La science à petite échelle
Par Alan Slater
Traduction par Jocelyne Dickey
J’étais chimiste d’investigation et de développement dans l’industrie pétrochimique au moment où la préoccupation pour les thèmes de pollution commença à prendre son essor. Une attitude générale était alors que “la solution à la pollution est la dissolution”. Jetez les substances nuisibles dans la terre, dans les cours d’eau ou dans l’air et oubliez-les. Nous avons tous fait ceci dans notre vie de tous les jours – peintures et produits de nettoyage allaient directement aux égouts, et des égouts à la mer. Au laboratoire de la classe de sciences, de grandes bouteilles de 2 kilogrammes (5 livres) de produits chimiques étaient gaspillés chaque année. Plusieurs d’entre nous pourront se rappeler une classe de sciences où se produisaient des déversements ou des explosions de certains appareils. Puis, à la fin de la période, on lavait tout à l’évier ou on jetait à la poubelle.
Dans ces temps heureux, nous assignions à notre école au moins 600 dollars à chaque cours pour le matériel de laboratoire. Maintenant, nous dépensons à peine 100 dollars pour les 1 000 étudiants de sciences qui utilisent des produits chimiques et d’autres équipements reliés dans nos cours. C’est parce que nous faisons la majorité de nos expériences à petite échelle. La science à micro- échelle est la technique la plus innovatrice et émouvante que j’ai vue dans mes 30 années et plus d’enseignement des sciences et de la chimie et cette technique se répand par tout le monde. En utilisant une goutte d’une solution pas plus grande que ce point • et des grains de soluté de la taille de ce tiret ―, nous pouvons obtenir les mêmes résultats de laboratoire que nous obtenions avant et nous réduisons la quantité de matériel que nous utilisons d’au moins 10 fois et parfois de 100 fois ou plus.
Même si les microsciences offrent leur plus grand impact dans les classes de chimie, elles ont des applications dans les classes de sciences en général et dans les classes de biologie et partout où on utilise des produits chimiques. Elles gèrent les questions sur la pollution, la destruction de résidus, la sécurité au laboratoire et nos attitudes envers l’environnement et elle assure en même temps l’expérience “pratique” et l’économie de temps autant pour le professeur que pour l’étudiant. Tous, incluant l’environnement, sont gagnants!
Outils
Il y a une vingtaine d’années, aux États-Unis, un groupe de professeurs très créatifs observa la dernière technologie des plastiques utilisée dans les laboratoires médicaux et se rendirent compte des usages potentiels de ces outils simples de plastique utilisés en chimie. On pouvait commencer à travailler avec seulement deux pièces simples : une plaque à cupules et une pipette. Même si ces deux pièces sont détruites dans le domaine de la médecine, elles peuvent être réutilisées plusieurs fois à l’école. Quelques-unes de ces plaques à cupules ont servi durant plus de 10 ans; et même si les pipettes ne durent pas aussi longtemps, elles sont faites de plastique recyclable.
Les plaques à cupules les plus communes comptent 96 tubes d’essai. Il y en a aussi de 24 et de 6 et certaines sont conçues spécifiquement pour être utilisées en classes de sciences dans les écoles secondaires. Les plaques pour les réactions de combinaison (cupules doubles) consistent en une moitié de la plaque de 96 cupules (par exemple, 48 petites cupules) et la moitié d’une plaque de 24 (par exemple, 12 grandes cupules) et certaines sont faites en plastique résistant aux produits organiques. Chaque cupule d’une plaque de 96 peut contenir environ 0,3 ml de solution (entre 12 et 16 microgouttes) et les rangées et les colonnes peuvent être étiquetées. La plaque de 24 cupules remplace les éprouvettes dans la majorité des expériences, chaque cupule contenant un volume de moins de 4 ml.
Les plaques à cupules sont habituellement faites de polystyrène qui est durable et facile à nettoyer. Les taches difficiles peuvent être enlevées avec des tampons de coton et de l’eau (on doit éviter la plupart des solvants organiques excepté sur les plaques organico-résistantes). Comme le polystyrène n’absorbe pas l’eau, les solutions et le nettoyage peuvent se faire de façon rapide et efficace. Pour agiter, on peut utiliser des cure-dents ou des agitateurs de plastique. Habituellement les plaques coûtent entre deux et six dollars chacune.
Les pipettes sont faites de polyéthylène et peuvent être achetées pour répartir jusqu’à 50 gouttes par ml. Ainsi, une simple goutte peut être aussi petite que 0,02 ml ou 0,02 gramme. Souvent, une goutte est tout ce qu’il faut pour une expérience dans laquelle auparavant on pouvait utiliser 10 ml ou plus. Les pipettes n’absorbent pas l’eau et se nettoient facilement et peuvent distribuer des gouttes précises si elles sont utilisées correctement. Elles peuvent aussi être coupées en une variété de morceaux pouvant servir d’outils, tel que l’appareil à distillation décrit ci-après. Il y a quatre types de pipettes utilisées normalement. Si on les achète en grande quantité, chacune coûte entre cinq et huit sous.
Expériences
Avec ces deux outils simples, une plaque à cupules et une pipette, les étudiants peuvent faire facilement une gamme étendue d’expériences, comme que des vérifications de la densité des liquides, des courbes de solubilité d’un soluté comme le nitrate de potassium, de la chromatographie en phase hydrosoluble, le recueil et l’analyse de différents gaz communs, l’électrolyse de diverses solutions ioniques et de cellules de combustible et la vérification de composantes protéiniques des aliments. Voici quelques brefs exemples :
- On peut analyser les substances solides blanches du supermarché et on peut déterminer les substances inconnues.
- On peut produire des gaz et les recueillir avec sécurité et de façon rapide avec une plaque à cupules, un tampon à trou et une pipette graduée (voir la photo). Par exemple, l’oxygène peut être obtenu en utilisant de l’eau de Javel, le peroxyde d’hydrogène en utilisant un minéral simple, une roche de pyrolusite. C’est un catalyseur que l’on peut utiliser plusieurs fois. L’oxygène peut aussi être vérifié avec une allumette! Les mélanges hydrogène-oxygène peuvent exploser de façon sécuritaire avec ce montage.
- L’électrolyse de plusieurs solutions peut être réalisée en 5 ou 10 minutes (voir la photo). Un montage similaire, utilisant des électrodes de graphite, peut dissocier une solution de sulfate de magnésium (Sels d’Epsom) pour obtenir de l’hydrogène et de l’oxygène. En déconnectant la batterie et en utilisant un multimètre, on peut produire une cellule de combustible avec un voltage de 2 volts. Ceci coûterait autour de 5 dollars.
- On peut découper deux pipettes graduées et, avec une seringue de plastique connectée en forme de T, on peut construire un montage simple de distillation pouvant être employé dans un bain d’eau chaude.
- Pour des expériences de dissolution ou de neutralisation de mélanges (par exemple, acide/base), l’échelle numérique le long de la partie supérieure de la plaque à cupules est idéale pour son usage comme échelle de concentration ou de pH. Un étudiant créatif de la dernière année du secondaire a utilisé une plaque à 96 cupules et quelques pipettes pour déterminer la quantité relative d’un ingrédient actif présent dans plusieurs produits de consommation comme l’aspirine, le jus ou le vin.
La première fois que j’ai essayé cette nouvelle méthode, j’ai utilisé une vieille semi-microméthode de dosage et j’ai réduit proportionnellement de grosses gouttes à une seule petite goutte. Les résultats non seulement ont été bons mais ils ont aussi été plus rapides et plus faciles pour les étudiants. J’ai alors commencé à me demander: “Pourquoi j’en utilise autant?” “Pourrais-je utiliser 10 ou même 100 fois moins?” Dans presque tous les cas, la réponse me semblait oui. Où avant j’utilisais 10 ml d’une solution et un cylindre gradué, je pouvais maintenant utiliser 0,1 ml (5 gouttes) au moyen d’une petite pipette – avec une réduction de 99% de celles en usage en chimie. Même dans des expériences qui ne pouvaient pas se faire dans une plaque à cupules on pourrait réduire proportionnellement d’au moins 10 fois. Une réaction qui utilise 200 ml se modifiait pour utiliser simplement 20 ml et pouvait être réalisée dans un petit récipient. Où j’avais déjà utilisé 50 litres d’eau distillée pour une expérience, j’avais besoin maintenant de seulement 5 litres. Avec environ 100 dollars de matériel en plastique et un esprit curieux, j’ai pu réduire l’usage de produits chimiques de 90% à 99 %! Cela a voulu dire que mes résidus chimiques ont aussi été réduits de 90 à 99%. Mes vieilles bouteilles de 2 kilogrammes et même mes bouteilles de 500 grammes étaient maintenant des dinosaures.
Les étudiants affrontent chaque jour diverses manières de réduire l’utilisation du matériel en laboratoire. De fait, je propose souvent un jeu à savoir qui peut faire une réaction avec le nombre minimum de gouttes. Si on en renverse, ce n’est habituellement pas plus d’un millilitre – sans aucun problème à nettoyer – et je fournis un exemple de réduction dans la réalité. Que c’est facile de tout nettoyer dans notre laboratoire comparé à ce qui a lieu dans l’usine de traitement des eaux usées ou l’élimination qui se fait au fleuve.
Excepté pour le rinçage final des plaques et des pipettes, les étudiants ne jettent pas de déchets dans l’évier. Le peu de résidus produits ont été réduits plus par la recherche constante de nouveaux procédés que par la production de résidus en elle-même. Par exemple, nous pouvons conserver des résidus de solution de cuivre et plus tard en enlever les ions de cuivre au moyen de l’ajout de petits morceaux ou limailles de fer de notre laboratoire.
Mes étudiants ont accueilli avec enthousiasme cette nouvelle tendance dans les expériences de laboratoire. Ils ne sont pas les seuls : à travers mon engagement avec les techniques de microsciences, j’ai présenté des ateliers en différents endroits de toute l’Amérique du Nord, en Angleterre et en Afrique. Il y a un intérêt global pour ce sujet et bien sûr plusieurs usages de la science à petite échelle dans les pays en développement où l’éducation en sciences pourrait d’une autre façon continuer le chemin que nous avons parcouru il y a plusieurs années.
Notre plus grand problème en classe est maintenant le gaz résiduel! Il y a si peu de propreté dans l’eau qui est rejetée dans les égouts que les trappes qui bloquent le retour des gaz peuvent s’obstruer et ainsi les gaz peuvent revenir dans le laboratoire.
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Sources:
Canada
BorealNorthwest www.boreal.com, chercher dans « microchemistry ». Une bonne source d’équipement pour microchimie, matériel et manuels de laboratoire.
États-Unis
Educational Innovations, www.teachersource.com, chercher dans « microéchelle » une liste de plaques à cupules et pipettes disponibles.
Kemtec Educational Products www.kemtecscience.com/Chemistry.htm, voir la section de Microchemistry sous « Chemistry kits ».
Flinn Scientific. PO Box 219, Batavia, IL 60510-0219, 1-800-452-1261, flinn@flinnsci.com, www.flinnsci.com. La meilleure sourde d’équipement et de livres de laboratoires aux États-Unis. Son catalogue contient d’abondantes idées.
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Alan Slater est professeur de chimie et sciences à la retraite, qui a donné des ateliers à travers toute l’Amérique du Nord et l’Angleterre sur la microchimie et les microsciences et il a reçu plusieurs prix et mentions pour son travail dans ce domaine. Il est co-auteur, avec Geoff Rayner-Canham, de Chimie à micro-échelle (Addison-Wesley, 1994), un manuel de laboratoire de microchimie au secondaire. Il vit actuellement à Sainte-Marie, Ontario (Canada).
Traduit par Jocelyne Dickey, biologiste et professeure de biologie et informatique à la retraite, traductrice bénévole depuis 2004, Québec
Ce qui précède est une traduction de « Small-scale Science » qui a été publié en Teaching Green: The High School Years.
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