Skip to content

L’école de la communauté de la Terre : un modèle du retour aux fondements de l’éducation secondaire

Par Hans C. Verhagen

Traduction par Jocelyne Dickey

Une des principales caractéristiques du XXIe siècle est l’apparition d’une révolution dans la durabilité. Son importance transcendantale et le défi qu’elle suppose ont été exprimés de la meilleure façon par le premier administrateur de l’Agence de protection environnementale des États-Unis, William D. Ruckelshaus, quand il a demandé:

Pouvons-nous faire bouger les nations et les gens en direction de la durabilité? Un tel mouvement supposerait une modification de la société comparable à deux autres changements: la révolution agricole du Néolithique tardif et la révolution industrielle des deux derniers siècles. Ces révolutions se sont produites de manière graduelle, spontanée et, en grande partie, inconsciente. La modification dont nous parlons devra être une opération pleinement consciente, guidée par la meilleure prévision que la science puisse fournir. Si nous l’entreprenons maintenant, la tâche sera absolument unique depuis que l’humanité a posé ses pieds sur la Terre.

Même si la révolution est en train de se faire, l’éducation continue à fonctionner sans reconnaître l’urgence de celle-ci, ce que C. A. Bowers a nommé une “culture de la négation” de la dimension écologique. Nous devons nous demander: “Jusqu’où désirons-nous que notre société aille, et comment organisons-nous notre entreprise éducative, pour que les jeunes répondent et se rendent responsables des objectifs sociaux, économiques et environnementaux de la révolution de la durabilité?”

Alors que j’enseignais les sciences de la Terre à des étudiants de 8e année du système publique de New-York, j’ai développé un idéal pratique d’éducation secondaire de connaissances sur la Terre, appelé “Modèle d’école de la communauté de la Terre” (ECT). Le modèle est basé sur l’hypothèse de la nécessité de passer d’un enseignement et d’un apprentissage anthropocentriques à un modèle plus biocentrique, et d’un programme traditionnel à un curriculum scolaire intégré qui ait la durabilité comme principe organisateur. Comme tous les modèles éducatifs, l’école de la communauté de la Terre est un travail en devenir. Ce qui suit est un résumé de ses objectifs, principes organisationnels et composantes et quelques suggestions pour sa mise en marche.

Les objectifs intégrés de l’école de la communauté de la Terre sont:

  • Contribuer aux objectifs sociaux d’héberger des sociétés et des communautés durables, justes et participatives.
  • Aider les jeunes à développer leurs connaissances de la Terre, une perspective et un ensemble de valeurs avec lesquelles répondre aux plus grands défis sociaux et écologiques du présent et du futur.
  • Aider à ce que le défi de la durabilité se convertisse en principe directeur du programme.

Principe organisationnel: durabilité contextuelle

Le principe organisationnel de l’ECT est la durabilité contextuelle, qui se définit comme la durabilité écologique dans un contexte de justice sociale et la prise participative de décisions. La durabilité contextuelle est un concept qui reconnaît la relation réciproque entre le monde écologique et le monde social, le monde environnemental et la paix, ainsi que la médiation humain-humain et humain-Terre. Ses principaux éléments sont:

Durabilité écologique: une société écologiquement durable est celle qui vit à l’intérieur des limites que la Terre a la capacité de supporter et celle qui agit pour restaurer et protéger la santé et la biodiversité des écosystèmes locaux et globaux.

Justice sociale: la justice sociale se réfère aux relations équitables, justes ou correctes, à l’environnement autant personnel que systémique entre les êtres humains. La pauvreté flagrante et l’opulence flagrante sont les principales causes de la dégradation écologique; sans justice sociale, la durabilité écologique est impossible.

Prise participative de décisions: ni la durabilité écologique ni la justice sociale ne peuvent réussir si les principaux intéressés ne les possèdent pas. Le modèle d’ECT met beaucoup d’emphase sur la participation étendue et variée des parents, des étudiants et de toute la communauté éducatrice dans le tracé de la gestion de l’école et dans la prise de décisions d’une manière partagée.

Composantes du modèle ECT

Le principe qui guide la durabilité contextuelle dans le modèle ECT peut être appliqué à tout niveau éducatif, mais les six composantes suivantes s’appliquent directement au secondaire.

1. Un curriculum scolaire commun intégré qui fait la promotion des connaissances au sujet de la Terre

Les connaissances au sujet de la Terre comprennent deux domaines : la conscience de la Terre et le soin de la Terre. Ainsi, un curriculum scolaire commun dans une ECT reflète et est organisé en fonction des défis écologiques et sociaux interconnectés au niveau local et global (la conscience de la Terre); il conduit à la communauté éducative axée sur le développement d’attitudes et d’habiletés qui traitent des défis socio-écologiques (soin de la Terre). Le fait d’avoir des connaissances au sujet de la Terre amènera les étudiants à s’identifier comme membres, non comme propriétaires ou administrateurs du réseau de la vie. On doit aider les jeunes à incorporer dans leur définition du moi le concept du moi écologique; c’est très important pour les étudiants du secondaire, qui sont spécialement impliqués dans la recherche de ce qu’ils sont.

En opposition au point de vue interdisciplinaire, où les matières sont divisées entre les disciplines, dans un curriculum scolaire intégré les matières sont analysées à l’intérieur de différents thèmes ou concepts, où, par la suite, ces thèmes se traduisent en activités. Ainsi, si le thème de la qualité de l’air est choisi pour un semestre, on développe des activités pour ce thème, comme la pollution de l’air et la surveillance. Certaines activités peuvent inclure plus de contenu social, alors que d’autres peuvent être plus adéquates pour les sciences. Normalement, l’art, la langue et les mathématiques peuvent être utilisés pour chacune d’elles.

2. Opérations éducatives éco-efficaces

Une partie importante du modèle ECT est l’application des connaissances au sujet de la Terre aux opérations éducatives. Les élèves, les professeurs et le personnel administratif et de services travaillent ensemble dans le développement de procédures qui assurent un usage efficace et frugal de l’eau, de l’énergie, du papier et des autres ressources. Rendre les étudiants plus responsables de l’environnement physique de l’école peut inclure, tel que réalisé dans certains pays asiatiques, le ménage des salles de cours et d’autres parties de l’école.

3. Une déclaration sur la mission vitale et un comité associé au curriculum scolaire

Une ECT devrait avoir une déclaration sur la mission vitale qui reflète et dirige le curriculum scolaire, les opérations et la vie de l’école. L’école, en tant que groupe, doit posséder cette déclaration d’intention, possible seulement quand il s’agit d’un processus bien planifié dans lequel tous les participants atteignent un consensus de base et développent un esprit d’équipe. Ce processus peut demander quelques années. Plus fort est le consensus sur les questions fondamentales, plus rapidement est érigé l’édifice d’une ECT. Le processus de clarification de la mission, de la surveillance et du développement devrait être sous la responsabilité d’un comité du curriculum scolaire.

4. Liens avec la communauté

En mettant l’accent sur la relation entre l’école et la communauté locale, les ECT s’engagent dans des activités comme l’attention aux nécessiteux, la participation dans des projets d’embellissement, la plantation d’arbres et la surveillance de la qualité de l’eau locale, du sol et de l’air. Ces activités font partie d’un effort pour développer des communautés durables qui reflètent les valeurs écologiques et sociales intégrées dans les statuts de la Terre.

5. Résolution créative de conflits

Le curriculum scolaire d’une ECT contient des programmes qui traitent de la prévention de la violence et de la résolution de conflits entre les êtres humains et les animaux, et entre les êtres humains et la Terre.

6. Un langage écologiquement solide

Le langage reflète et construit nos valeurs, notre idéologie et notre vision du monde. Dans une ECT, les élèves apprennent comment le langage perpétue la dominance des préjugés anthropocentriques et on leur enseigne de nouvelles stratégies grammaticales et lexicales pour que le langage soit le moyen qui conduit à une vision biocentrique du monde.

7. Mise en marche du modèle ECT

La mise en marche du modèle ECT se réalisera, de manière idéale, en trois niveaux: professeur – classe, école – parents – communauté, district – état / province – entité fédérale. Le plus prometteur de manière immédiate est le niveau école – parents – communauté, particulièrement dans des juridictions où l’urgence d’agir pour le statut des écoles donne aux écoles, aux parents et aux communautés une plus grande flexibilité pour expérimenter. L’adoption du modèle au niveau district – état / province – entité fédérale réussira seulement si les niveaux secondaires exercent une pression pour la réalisation de cette stratégie éducative.

La mise en marche du modèle dépend beaucoup du leadership du directeur ou d’une équipe composée du personnel et de parents. Cette équipe du leadership de l’école doit être prête à s’engager dans un processus provocateur de remise en question des bases idéologiques des stratégies éducatives, à initier un processus de discussion de faculté jusqu’au développement d’une déclaration de la mission vitale et à établir un comité du curriculum scolaire qui sauvegarde, surveille et développe cette déclaration de mission.

  1. Remettre en question et perfectionner sa propre perspective pour faire le lien entre l’éducation environnementale (anthropocentrique) et les connaissances de la Terre (biocentrique et avec un langage plus amical avec la Terre).
  2. Développer un module d’introduction à la Connaissance de la Terre, constructeur de perspectives qui unissent tout le cours. Les programmes de classe pourraient inclure des titres comme “Valoriser la Terre”, “Devenir amis de la Terre” et “Se convertir en une personne compétente dans les connaissances de la Terre”. Travailler avec les professeurs d’autres matières pour que le module de Connaissance de la Terre soit plus universel.
  3. Initier un processus significatif pour le développement d’une Déclaration de mission.
  4. Organiser un programme pour une Assemblée de la Terre, soit pour un cours entier ou pour toute l’école, qui traite d’un thème environnemental important, comme l’air propre et la prévention du gaspillage.
  5. Demander aux élèves de rédiger des rapports de ces assemblées ou des rapports sur des thèmes touchant la connaissance de la Terre comme partie du programme scolaire de compétences linguistiques ou obtenir qu’ils s’impliquent dans des projets environnementaux de la communauté, avec des organisations locales privées ou publiques.
  6. Créer un réseau de contacts avec des éducateurs d’autres écoles et partager les expériences du modèle ECT dans des revues, des bulletins de nouvelles, des conférences, etc.
  7. Être attentif aux possibilités qui se présentent autant dans que hors de l’école durant ce temps de flux de théorie et de pratique éducatives. Par exemple, au moment de commenter les résultats à l’intérieur du curriculum scolaire ou de nouveaux programmes, ajouter le mot  “écologique” à des termes comme “social” ou “économique”.
  8. En plus de tout ce qui a déjà été cité, être convaincu de l’importance du point de vue de la Communauté de la Terre, aussi bien pour les personnes que pour la planète.

Jamais auparavant l’humanité n’a eu autant besoin d’une perspective qui soutienne la Terre, au lieu de travailler contre elle. Jamais auparavant il n’y a eu autant de besoin de connaissance de la bonne disposition pour vivre en harmonie avec les systèmes de la Terre et avec toutes les autres formes de vie. L’ECT est un ultime essai de “retour au fondamental”, constituant un défi pour n’importe quel système sérieux d’éducation qui prétend contribuer à la relativisation écologique à l’intérieur de la révolution de la durabilité émergente du XXIe siècle.

—————————————————

Hans C. Verhagen est sociologue, il dirige “Éducation et investigation de la durabilité” à Earth and Peace Education Associates International et donne le cours “Communautés durables” à l’université Pace de New-York.

 Traduit par Jocelyne Dickey, biologiste et professeure de biologie et informatique à la retraite, traductrice bénévole depuis 2004, Québec

Ce qui précède est une traduction de « The Earth Community School: A back-to-basics model of secondary education » qui a été publié en Teaching Green: The High School Years.

——————————————–

Notes:

notes

 

 

 

 

 

Références:

ref

No comments yet

Leave a Reply