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Petit à petit, l’oiseau fait son nid et l’élève s’instruit

Par Renee Bachman et Ted Watt

Traduction par Aude Charrin

Tranquillement assis dans la forêt, parfois dérangés par quelques moustiques, nous écoutions attentivement le chant des différentes espèces d’oiseaux au-dessus de nos têtes. Sarah appuya délicatement sur le bouton du lecteur de cassette, et l’appareil diffusa l’appel nuptial de la paruline bleue mâle. Quelques secondes plus tard, Kevin ajusta ses jumelles et chuchota : “ Je la vois”.

Répondant à notre enregistrement, un mâle au plumage bleuté s’était faufilé dans les arbres alentour et nous faisait don de son chant. Denise cocha soigneusement la case ‘mâle chanteur’ dans la colonne appropriée du formulaire de collecte de données, et chacun se gratifia d’un sourire satisfait. Ce moment fut, pour mes élèves de cinquième année, la consécration de semaines de travail et de discussions sur les oiseaux chanteurs au cours desquelles ils avaient étudié leur trajet migratoire annuel, leur chant, leur appel nuptial, leur plumage, leur comportement, ainsi que les caractéristiques de leur habitat de reproduction. En explorant les écosystèmes de la réserve forestière située juste en face de notre école, les élèves ont recueilli et analysé des données sur les oiseaux et leur habitat.

Ce programme a été conçu dans le but de stimuler l’intérêt des élèves et des enseignants pour les activités d’apprentissage en plein air, et repose essentiellement sur la méthode du projet Birds in Forested Landscapes (en anglais seulement), une initiative de science citoyenne du Cornell Laboratory of Ornithology. En découvrant les différents aspects et les exigences de cette méthode, mes collègues et moi-même avons pris conscience qu’elle nous permettrait d’aider nos élèves à acquérir les connaissances nécessaires au recensement de données pertinentes. Dans le cadre du projet, les élèves recueillent des données présentant un intérêt pour la conservation de certaines espèces, selon la liste des espèces en situation préoccupante (en anglais seulement) du laboratoire de Cornell. Ils procèdent, en équipe, à l’analyse critique de leurs données et formulent des interrogations scientifiques auxquelles les renseignements recueillis par le groupe permettent de répondre. Cette étude est très intéressante et la participation active des élèves suscite des discussions passionnantes sur les oiseaux et la forêt, ainsi que sur la démarche scientifique.

Les objectifs du programme sont les suivants :

  • identifier sur le terrain quatre espèces d’oiseaux sélectionnées en utilisant des indices visuels et auditifs;
  • décrire et examiner les différentes caractéristiques des habitats forestiers;
  • recueillir et consigner des données sur le comportement des oiseaux et leurs chants;
  • soulever des interrogations scientifiques auxquelles les élèves peuvent répondre par l’examen des données;
  • analyser les données pour tirer des conclusions sur la présence des espèces d’oiseaux sélectionnées pendant leur période de reproduction et répondre aux questions laissées en suspens.

Préparation

Avant d’entreprendre l’étude comme telle, il est important de rassembler certains renseignements. Familiarisez-vous avec la topographie et les types d’écosystèmes des réserves forestières proches de votre école, soit à l’aide d’un GPS (les téléphones intelligents en sont souvent munis), soit en partant directement en reconnaissance sur le terrain. Étudiez les différents habitats présents et choisissez, à partir d’un répertoire comme celui de Cornell, des oiseaux nicheurs susceptibles d’être observés. Dans le cadre de notre projet, nous avions sélectionné la grive fauve, la grive des bois, la paruline bleue et le pioui de l’Est.

Reportez-vous aux méthodes d’étude sur le terrain proposées sur le site Web Birds in Forested Landscapes (en anglais seulement) et au protocole présenté par le laboratoire de Cornell pour établir une carte de la forêt précisant les différents lieux d’étude. Ces différents points seront les lieux de recensement des appels nuptiaux; l’identification de ces points préparera votre enquête sur le terrain. Prenez en considération la végétation, le relief et la proximité de chacun des emplacements avec des caractéristiques spécifiques aux habitats, qu’elles soient humaines ou non, comme la présence d’eau. Vous trouverez l’information nécessaire au recensement de ces données dans le protocole de Cornell.

Il vous faut ensuite réunir l’équipement adéquat : une paire de jumelles par personne; des photos des espèces sélectionnées; un lecteur de CD portable par équipe (nous nous sommes aperçus que le son des lecteurs MP3 n’était pas assez fort); des enregistrements sur CD des appels nuptiaux des oiseaux sélectionnés; des planchettes à pinces; des stylos; des formulaires de collecte de données, et finalement, des boussoles et des cartes de la forêt où sont situés les différents lieux d’étude.

Déterminez les compétences dont vos élèves auront besoin et établissez votre plan de leçon dans le but d’aborder les notions pertinentes vues en classe avant le recensement. Pour bien préparer notre enquête sur le terrain, nous avions déterminé préalablement le rôle de chacun, et assigné les responsabilités suivantes :

  • le fonctionnement du lecteur de CD et des enregistrements;
  • la diffusion des enregistrements ainsi que leur chronométrage;
  • le report précis des données sur le formulaire de collecte;
  • l’observation des arbres pour y dénicher les oiseaux.

Cette méticuleuse préparation nous a amenés à constater que nous aurions besoin d’au moins quatre parents ou bénévoles pour nous aider dans notre étude. Ces bénévoles ont dû s’engager à suivre une formation le soir après l’école et à prendre part à trois matinées sur le terrain avec les élèves. De plus, ils ont dû eux-mêmes apprendre à identifier les différentes espèces d’oiseaux sélectionnées.

Étude préalable en classe

Comme tous les lundis, je me tenais près de la porte de la classe pour accueillir mes élèves. Mais ce matin-là, j’avais couvert le tableau de photos des oiseaux que nous observions depuis plus de 6 mois à la mangeoire installée devant les fenêtres. Les élèves s’étaient empressés de nommer les espèces qu’ils reconnaissaient. « Ça, c’est une mésange à tête noire », avait déclaré Alex. « Et ça, c’est un geai bleu », avait ajouté Denise. Je n’avais pas prévu de commencer la journée par les sciences, mais devant leur enthousiasme, je ne pouvais manquer cette occasion de faire de cet instant un agréable moment pédagogique. La discussion qui s’en était suivie avait en quelque sorte fait office de pré-évaluation pour notre étude. J’avais ainsi beaucoup plus d’idées et de matière pour étoffer mon cours de préparation en vue de l’enquête sur le terrain.

Il restait cependant quelques photos d’oiseaux que les élèves n’avaient pas su identifier; quatre faisaient d’ailleurs partie des espèces sélectionnées. Plus tard dans la journée, j’avais donc fait les présentations et nous étions allés au laboratoire d’informatique pour faire plus ample connaissance avec ces espèces en consultant le site Web de Cornell, All About Birds (en anglais seulement). Trois séances de quarante-cinq minutes ont ensuite été nécessaires pour mener à bien nos recherches sur ces oiseaux. Elles nous ont permis d’identifier les caractéristiques que doit présenter leur habitat de reproduction et de reconnaître leurs chants et leurs appels nuptiaux. Les élèves se sont également familiarisés avec les cris et les chants d’autres espèces communes dans notre région et qu’ils étaient susceptibles de rencontrer. En parallèle, nous avons passé plusieurs jours à étudier le protocole de recherche sur le terrain de Cornell.

Comme l’observation du protocole de recherche de Cornell prévoit la diffusion d’enregistrements d’appels nuptiaux dans une zone active de reproduction et que cette diffusion peut engendrer des effets sur le comportement des oiseaux nicheurs et hausser leur niveau de stress, nous avons abordé ce sujet en classe pour inciter les élèves à limiter le recours à cette méthode lors de notre étude.

Formulation de questions et d’hypothèses

Observer le protocole de Cornell et participer à une démarche de science citoyenne est un engagement et une expérience pédagogique à part entière. Cependant, vous pourriez demander à vos élèves de s’investir également dans des recherches complémentaires sur le sujet de leur choix. Certains posent des questions et démontrent de l’intérêt à propos d’une espèce en particulier? Voilà une excellente occasion de les aider à avancer leurs propres hypothèses et à les vérifier grâce aux renseignements collectés. La plupart des interrogations de nos élèves concernaient les besoins vitaux des oiseaux en matière de nourriture, d’eau et d’abri. Un de nos étudiants s’est aussi intéressé aux espèces parasitaires.

Chacun de nos six groupes sur le terrain a soulevé plusieurs questions pertinentes : Est-ce qu’une plus grande variété d’espèces d’oiseaux sera recensée près des points d’eau? Est-ce que la paruline bleue sera identifiée à chacun des lieux d’observation? Est-ce que chaque groupe pourra voir ou entendre le vacher à tête brune? Vous pouvez d’ailleurs utiliser ce genre de questions pour apprendre à vos élèves à énoncer des hypothèses exhaustives.

Étude de terrain

Si vous prévoyez recourir à des bénévoles ou à des parents, je vous recommande d’organiser, au préalable, une sortie de reconnaissance pour qu’ils puissent se préparer. Lors de notre première excursion en forêt, nous avons suivi le protocole étape par étape, en commençant par nous rendre jusqu’aux différents emplacements et mettre en place nos lecteurs CD.

Pour que chacun puisse s’entraîner à recenser les oiseaux qu’il voit ou entend et à retranscrire correctement leur nom, chaque équipe doit apporter son propre formulaire de collecte de données. Demandez également à vos élèves de relire les différentes étapes du protocole et amenez-les à exercer leurs compétences d’identification.

Au cours de notre première sortie, les élèves étaient subjugués par la diversité des oiseaux vivant dans la forêt située à deux pas de chez eux. À notre retour en classe, j’ai laissé cet enthousiasme guider la suite du cours : nous étions tous fascinés par l’intelligence et la beauté des oiseaux. Nous avons confronté les notes prises pendant nos recherches en laboratoire d’informatique à ce que nous avions vu sur le terrain. Nous avons discuté du comportement de chaque espèce et des différences observées d’une espèce à l’autre en matière de gabarit et de plumage.

Notre première vraie journée de recensement sur le terrain arriva enfin. Tout le monde était présent, et nous avions six lecteurs CD fonctionnels. Nos jumelles autour du cou et notre chapeau vissé sur la tête, nous nous sommes mis en marche vers nos différents lieux de recensement. À l’aide de ma boussole, je guidais notre petit groupe à travers les buissons de kalmia à feuilles larges, les taillis d’épinettes et un labyrinthe de chênes. Je suivais fidèlement les changements de cap des aiguilles de mon instrument, mesurant les distances à mon nombre de pas. J’étais à la recherche des deux tulipiers de Virginie repérés au moment de choisir les lieux de recensement. Marchant prudemment sur l’échine d’un arbre couché, je levai les yeux pour tomber nez à nez avec ces deux arbres, que nous avions marqués d’un petit drapeau orange. À cet instant, j’étais plutôt fière de mon sens de l’orientation. Une fois notre petit groupe installé, nous nous sommes mis au travail.

Lorsque toutes les équipes sont rentrées de leur excursion, les élèves ont partagé leurs découvertes, accompagnées, pour beaucoup, d’anecdotes fascinantes. À partir des observations faites le premier jour, nous avons également enrichi notre ‘liste des espèces protégées’ de nouveaux oiseaux et de leur chant. Le protocole recommandait que les recensements se fassent à un mois d’intervalle; nous avons donc, durant plusieurs mois, continué d’étudier les oiseaux et d’écouter leurs appels, améliorant nos méthodes au fil des sorties.

Diffusion des résultats de l’étude

Une simple présentation de votre étude peut manquer un peu d’originalité. Pourquoi ne pas faire en sorte que tout l’école s’y sente associée? Pour ce faire, nous avons créé un tableau d’affichage à l’extérieur de la classe, que nous avons étoffé selon nos découvertes, expliquant notre démarche pas à pas. Nous avons commencé par y consigner le titre de notre projet, puis avons ajouté une photo satellite de la réserve forestière provenant de Google Earth, et la description de nos six lieux de recensement. D’autres éléments ont été ajoutés au long de l’étude : photos ou dessins des élèves représentant le sujet de leur travail, questions et hypothèses émises par chacun. Ces renseignements ont progressivement apporté une nouvelle dimension à notre tableau. Après les deux premiers jours de recensement, l’analyse des données a permis aux élèves de commencer à tracer des graphiques, à établir des corrélations et à tirer les conclusions de leurs recherches. Enfin, tout ce travail a été mis en commun pour parfaire le tableau, le transformant en une série d’affiches, présentées devant parents et camarades à la fête de fin d’année.

Sécurité : votre priorité

Sur le terrain, vous vous exposez à des rencontres malheureuses : guêpes, moustiques, tiques, ronces, herbe à puce… sans compter que vous, ou vos élèves, risquez aussi de trébucher sur une racine, de glisser sur des roches ou même de vous perdre dans la forêt. Assurez-vous d’envoyer des demandes d’autorisation détaillées aux parents, qui expliquent les dangers potentiels et la façon dont vous comptez les prévenir. Mettez l’accent sur l’importance de porter des chaussures et des vêtements adéquats, et offrez la possibilité aux familles de retirer leur enfant de l’étude sur le terrain. Les sorties de classe en plein air comportent de réels dangers. Ce programme d’apprentissage, auquel notre école participe depuis maintenant cinq ans, s’est révélé être, d’après mon expérience, un excellent moyen d’encourager l’exploration en forêt et de susciter l’enthousiasme des élèves et du corps enseignant pour la nature, et ce, en toute prudence.

Conclusion

L’engouement et la motivation générée chez nos élèves par cette étude est manifeste. Toute l’école est à même de le constater. La communion avec la nature et le sentiment de pouvoir contribuer concrètement à la protection des oiseaux grâce à leurs propres observations ont véritablement trouvé écho auprès de nos élèves.

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[A Checklist for Teaching the Unit- Page 4]

Aide-mémoire pour l’activité

Préalable au travail en classe

Déterminez une zone d’étude, choisissez vos espèces à étudier, revoyez la méthode de l’enquête de terrain, définissez les lieux de collecte de données, évaluez les caractéristiques de ces mêmes lieux, rassemblez l’équipement nécessaire, identifiez les compétences que les élèves doivent acquérir et le rôle de chaque membre de l’équipe, et enrôlez des bénévoles que vous formerez par la suite.

Travail en classe précédant l’étude de terrain

Faites une pré-évaluation, conduisez une recherche sur les différentes espèces d’oiseaux et sur les caractéristiques spécifiques aux habitats de reproduction, étudiez les appels nuptiaux et les chants de chaque oiseau, référez-vous au protocole et sensibilisez les élèves aux conséquences de l’utilisation d’appels enregistrés pour la recherche.

Étude de la démarche scientifique en classe

Soulevez des interrogations scientifiques et apprenez aux élèves à formuler des hypothèses logiques suivant le modèle « Si…, alors…, parce que… ».

Étude de terrain

Faites une première sortie « d’entraînement », menez le premier recensement et échangez les données recueillies par chaque équipe.

Diffusion des découvertes

Faites connaître la collecte des données en cours à l’école (création d’un tableau d’affichage), parachevez vos recensements, analysez les données, établissez des corrélations, tracez des graphiques, tirez des conclusions à partir des données réunies et célébrez la réussite de votre projet!

Liens avec les Next Generation Science Standards

Ce module offre aux élèves la possibilité d’amorcer des débats reposant sur les données recensées. Nous avons ainsi engagé de nombreuses discussions sur la démarche scientifique mettant en opposition le principe des relations de cause à effet et une approche plus mathématique des relations d’interdépendance par le calcul de moyennes. Cette étude a permis aux élèves d’intégrer les notions et les concepts propres aux activités de recherche, ainsi que de vivre une réelle expérience sur le terrain selon leur niveau de connaissances. Grâce à cette approche scientifique, les élèves ont également développé un profond intérêt pour la beauté et la diversité des espèces d’oiseaux endémiques à notre forêt et ont su apprécier, probablement mieux que la plupart d’entre nous, le monde qui les entoure.

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Renee Bachman est une enseignante de l’école primaire Leeds, à Northampton, dans le Massachusetts. Elle saisit toutes les occasions de faire participer ses élèves à des expériences scientifiques à l’extérieur.

Éducateur et naturaliste, Ted Watt travaille depuis 1894 pour le Hitchcock Center for the Environment, à Amherst, dans le Massachusetts. Il partage sa passion du plein air avec les grands et les petits, les encourageant à établir des liens privilégiés avec la nature grâce à l’observation.

Aude Charrin est étudiante en traduction à l’Université de Sherbrooke.

Ce qui précède est une traduction de « Birding for Beginners » qui a été publié en Green Teacher 103, Été 2014.

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