Dix manières d’enseigner la science à l’extérieur

« Sans cet amour profond pour la nature et ce sentiment de réconfort qu’elle nous procure, on ne peut espérer convaincre les autres d’éteindre les lumières ou de se déplacer à vélo. » – David Sobel
AIMER LA NATURE et s’y sentir à son aise – ce que plusieurs d’entre nous aimeraient faire ressentir à leurs élèves – sont des sentiments qui se développent quand l’on interagit de manière significative avec les grands espaces. Ma propre affection et ma passion pour promouvoir la conservation à l’échelle locale et mondiale provient de mes expériences de jardinage, d’observation des oiseaux avec mes parents et d’exploration des aires naturelles environnantes. Comme pour n’importe quel sujet ou concept que j’expose en classe, je ne peux pas présumer que mes élèves et moi partageons les mêmes expériences fondamentales. En fait, certains d’entre eux ont démontré de la peur, de l’irritation et de l’inconfort total lors de sorties en plein air. Pour surmonter ces obstacles, nous devons laisser nos jeunes interagir avec la nature de la même manière que nous les ferions pratiquer des mots de vocabulaire, des compétences en laboratoire ou d’autres habiletés fondamentales : avec une exposition répétée et des activités pratiques.
Même si les parcs, les zoos, les réserves riveraines et les forêts nationales sont de superbes endroits pour renforcer les liens avec mère nature, nul besoin de planifier de longues et onéreuses sorties scolaires pour faire prendre l’air à nos jeunes. Il peut être tout aussi gratifiant d’explorer nos propres cours d’écoles et d’encourager nos élèves à découvrir leur voisinage. Enseigner à l’extérieur ne fait pas que les aider à se rapprocher de la nature : cela leur donne l’occasion d’agir positivement sur l’écosystème de leur campus, ce qui est d’autant plus important si sa biodiversité est faible. Montrer aux élèves que la nature se trouve près de la maison et de l’école peut aussi les aider à tisser des liens avec elle, en plus de leur faire comprendre que les milieux urbains sont aussi des écosystèmes importants.
Voici dix manières constructives et pertinentes d’explorer nos cours d’écoles pour aider les jeunes du secondaire à tisser des liens significatifs avec la nature, tout en contribuant à leur bien-être et en satisfaisant notre désir qu’ils deviennent des citoyens avisés et actifs.
La cour d’école comme laboratoire
Lorsque j’ai décidé de donner plus de cours à l’extérieur, je me suis d’abord concentrée sur les laboratoires et les activités que j’enseignais déjà. Plusieurs s’y prêtaient, moyennant quelques ajustements mineurs :
1. Sortir son ruban à mesurer : Plusieurs activités consistant à prendre des mesures métriques ou à faire des conversions peuvent aisément être réalisées à l’extérieur. Vous souhaitez vous assurer de la précision et de la justesse de ces mesures? Fournissez une liste d’éléments à vos élèves, ou laissez-les choisir par eux-mêmes. Ils peuvent aller dehors pour mesurer la circonférence des arbres, la hauteur des brins d’herbe, la température de divers endroits ou objets sur le campus et les distances d’un espace vert à l’autre. Les élèves peuvent même y intégrer un peu de géométrie et estimer la hauteur des objets d’après leur ombre.
2. Laboratoires de chimie : En plus de mesurer le pH d’objets communs comme le jus, le savon et le vinaigre, les élèves peuvent prélever des échantillons de sol à divers endroits du campus, les mélanger à de l’eau et mesurer leurs niveaux d’acidité respectifs. Cette activité permet d’en apprendre davantage sur la qualité du sol.
3. Facteurs biotiques et abiotiques : Je demande toujours aux élèves d’énumérer des facteurs biotiques et abiotiques de mémoire et de les catégoriser. Pour réaliser cette activité, ils peuvent passer du temps dehors et établir leurs propres listes d’éléments à observer. Pour varier un peu, on peut fournir aux élèves une liste d’éléments à photographier et leur demander de mesurer ce qu’ils observent.
4. Niches écologiques : S’il y a des arbres matures sur votre campus, vous pourriez y trouver plusieurs espèces occupant diverses parties de la canopée. Sinon, les élèves peuvent comparer différents endroits et les espèces qui y vivent. Cela pourrait mener à des conversations sur la spécialisation, les habitats et les niches écologiques.
Cartographie
La cartographie est un superbe moyen d’explorer les écosystèmes; cette pratique sert depuis longtemps à développer la conscience spatiale et à mettre en lumière les problématiques communautaires.
5. Cycles biochimiques : Les élèves peuvent trouver des sources (usines, voitures, ventilation) et des puits (plantes et points d’eau) de carbone et les cartographier. Cibler les fortes concentrations de véhicules ou les endroits où il manque de végétation peut faire naître des initiatives visant à modifier un stationnement ou les règlements concernant la marche au ralenti, et visant à déterminer les endroits à reverdir. Les sources d’eau et le ruissellement sur le campus peuvent aussi être cartographiés, offrant une nouvelle lecture d’un cycle que les élèves étudient probablement depuis le début du primaire. Même si l’école n’est pas située près d’une source, cartographier les accumulations d’eau de ruissellement ou la manière dont elle influence les bassins hydrographiques peut efficacement montrer l’importance du cycle de l’eau.
6. Biodiversité : Même si la cour d’école ne se trouve pas en zone naturelle, elle peut toutefois accueillir diverses formes de vie, dont des plantes et des invertébrés. Comprendre le degré de biodiversité sur votre campus permet aux élèves de le modifier et d’avoir une influence positive sur la biodiversité. Cartographier le campus peut créer une référence visuelle à partir de laquelle les élèves généreront des idées pour protéger ou améliorer les endroits qui soutiennent déjà la biodiversité ou pour en créer de nouveaux pour les besoins futurs de la classe.
7. Besoins de la communauté : La liste d’endroits pouvant être cartographiés dans une plus vaste communauté durant l’étude des problématiques écologiques et du développement durable est infinie. En effet, vos élèves et vous pouvez être très créatifs. Quelques cartes inspirantes que j’ai vues ont été conçues pour présenter les déserts alimentaires, les espaces verts et les caractéristiques de l’eau. Bien souvent, la carte exploratoire suscitera par la suite des recherches plus approfondies sur certains détails.
Recherches
Les recherches permettent aux élèves d’examiner leurs propres questions et à trouver des réponses significatives. Si elles sont bien réalisées, elles peuvent donner vie aux concepts et montrer leur intérêt, ce qui permet d’accroître la participation. Les recherches en plein air sont l’une de mes manières favorites d’aider les élèves à tisser des liens avec la nature. Elles peuvent accroître la compréhension qu’ils ont de leur environnement, puisqu’ils cherchent des questions, et enfin, des réponses.
8. Photographie : Les images peuvent saisir des aspects d’un environnement que les élèves pourraient manquer au premier regard. Elles peuvent servir à la collecte générale de données, ou à identifier des espèces. Pour aborder la question sous un nouvel angle, vous pouvez lancer un défi à vos élèves : préparer un guide d’excursions pour le campus, ou élaborer une méthode pour voir comment son écosystème évolue pendant l’année.
9. Initiatives de science citoyenne : La science citoyenne offre des occasions aux élèves de contribuer à des questions scientifiques dans un cadre plus large. Les initiatives de science citoyenne existantes proposent souvent des questions et des méthodes pour la collecte de données; elles servent généralement de point de départ pour ouvrir vers d’autres questions, ou comme source d’exploration de données. Je vous encourage à chercher les initiatives de science citoyenne de votre région, mais il en existe plusieurs à l’échelle nationale qui peuvent vous fournir une vaste source de données. Les projets de science citoyenne en ornithologie figurent parmi les plus faciles à réaliser, peu importe le cadre. Le laboratoire d’ornithologie Cornell (Cornell Lab of Ornithology) est un bel exemple d’organisation qui gère plusieurs projets sur les oiseaux et dispose d’ensembles de données pouvant servir à mener des recherches ouvertes.
10. Enquête libre : Les élèves peuvent concevoir leurs propres questions et expérimentations sur leur cours d’école. J’ai découvert que ce sont les questions comparatives qui permettent de recueillir des données le plus rapidement et le plus facilement. Si vos élèves n’ont pas l’habitude de préparer leurs propres recherches, vous pouvez les aider en leur fournissant des questions et des procédures modèles. Laissez-les ensuite poser leurs questions et mener leur propre enquête. Voici certaines questions que mes élèves m’ont déjà posées :
• Est-ce qu’il y a plus d’oiseaux dans les arbres près du stationnement ou dans les arbres près de l’aire de repas?
Cette question a fait l’objet d’une étude par observation menée sur plusieurs jours.
• Est-ce qu’il y a plus de fourmis dans les endroits bétonnés ou dans les endroits gazonnés? Pour répondre à la question, nous avons effectué de brefs cheminements de transect chronométrés dans les zones concernées.
Comment tirer profit de ses sorties en plein air
Technologie
Il existe une panoplie d’outils informatiques utiles et gratuits. Même si je tente de dissuader mes élèves de se laisser absorber par leur téléphone lorsque nous faisons une sortie en nature, plusieurs applications peuvent rendre la collecte de données passionnante et les aider à se connecter à une communauté plus vaste. Celles que je préfère sont iNaturalist, Seek (par iNaturalist) et eBird. Chacune aide vos élèves à recueillir des données sur l’environnement et à les conserver.
Météo et aménagement paysager
Mes élèves ont pleinement apprécié mener des expériences scientifiques en plein air. Les principaux éléments négatifs qui ont été soulevés concernent la météo et l’équipe d’entretien qui faisait de l’aménagement paysager pendant la collecte de données. Je recommande de rappeler aux élèves qu’une activité à l’extérieur est prévue, et de leur fournir les stratégies et l’équipement nécessaires pour affronter les conditions météorologiques du moment (p. ex. se munir d’un manteau, s’habiller en couches, demeurer dans l’ombre, etc.). Parlez à votre directeur et liez-vous d’amitié avec l’équipe d’entretien afin d’organiser vos sorties en plein air aux moments les plus sécuritaires et opportuns.
Gestion de la classe
Lorsque j’ai commencé à organiser plus d’activités à l’extérieur, je m’inquiétais de la gestion de la classe. Je craignais que mes élèves flânent, soient distraits par leur téléphone et les autres élèves autour, ou qu’ils ne mènent aucune tâche à terme. Rapidement, j’ai réalisé qu’un cours en plein air fonctionne tout comme un cours à l’intérieur : je définis les limites de la classe en établissant des directives quant aux endroits où aller; je rappelle à mes élèves d’utiliser la technologie comme un outil (p. ex. caméras, chronomètres, applications spécifiques); je donne des instructions claires concernant les tâches à réaliser et les délais; tout comme dans mes classes à l’intérieur, je surveille bien mes élèves et fais le point avec eux régulièrement. Tout comme vous établissez des règles pour gérer les espaces et l’équipement de laboratoire, veillez à bien définir les comportements attendus pour interagir avec la nature. J’instaure la mentalité de « ne laisser aucune trace » selon laquelle nous ne faisons qu’observer. Si vous devez prélever des échantillons de terre ou de plantes, assurez-vous que vos élèves savent qu’ils ne devraient le faire qu’en cas de nécessité absolue et de la manière la moins envahissante possible.
Encouragement
Mes élèves ont eu la chance d’en apprendre davantage sur la nature et d’observer des espaces qu’ils ne remarquent normalement pas; je sais qu’il en sera de même pour les vôtres. Ils se sont émerveillés qu’il y ait tant d’espèces sauvages sur notre campus. Un étudiant a confirmé comment la cueillette de données en plein air répond à la tâche ardue de personnaliser la matière enseignée et de lui donner un sens : « c’est la vraie vie ». J’espère que, tout comme moi, vous saurez faire la transition pour motiver les élèves à nouer des liens avec la nature; non seulement pour leur bien-être, mais aussi pour celui de la planète.
Kristen Grindle enseigne les sciences au secondaire depuis onze ans à l’école publique Mesa, dans la ville éponyme, en Arizona. Elle est candidate à la maîtrise à l’Université de Miami dans un programme de recherche avancée.
Naïma Paradis Joyal est une traductrice ayant fait ses études à l’Université de Sherbrooke. Elle est également titulaire d’un baccalauréat en géographie et s’intéresse aux enjeux environnementaux et aux alternatives de vie écologiques et durables. Vous pouvez la contacter à naima.paradis-joyal@usherbrooke.ca.
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