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Arts et sciences, un heureux mélange

Par Amanda Berlinski

Traduction par Cristelle Gauthier

Pour transmettre des notions scientifiques complexes aux élèves, l’art peut s’avérer un allié précieux qui favorise la compréhension1. Albert Einstein, physicien mondialement reconnu, n’affirmait-il pas que “les plus grands scientifiques sont aussi des artistes2? Léonard de Vinci était peintre, Charles Darwin dessinait ses théories de l’évolution, et Einstein était lui-même pianiste et violoniste à ses heures. Qui plus est, notre conception actuelle des couleurs nous vient du scientifique Isaac Newton. Il a été le premier à formuler une théorie sur l’arc-en-ciel, puis à en disposer les couleurs dans un cercle chromatique. Son travail a fourni aux artistes une nouvelle vision des couleurs et de leur complémentarité3.

Par le passé, ces grands scientifiques, tout comme de nombreux autres chercheurs, expérimentateurs et explorateurs de toutes sortes œuvraient simultanément dans les domaines scientifique et artistique4. De nos jours, beaucoup d’écoles présentent malheureusement l’art et la science comme deux champs bien distincts. Des décisions politiques ont donné lieu à la diminution des fonds accordés à l’enseignement des arts au profit des matières du programme de base, telles que les sciences et les mathématiques5. Cependant, les disciplines artistiques favorisent la pensée scientifique et l’apprentissage, ce qui prouve que les deux domaines vont de pair6.

La pratique de l’art aide les élèves à mieux comprendre le monde qui les entoure, en plus de leur permettre d’apprendre à résoudre des problèmes et à faire preuve d’ingéniosité7. Lorsqu’ils créent une œuvre d’art, les élèves se questionnent (Qu’est-ce que je veux faire?), ils posent des gestes (Comment m’y prendre?), et ils réfléchissent à ce qu’ils ont réalisé (Est-ce que mon œuvre ressemble à ce que j’avais imaginé?). Ce processus de création reflète celui de la démarche d’investigation scientifique; dans les deux cas, les élèves peuvent prendre les rênes de leur propre apprentissage8.

Cet article propose deux activités artistiques qui contribueront à joindre de nouveau l’art et la science. La première vise à inculquer aux élèves le concept de la biodiversité à l’aide du cercle chromatique. La seconde enseigne l’évolution des espèces par l’entremise de la sculpture. En prenant part à ces leçons, les élèves réaliseront un projet artistique et étudieront les sciences en même temps.

Les couleurs de la biodiversité

Cette activité présente la notion de biodiversité par l’évocation de principes artistiques fondamentaux. Par équipes, les élèves créent des collages d’une seule couleur sur chaque segment du cercle chromatique. Le cercle chromatique représente un monde multicolore: un monde plein de biodiversité.

 

 

Objectifs:

  • Faire voir la beauté de la biodiversité aux élèves.
  • Faire comprendre l’importance de la biodiversité aux élèves.

Matériel: carton pour affiche, marqueurs de couleur, vieilles revues sur la nature, ciseaux, colle, ruban-cache.

Préparation: construire le modèle de base du cercle chromatique de la biodiversité.

Durée: entre 30 et 45 minutes

Niveaux: 6e à 8e année

Déroulement:

Divisez la classe en équipes; dispersez ces dernières dans la salle. Expliquez aux élèves qu’ils travailleront avec leur groupe pour créer un cercle chromatique, un outil dont se servent les artistes pour comprendre comment bien combiner les couleurs.

Distribuez à toutes les équipes le matériel suivant: un segment vierge du cercle chromatique, des revues, de la colle et des ciseaux. Expliquez-leur que les membres de l’équipe doivent s’entraider pour trouver, dans les revues, des images de choses vivantes de la même couleur que leur segment du cercle. Par exemple, ceux qui ont reçu le segment rouge rassemblent des images d’organismes vivants rouges, comme des coccinelles, des fraises, des cardinaux, des roses, etc.

À mesure qu’ils trouvent ces images, les élèves doivent les découper, puis les coller sur leur portion du cercle chromatique, de façon à créer un collage. Permettez aux équipes de partager les revues afin que tous les groupes puissent dénicher suffisamment d’images pour remplir leur segment. Une fois que toutes les équipes ont terminé leur collage, rassemblez chacun des segments et collez-les au mur ou au tableau, de façon à recréer le cercle chromatique, maintenant bien rempli.

Stimulez la réflexion des élèves à propos de leur expérience en posant les questions suivantes:

  • Aux différentes équipes: Avez-vous trouvé plus de plantes ou encore plus d’animaux de votre couleur?
  • Avez-vous trouvé des animaux ou des plantes qui avaient plus d’une couleur? Sur quel segment du cercle avez-vous décidé de placer cet organisme vivant? (Par exemple, un papillon monarque doit-il aller sur l’orangé ou le noir?) Pourquoi?
  • Comment la couleur d’un animal peut-elle lui être utile? (camouflage, avertissement, etc.)
  • Avez-vous vu des choses vivantes dont la couleur vous a surpris?
  • Qu’est-ce qui arrive au cercle si nous lui enlevons un segment? (perte de biodiversité)
  • Qu’arrive-t-il si nous retirons un animal du segment de sa couleur et le plaçons dans un autre? (Par exemple, prenez un ours polaire, et placez-le dans le segment bleu.)

Activité de prolongement

Premièrement, demandez aux élèves de faire un dessin avec une seule couleur. Ces dessins sont appelés monochromatiques. Une fois leur dessin terminé, demandez-leur comment ils se sont sentis en dessinant avec une seule couleur. Que pensent-ils de leurs dessins? Sont-ils éclatants, intéressants, ou ennuyeux, etc.?

Ensuite, faites-les dessiner avec autant de couleurs qu’ils le veulent. Ces dessins-là se nomment polychromatiques. Leurs deuxièmes dessins terminés, demandez aux élèves comment ils se sont sentis en pouvant se servir de toutes les couleurs pour dessiner. Que pensent-ils de leurs nouveaux dessins? Sont-ils éclatants, intéressants, ou ennuyeux, etc.?

Pour terminer, les élèves peuvent comparer leurs expériences: celle de réaliser les dessins monochromatiques à celle de créer les dessins polychromatiques. Ils peuvent aussi comparer l’allure de leurs œuvres. Les élèves se sont peut-être sentis limités lorsqu’ils ne pouvaient utiliser qu’une seule couleur, mais pas quand ils avaient la possibilité d’en utiliser plusieurs. Ils jugeront peut-être que leurs dessins monochromatiques sont moins éclatants ou moins intéressants que leurs créations polychromatiques. De la même manière, un monde comportant peu de biodiversité est entravé, moins intéressant et moins attrayant qu’un monde qui en est rempli et sollicite tous nos sens par son éclat et ses milliers de couleurs.

Une adaptation à modeler

Cette activité permet aux élèves de prendre les commandes de l’évolution des espèces! Ils travaillent en équipe pour faire évoluer une espèce animale dans le temps. D’abord, les élèves sculptent un membre de leur espèce. Réunis, les modelages d’une équipe représentent une population animale. Les élèves modifient ensuite leurs sculptures en réponse à une série de mises en situation d’événements réels, tels que des changements climatiques ou une fragmentation de l’habitat, soit des situations qui influencent la façon dont évoluent les espèces.

Objectifs:

  • Aider les participants à comprendre le processus de l’évolution.
  • Aider les participants à saisir l’importance de l’adaptation.

Matériel: pâte à modeler non durcissante, crayons, feuilles de travail et Mises en situation de, minuteur ou chronomètre.

Durée: entre 60 et 90 minutes

Niveaux: 9e à 11e année

Déroulement: Les élèves travaillent également en équipe pour cette activité. Faites choisir à chaque équipe une espèce animale à modeler. Par exemple, supposons qu’une équipe a choisi le capybara. D’abord, ce groupe doit apprendre à connaître son espèce; ainsi, les membres font des recherches sur la longévité du capybara et sur ses besoins en matière d’habitat. Ensuite, chaque élève du groupe sculpte son propre capybara; les animaux modelés par tous les membres d’une équipe représentent ensemble une population.

Après que les élèves ont créé leurs sculptures initiales, chacun reçoit une feuille de travail intitulée “Une adaptation à modeler”, et chaque équipe, une série de six mises en situation de “Une adaptation à modeler” (voir l’encadré ci-après). Les élèves doivent remplir leurs feuilles de travail à mesure qu’ils réagissent aux différentes mises en situation, celles-ci présentant des changements qui surviennent dans l’environnement de leur animal. Expliquez aux équipes qu’elles doivent lire une mise en situation à la fois. Ensuite, elles décident quelles caractéristiques de leur population sélectionner pour permettre à leur espèce de s’adapter et de survivre dans son nouvel environnement. Par exemple, si une équipe détermine, en réaction à la première mise en situation, que sa population de capybaras développe des pattes palmées afin de nager dans un lac nouvellement formé, tous les élèves du groupe devront modifier les pattes de leurs modelages pour les rendre palmées.

Chaque mise en situation est accompagnée d’une limite de temps dont disposent les membres de l’équipe pour modifier les sculptures, puisque le temps d’évolution des populations animales dépend de la vitesse à laquelle leur environnement change. Une fois qu’une équipe a décidé de quelle façon sa population s’adapte, un membre du groupe lance le minuteur. Les élèves doivent alors modifier leurs sculptures pour que leur animal s’adapte. Lorsque le minuteur sonne, les élèves doivent s’arrêter. Les animaux de ceux qui n’ont pas terminé leur modelage durant le temps alloué n’ont pas eu le temps de s’adapter!

Les équipes répètent ces étapes pour les cinq premières mises en situation. La sixième et dernière exige que les élèves réfléchissent au sujet de leur population. Au lieu de réagir à un changement climatique ou à une modification de l’habitat, les élèves doivent observer leurs sculptures et identifier une anomalie qu’ils désireraient incorporer à l’évolution de leur espèce. Cette étape évoque une réalité du processus d’évolution: les animaux ne s’adaptent pas consciemment à leur environnement pour survivre. Les adaptations découlent plutôt de différences génétiques existantes, ou de mutations avantageuses chez certains individus.

Par exemple, une des sculptures de capybara a peut-être la queue plus longue que les autres spécimens de la population. L’équipe pourrait décider que cette anomalie constitue une adaptation utile, et faire en sorte que la sélection naturelle la favorise en allongeant la queue de tous leurs modelages. Puisque l’évolution touche les populations et non les individus, les élèves disposent encore d’une limite de temps pour modifier leurs sculptures, durée qui dépend de la longévité de leur animal.

Lorsque toutes les équipes ont réalisé chacune des mises en situation, les membres de celles-ci placent leurs sculptures ensemble : voilà la population actuelle de leur espèce. Donnez suffisamment de temps à chaque équipe pour présenter sa population à la classe, afin que tous puissent voir les populations animales des autres. Invitez-les aussi à discuter du déroulement de l’activité “Une adaptation à modeler”. L’évolution ne pardonne pas: dans la nature, comme ce ne sont pas tous les individus qui possèdent les caractéristiques nécessaires pour s’adapter, l’extinction est parfois inévitable.

Activités de prolongement

  • Les élèves relatent l’évolution de leur espèce sur une ligne du temps ou en composant un court récit.
  • Chaque équipe est munie d’un appareil photo (ou d’un journal de bord, s’il n’est pas possible d’utiliser des appareils photo). Les élèves prennent des photos de leurs animaux (ou les dessinent) après chaque mise en situation. Ces images leur servent ensuite à faire un cladogramme de leur espèce.
  • Si les élèves estiment, à la fin de l’activité, que leurs animaux sont maintenant d’une espèce différente, faites-leur remplir une fiche signalétique pour ce nouvel animal, avec les renseignements relatifs à son habitat, son alimentation et sa classification.
  • Les élèves continuent leurs sculptures s’ils n’avaient pas terminé à temps au cours de l’activité. Il s’agit ensuite de déterminer quels individus sont les mieux adaptés à la toute fin.

Conclusion

Faire de l’art plastique dans un cours de sciences sera nouveau pour certains élèves, peut-être même pour vous! Ne vous laissez pas intimider; amusez-vous avec ces activités. Lors de ces exercices créatifs, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de travailler. Bien souvent, vous constaterez que vos élèves ont des idées et se laissent porter par elles, ils se permettent d’essayer, d’expérimenter toutes sortes de choses.

Voilà exactement ce que vous voulez qu’ils fassent, puisqu’il s’agit d’une démarche d’investigation9. Pour encourager vos élèves dans leur création, servez-vous de vos compétences scientifiques: posez-leur des questions pour les stimuler et leur permettre de faire des observations réfléchies. Ils formeront peu à peu leur propre compréhension des notions scientifiques et assimileront mieux leurs découvertes; c’est pourquoi ces activités artistiques favorisent l’apprentissage et le développement de la pensée scientifique10.

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Amanda Berlinski est une artiste et une formatrice qui se spécialise dans la transmission de connaissances sur la science et la nature par la création artistique. Vous trouverez d’autres exemples du travail réalisé par des élèves lors de ces activités sur son site Internet à l’adresse suivante: amandaberlinski.com.

Cristelle Gauthier est étudiante de deuxième année au Baccalauréat en traduction professionnelle à l’Université de Sherbrooke.

Vous pouvez télécharger la feuille de travail de “Une adaptation à modeler” à partir du site Internet de Profs Verts en suivant ce lien : Feuille de travail de _Une adaptation à modeler_.

Ce qui précède est une traduction de « Connecting Art and Science » qui a été publié en Green Teacher 96, Été 2012.

 

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