvez entrer en contact avec elle à l’adresse suivante : wallacejm@comcast.net.
Pour obtenir plus d’informations sur le modèle UECCIA et les recherches initiales, veuillez entrer en contact avec Dr. Gérald Lieberman (gerald@seer.org). Cet article est dédié à Dr. Patricia Vathis, anciennement coordinatrice de Environnement et Écologie pour le département de l’éducation de la Pennsylvanie, et aux enseignants incroyables qui ont réussi l’impossible.
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