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La justice climatique

Par Ryan Cho

Traduit par Nirina Dériaz

Quand j’étais jeune, je ne me décrivais pas comme un environnementaliste; je ne le fais toujours pas aujourd’hui. Ne vous faites pas de fausses idées : je me suis toujours senti concerné par les problèmes environnementaux. Je recycle, je covoiture lorsque j’en ai l’occasion et j’utilise des sacs réutilisables, mais suis-je (étais-je) un environnementaliste pour autant? Nan – cette étiquette n’est pas pour moi, et il en est de même pour les responsabilités et les attentes qui y sont associées.

Pendant longtemps, j’ai entretenu le même genre de relation contradictoire avec les sujets concernant le réchauffement climatique. J’étais conscient du phénomène, je connaissais ses conséquences sur notre planète et ses habitants et, comme la grande majorité des scientifiques et des chercheurs[1], je savais que les êtres humains en étaient la cause. Néanmoins, le changement climatique ne faisait pas partie de mes priorités; je faisais des efforts de temps en temps et je jouais à l’autruche le reste du temps. Ses conséquences semblaient loin dans le temps et l’espace, ses causes accablantes et la détresse que j’éprouvais en y réfléchissant semblaient l’emporter sur les avantages que cette réflexion aurait amenés.

Mon ambivalence envers ce sujet a changé lorsque j’ai découvert le mouvement pour la justice climatique. En plus de sauver des arbres, de protéger des animaux (souvent les plus mignons), de profiter de la nature et d’être en contact direct avec cette dernière, le mouvement pour la justice climatique reconnaît que le changement climatique est aussi un problème d’équité sociale et de morale. Les personnes derrière ce mouvement croient que ceux qui souffrent le plus des conséquences de la combustion de carburant fossile sont ceux qui y contribuent le moins et qui en bénéficient le moins. Elles reconnaissent que l’équité sociale, la justice raciale, la responsabilité historique et le fonctionnement des démocraties doivent être pris en compte dans un plan viable visant à lutter contre le changement climatique. Ce sont des volets qui doivent être considérés et pour lesquels nous devons nous battre. De plus, il a été prouvé que les actions qui contribuent à réduire nos émissions de carbone et qui aident nos communautés à mieux s’adapter au changement climatique sont aussi celles qui permettront d’assurer une sécurité économique à long terme et d’améliorer la vie des personnes pauvres et marginalisées dans le monde.

De concert avec le bureau du Centre canadien de politiques alternatives de Colombie-Britannique, j’ai aidé à élaborer un programme scolaire qui aborde le changement climatique. Ce programme[2] comprend huit cours interactifs conçus pour les élèves du premier cycle du secondaire (il peut être adapté pour des élèves plus âgés) qui examinent le changement climatique dans les communautés de la Colombie-Britannique sous différents points de vue : historique, économique et écologique. Chaque leçon s’intéresse aux différents problèmes d’équité et de justice et a pour but d’élaborer un plan d’action pour faire face aux défis climatiques dans le monde ainsi que de trouver un moyen d’améliorer la vie des gens d’un bout à l’autre du pays. Ce programme gratuit est disponible en ligne ou en version papier et facilement adaptable à n’importe quelle ville d’Amérique du Nord.

Les leçons fournissent des cadres pour mettre en lumière les problèmes liés aux sociétés modernes et à l’environnement comme notre système industriel de production alimentaire, le consumérisme et le gaspillage, le potentiel d’une économie verte et le développement de combustible fossile dans les provinces. Elles proposent également aux enseignants et aux élèves du contenu différent de ce qu’offrent les autres ressources.

Pour aborder les problèmes sociaux et environnementaux, tous les cours se concentrent sur le changement systémique et non sur une approche personnelle. Il s’agit d’une évolution majeure par rapport au matériel d’éducation et aux campagnes pour l’environnement et la justice sociale proposés jusqu’ici, qui consistaient principalement à encourager les gens à acheter des produits écologiques ou à opérer des changements individuels dans leur style de vie, par exemple en achetant des sacs d’épicerie réutilisables ou en recyclant. Bien que les petits changements personnels aident les gens à s’engager pour une cause, cette approche n’a souvent pas de répercussions assez importantes pour changer notre direction dans l’ensemble. De plus, elle convient mieux aux personnes ayant la capacité financière pour adhérer à ces solutions et moins à celles qui sont pauvres ou à faibles revenus. Lorsque j’enseigne, j’essaye de mettre l’accent sur ce système de pensées ainsi que sur les contextes et les solutions locales. J’espère que ce programme permettra à d’autres enseignants en Amérique du Nord de faire de même.

Tous les graphiques, tous les exemples et toutes les statistiques du programme du mouvement pour la justice climatique sont tirés d’études réalisées en Colombie-Britannique et de faits qui s’y sont déroulés, mais ils peuvent être adaptés à n’importe quelle région avec un peu de recherche. Nous voyons trop souvent les effets négatifs du changement climatique comme un phénomène qui affecte les personnes pauvres « là-bas », dans les pays du Sud, tandis que nous, les chanceux habitants d’Amérique du Nord, sommes protégés de ses conséquences et des autres injustices de ce monde. Cela est en partie vrai, mais, dans l’ensemble, ce mythe d’un Occident privilégié et d’un Sud opprimé nous empêche de voir les injustices qui sévissent dans nos propres cours et les occasions de réaliser des changements positifs. À cause de ce mythe, nous nous permettons d’ignorer que la Colombie-Britannique a le taux de pauvreté infantile le plus élevé de toutes les provinces canadiennes[3] et que le Canada est l’un des pires pays du monde en ce qui concerne les émissions de gaz carbonique par habitant[4]. Nous sommes également aveugles au fait que la sécurité alimentaire des habitants pauvres de villes comme Victoria et Chicago et l’État du Texas pourrait être menacée en raison de l’augmentation des coûts de transport causée par les perturbations climatiques. De plus, ce mythe nous fait oublier que les propositions de changement ou d’agrandissement des oléoducs qui transportent le bitume des sables bitumineux d’Alberta, ainsi que celles qui encouragent la fracturation hydraulique et l’industrie du gaz naturel liquéfié, libéreraient dans l’air une quantité de carbone plus élevée que la quantité acceptable pour continuer à vivre sur cette planète, telle qu’estimée par les scientifiques[5]. En se concentrant sur le contexte de l’Amérique du Nord, les cours donnent un sens à la justice climatique et font en sorte que nous nous sentions tous concernés.

Le programme met l’accent sur les solutions et permet aux élèves de planifier des actions et de réinventer les systèmes à mettre en place dans leur collectivité et leur école. Les élèves réalisent des projets dans leur propre contexte environnemental. Aujourd’hui, beaucoup d’écoles adoptent une approche pluridisciplinaire et holistique. Elles cherchent activement des ressources et des projets qui créent des liens entre différents cours et domaines d’étude. Le programme du mouvement pour la justice climatique est rempli de ressources qui permettent aux enseignants de débattre d’un problème dans les cours de sciences sociales, d’écrire sur ce problème dans le cours d’anglais, de s’intéresser à ses caractéristiques physiques et à son système dans le cours de sciences et d’en faire un projet scolaire pour développer les aptitudes de leadership des élèves.

Un des huit cours est basé sur le travail de Joanna Macy. Il pose des questions comme : En cette période de crise, que pouvons-nous faire pour construire l’avenir que nous souhaitons? Quel sera notre rôle face aux changements à venir? En groupes, les élèves font comme s’ils parlaient à des membres de leur famille dans sept générations d’aujourd’hui. Ils leur décrivent la crise actuelle dans un contexte historique, parlent des obstacles et des défis et tentent de trouver des occasions qui appellent à la résilience, au changement ou à l’espoir.

Ensemble, nous pouvons aider les jeunes à établir des liens et à construire un pont entre le monde souhaité et le monde possible. Tous nos élèves, qu’ils deviennent médecins, avocats, ingénieurs, entrepreneurs, ouvriers ou parents au foyer, peuvent faire partie du mouvement et de l’histoire de la reconstruction d’un monde meilleur s’ils reconnaissent le potentiel d’un futur climatique écologique et équitable. En tant qu’enseignants, c’est en explorant ces sujets avec nos élèves que nous pouvons partager ce cadeau et trouver notre rôle au sein du mouvement pour créer un avenir meilleur. J’espère que vous et vos élèves trouverez le cours qui suit et les autres utiles et pertinents à mesure que vous découvrirez les occasions de créer un monde meilleur.

Nous voyons trop souvent les effets négatifs du changement climatique comme un phénomène qui affecte les personnes pauvres « là-bas », dans les pays du Sud.

Ryan Cho enseigne à l’école secondaire Terry Fox Secondary School à Port Coquitlam, en Colombie-Britannique. Il a développé les ressources du programme scolaire pour la justice climatique pour le Centre canadien de politiques alternatives en s’intéressant au lien entre les problèmes associés au changement climatique et les problèmes d’injustice et d’impartialité en Colombie-Britannique. Il a aussi travaillé en tant que coordinateur de curriculum pour le séminaire Pearson de la jeunesse à l’œuvre. Ryan siège actuellement au comité contre la pauvreté avec le comité de fédération de professeurs de Colombie-Britannique pour l’action de justice sociale. Ryan a également reçu une Feuille d’Or de l’Association canadienne d’éducation pour son ouvrage Privatization and privilege come at a price.

Nirina Dériaz est diplômée au baccalauréat en traduction professionnelle de l’Université de Sherbrooke.

Le programme scolaire pour la justice climatique, qui comprend huit modules avec des vidéos intégrées, des graphiques téléchargeables, des présentations PowerPoint, des documents PDF à imprimer et des ressources additionnelles, est offert gratuitement sur https://teachclimatejustice.ca/. Le cours suivant correspond au module 7 et s’appuie sur le projet de recherche de la justice climatique, notamment :

Imaginons notre avenir

Les gens peuvent se sentir dépassés face à un problème aussi important que celui du changement climatique, et ce même s’il existe de nombreuses solutions. Dans ce module, nous invitons les élèves à imaginer le monde qu’ils veulent.

OBJECTIFS

  • Amener les élèves à voir la crise climatique actuelle comme un appel à l’action.
  • Amener les élèves à établir un lien entre l’histoire écologique de notre époque et les conséquences pour les générations futures.
  • Encourager les élèves à agir et à créer une vie meilleure pour eux-mêmes et pour leurs proches.

Durée : 60 minutes

À lire à haute voix : « L’entreprise humaine a déjà dépassé la capacité d’absorption de la planète et l’accélération du changement à l’échelle mondiale forcera bientôt la communauté internationale à envisager la fin de la croissance matérielle. Si notre meilleure science du climat et de l’environnement est fondamentalement correcte, alors l’humanité devra choisir entre le maintien du statu quo – auquel cas la nature est susceptible d’imposer une implosion chaotique – ou la planification d’une décroissance ordonnée et équitable de ses activités. En bref, pour atteindre la durabilité avec justice, nous devrons délibérément réduire l’économie mondiale (ou du moins, réduire le flux de production d’énergie et de matériel) et envisager des moyens de redistribuer la richesse écologique et économique à l’échelle nationale et locale. » William Rees : Avoiding Collapse

Beaucoup de personnes voient la crise climatique comme un appel à l’action pour améliorer les choses et lutter pour la justice climatique. L’abandon progressif de combustibles fossiles peut être une façon d’améliorer la vie de tous et de s’assurer que les avantages et les inconvénients de la transition sont répartis équitablement. À mesure que nous faisons des changements majeurs pour réduire l’émission de gaz à effet de serre et que nous nous adaptons au changement climatique, les occasions d’innover et d’obtenir un emploi bien rémunéré se multiplient. Pour y arriver, nous avons certes besoin de technologie, mais surtout d’une volonté politique de faire ces changements.

En ce moment, les questions sur la justice climatique sont :

  • Comment pouvons-nous construire un avenir durable qui permettra de renforcer notre économie et notre société, et qui sera avantageux pour tous?
  • Que font les jeunes pour lancer cette révolution?

Montrer la vidéo (en anglais) :

Que peuvent faire les jeunes de votre collectivité pour réagir au changement climatique? youtu.be/IdgPEUvjGSs

Activité : « Le cercle double »

Cette activité s’inspire de l’approche de Joanna Macy, The Work that Reconnects  (le travail qui recrée les liens), plus précisément du chapitre 9 : Deep Time – Reconnecting with Past and Future Generations (https://canadiancoursereadings.ca/product/deep-time-reconnecting-with-past-and-future-generations/)

REMARQUE : L’exercice suivant devrait se dérouler dans une ambiance de partage et de cérémonie. Les cellulaires et les autres appareils électroniques des élèves et des professeurs doivent être éteints et hors de portée pour conserver le sentiment d’un lieu sacré et pour éliminer les distractions. Les professeurs devraient également faire attention à leur façon de parler et à la façon dont ils demandent aux élèves de changer de position. Il est recommandé d’utiliser une cloche ou un carillon pour signaler que le temps alloué pour répondre à une question est écoulé.

Tracez deux cercles concentriques (l’un dans l’autre). Il doit y avoir le même nombre de personnes dans chaque cercle. Les personnes du cercle intérieur sont tournées vers l’extérieur et celles du cercle extérieur vers l’intérieur, afin que tout le monde soit en face d’un partenaire. Lorsque tout le monde est en place, demandez aux élèves de s’asseoir en silence pendant dix secondes avant de commencer l’exercice.

Durant l’exercice, quand une personne parle, la personne qui l’écoute doit le faire attentivement. Gardez à l’esprit que le langage corporel qui indique une écoute attentive diffère d’une personne à l’autre, entre autres pour des raisons culturelles. L’important est que chaque élève porte toute son attention à ce qu’il fait, dit et entend.

À lire à haute voix : La personne du cercle intérieur – la personne en face de vous est votre descendant. Par un miracle du destin, vous avez la possibilité d’être en face de votre arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petit-enfant – sept générations plus tard. Dans le futur, le monde est très différent de ce qu’il est aujourd’hui, et ils savent que le moment présent est crucial dans l’histoire de l’humanité. [Insérer l’année en cours ici] est une période de désastre écologique. Les siècles de combustion de carburants fossiles ont altéré le climat de notre planète et le moment est venu de déterminer l’avenir des générations futures. Votre descendant vous pose cette question : « Ancêtre, ce que nos professeurs nous ont enseigné et ce que nous avons appris durant les cours d’histoire est-il vrai? Est-ce vrai qu’à l’époque où tu as vécu il y avait des guerres et des pays en préparatifs de guerre, de la famine et des sans-abris, que les riches s’enrichissaient et les pauvres s’appauvrissaient, que les mers, le sol et l’air étaient contaminés et que de nombreuses espèces disparaissaient… et que tout cela se produisait tout le temps? Décris-moi comment c’était pour toi? »

Demandez à la personne du présent de répondre à la personne du futur.

Faites sonner la cloche ou le carillon pour signaler que le temps alloué pour répondre est écoulé.

Demandez aux personnes du cercle extérieur de se déplacer dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’à la personne suivante du cercle intérieur.

À lire à haute voix : Le descendant pose une deuxième question. « Ancêtre, nous avons des histoires, des films et des chansons qui parlent des changements importants que toi et tes amis avez faits à votre époque pour rendre le monde meilleur. Comment avez-vous fait? Vous deviez vous sentir seuls et perdus parfois, surtout au début. Quelle a été la première étape? Comment as-tu participé à ce processus de changement? »

Demandez à la personne du présent de répondre à la personne du futur.

Faites sonner la cloche ou le carillon pour signaler que le temps alloué pour répondre est écoulé.

Demandez à nouveau aux personnes du cercle extérieur de se déplacer dans le sens des aiguilles d’une montre.

À lire à haute voix : Le descendant pose une troisième question. « Ancêtre, je sais qu’au nom de la Terre, vous avez enchainé les actions, malgré les défis auxquels vous deviez faire face. Dis-moi, qu’est-ce qui vous a donné de l’espoir? Où avez-vous trouvé la force et qu’est-ce qui vous a donné la joie de continuer à travailler si dur, malgré les obstacles et le sentiment de découragement? »

Demandez à la personne du présent de répondre à la personne du futur.

Faites sonner la cloche ou le carillon pour signaler que le temps alloué pour répondre est écoulé.

À lire à haute voix : Descendants, restez où vous êtes! C’est maintenant à votre tour de parler, et à votre ancêtre d’écouter. Qu’avez-vous pensé et ressenti en écoutant votre ancêtre?

Faites sonner la cloche ou le carillon pour signaler la fin de l’activité.

Compte-rendu de l’exercice en classe : les élèves doivent répondre aux questions suivantes oralement ou par écrit.

  • Quelles émotions ont été ressenties au cours de l’exercice?
  • Qu’avez-vous ressenti en racontant l’histoire à votre descendant ou en écoutant l’histoire de votre ancêtre, dans un contexte « historique »?
  • Quelles idées avez-vous eues lorsque vous avez décrit ou écoutez les mesures prises pour résoudre les problèmes liés au changement climatique?
  • Que vous est-il venu à l’esprit lorsque vous avez parlé ou entendu parler de ce qui donnait de l’espoir lorsque des difficultés ou des obstacles se présentaient?
  • Qu’aimeriez-vous faire en ce moment pour améliorer votre vie et votre avenir et celui des personnes qui vous sont chères?

Soyez précis :

  • Que puis-je faire à l’échelle de ma famille?
  • Que pouvons-nous faire à l’échelle de la classe? Que pouvons-nous faire à l’échelle de l’école?
  • À quoi pouvons-nous nous engager maintenant?

[1] http://environment.yale.edu/climate-communication/article/scientific-and-public-perspectives-on-climate-change

[2] http://teachclimatejustice.ca/

[3] www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/b-c-has-highest-child-poverty-rate-in-canada-report-1.2440909

[4] www.huffingtonpost.ca/2013/11/18/canada-climate-policy-worst_n_4296396. html

[5] www.straight.com/news/497706/will-liquefied-natural-gas-frenzy-blow-bcs-carbon-budget

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