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Lire le monde, non pas que les mots

Par Amy Demarest

Traduit par Antonie Pluk-Ledaga

Je me souviens du moment où j’ai pris conscience du potentiel éducatif d’une sortie en plein air. Alors que j’étais en route vers une séance printanière d’observation d’oiseaux avec 20 élèves de cinquième année, nous nous sommes arrêtés au bord d’un étang. L’eau était remplie d’œufs de grenouilles, de têtards et des restes du cycle de croissance de l’année précédente. Tout un festival gluant et frétillant! Les enfants se sont soudainement mis à observer, à émettre des hypothèses, à analyser. Ils s’étaient transformés en scientifiques! Parmi leurs cris de joie, ils s’échangeaient leurs découvertes tout en les partageant avec moi. L’observation d’oiseaux est tombée à l’eau du moment où j’ai laissé l’étang donner le cours. Cette journée a mené à bien d’autres aventures, car elle m’a appris les bienfaits d’accorder du temps pour que les enfants puissent apprendre du monde extérieur. On appelle ce mode d’enseignement l’éducation pragmatique. Bien que ma prise de conscience se soit faite dans la nature, à l’extérieur de l’école, bon nombre d’autres possibilités s’offrent à nous, dans un environnement naturel ou anthropique, plus près de la salle de classe.

L’éducation pragmatique amène les élèves dans la communauté afin que la matière leur laisse une impression durable et qu’ils comprennent le monde dans lequel ils vivent. Grâce à ce mode d’enseignement, ils apprennent à poser des questions sur l’environnement qui les entoure, ils s’engagent dans un travail utile. Pour répondre à leurs questions, élèves et enseignants devront se fier aux gens et aux lieux visités dans la communauté plutôt qu’aux manuels classiques. C’est ainsi que les élèves apprennent à lire le monde! Les enseignants, quant à eux, apprennent à utiliser non pas que le texte papier, mais aussi les humains et les événements locaux comme sources d’apprentissage. Cet article explore ce changement de point de vue; on y aborde également les défis et les bienfaits de l’apprentissage par et dans l’environnement local.

Sortir les élèves de l’école n’est pas des plus facile, mais certains enseignants considèrent que ces sorties dynamisent l’expérience d’apprentissage. Les élèves cherchent les réponses à leurs questions auprès de sources nouvelles et variées; les professeurs, pour leur part, découvrent de nouvelles méthodes d’enseignement. Dans l’éducation pragmatique, l’enfant participe à la sélection des « textes » et au raisonnement qui justifie le choix d’une source.

Partie intégrante de cette approche, les textes imprimés peuvent — et devraient — être présents. Ainsi, le savoir se crée à partir d’un riche mélange de textes qui s’ajoute aux relations et aux expériences acquises dans le monde réel. Pour Paulo Friere1 il s’agit d’une association d’une grande souplesse : 

La lecture du monde précède toujours celle du mot; lire le mot sous-entend de continuellement lire le monde… Ce mouvement du mot vers le monde est toujours présent, même les mots avec lesquels nous parlons émanent de notre lecture du monde. […] Pour ma part, cette dynamique est l’élément central de l’apprentissage.

Cette vision de l’« espace texte » approfondit ce que nous comprenons de la façon dont les enfants apprennent à lire notre monde. Le mariage que fait Frierie de l’écrit et du monde réel nous pousse à considérer là où nous vivons comme des endroits pouvant être lus, interprétés, interrogés et décodés.

L’« espace texte » 

Les professeurs qui utilisent l’environnement local dans leur enseignement considèrent le manuel scolaire comme l’archétype de l’éducation traditionnelle. Ils présentent souvent leur nouvelle méthode en l’opposant à l’emploi de textes écrits. D’ailleurs, un professeur décrit l’éducation pragmatique comme étant moins prévisible que les manuels. Ce contraste met en lumière un changement profond chez les enseignants qui utilisent une grande variété de « textes » avec lesquels leurs élèves pourront interagir. 

Un enseignant pourrait demander à ses élèves de « lire » le briquetage d’un certain quartier ou une racine d’un vieil arbre. Une ampoule électrique pourrait déclencher une recherche dans laquelle un élève suivra la trace du passage des différentes formes d’éclairage, des lampes à DEL aux lampes à incandescence, jusqu’à l’époque où les quartiers étaient illuminés grâce au gaz d’éclairage. Ce qui n’est généralement pas perçu comme un contenu pédagogique se transforme en une inestimable ressource pour instruire les jeunes. Un fossé, la pente d’un toit ou un vieux pont peuvent devenir le point central du travail de recherche d’un élève. En observant la configuration résidentielle locale, on pourra aborder les questions d’iniquité économique et sociale ainsi que la façon de se traiter les uns les autres, non seulement en parlant d’événements du passé. Un élève apprendra des notions de biologie, de chimie et de physique en étudiant le fonctionnement d’une « Living Machine », un système de traitement des eaux qui mimique la méthode de filtration des zones humides, dans la gestion des eaux usées d’une communauté. L’analyse et l’élaboration de schémas pourraient s’avérer nécessaires, sans toutefois être le seul exercice. Diverses expériences, comme une séance du conseil municipal, un forum public ou un débat sur l’utilisation des sols, obtiennent une place dans le cadre éducationnel. La question en soi peut même mener l’élève vers de nouveaux « textes ». 

Lorsque les professeurs s’ouvrent aux possibilités qu’offre la lecture du monde, il n’y a plus de limites à ce qui peut être une source de savoir. C’est l’enseignant qui permet à l’élève d’entrer en relation (et lui accorde le temps nécessaire pour le faire) avec divers gens, endroits et types de savoir. L’enseignant pourrait même être surpris du résultat. Dans la vision traditionnelle de l’école, le dialogue d’une salle de classe chante une ritournelle familière : « Où est la réponse? Ici, sur cette page! » En revanche, lorsque les élèves se lancent à la poursuite de questions authentiques dans le monde extérieur, l’enseignant à leurs côtés leur demande en quittant l’école : « Où allons-nous trouver la réponse à cette question? » 

En tant qu’éducatrice qui a toujours cru qu’un espace pouvait mener à de nouvelles connaissances, autant avec des jeunes de 10 à 15 ans qu’avec des enseignants, je m’émerveille de l’élargissement constant de notre vision de l’enseignement. En effet, chaque endroit peut entamer une conversation, par exemple un égout pluvial pourrait nous amener à discuter du parcours de l’eau avec un urbaniste; nous pourrions nous demander, en observant une assiette de voie ferrée, ce qui avait bien pu être transporté là il y a 100 ans; ou encore, nous pourrions tenter de retracer l’historique commercial d’un secteur en cherchant des indices sur des bâtiments historiques. Comme cette nouvelle méthode d’enseignement propose souvent un casse-tête à résoudre, elle permet de prendre part à l’apprentissage d’une façon dont le papier imprimé est incapable. Les lieux, les gens et les choses peuvent influencer comment les élèves en viennent à comprendre les textes écrits, et leur monde. De nouvelles questions émergent de ces connexions authentiques. En effet, comme Friere l’évoque, la lecture des mots et du monde vont main dans la main. 

Les gens, sources de savoir 

Francisco Guajardo, enseignant à Edcouch dans le sud du Texas, croit que les histoires de tout un chacun représentent le plus riche matériau qu’un professeur puisse utiliser dans son enseignement, pour le développement personnel et même pour transformer une communauté. Selon lui, le savoir, l’esprit et l’inspiration émanent des autres et non des livres. Les élèves de Guajardo ont questionné Don Isabel Gutiérrez, alors âgé de 97 ans, au sujet des débuts de leur ville. Ils ont été surpris d’entendre Gutiérrez dire qu’il en était un fondateur. En réponse à cette affirmation, un des élèves lui a poliment demandé : « Qu’entendez-vous par “fondateur”, Don Isabel? Ce n’est pas Edward C. Couch qui a fondé la ville? » Isabel lui a donc répondu : « No, no, no, joven…mira, tú has tomado agua en esta pueblo? » (« Non, non, non jeune homme… écoutez, avez-vous déjà bu de l’eau dans cette ville? ») Lorsque l’élève a répondu qu’il en avait bu, Isabel lui a raconté qu’en 1926, il avait creusé les tranchées qui ont accueilli les conduites qui amènent l’eau à Edcouch. C’est alors qu’il a annoncé fièrement : « Yo soy fundador de Edcouch. » (« Je suis le fondateur d’Edcouch. ») 

Une enseignante du Vermont, quant à elle, fait part de ses convictions à propos d’apprendre par les autres : « Je crois que cette méthode présente aux jeunes non seulement la géographie environnante, la rivière et ce qui rend l’endroit spécial physiquement, mais aussi ce qui rend l’endroit spécial aux yeux des humains qui y vivent. Quel genre de contributions y apportent-ils? » Les élèves rencontrent des gens provenant de divers champs d’expertise, discutent et échangent des idées avec eux. En travaillant aux côtés de gérants, de bricoleurs, de techniciens et de solutionnistes, ils reçoivent une leçon sur la résilience, le travail acharné et la ténacité. Du même coup, ils en apprennent au sujet de leurs propres compétences, et découvrent que le monde est rempli de gens avec qui interagir. 

Il y a de nombreuses façons d’entrer en relation avec le monde extérieur sans que la sortie soit coûteuse. On peut utiliser différentes formes de « textes complexes » comme les brochures, les manuels et les sites web communautaires. De simples objets et images illustrant où les gens travaillent et vivent peuvent également faire partie des diverses recherches. Demander aux élèves d’établir les liens entre leurs expériences vient enrichir leur apprentissage. Inviter un conférencier peut être un moyen économique d’introduire les histoires d’une communauté à l’école. Toute personne de la communauté, aîné, expert, ingénieur, nous rapproche, avec son histoire, de n’importe quel sujet à l’étude en nous la présentant sur un plan local. Évidemment, l’enseignant devra préparer ses élèves (et l’invité) à la visite, faciliter la discussion et évaluer ce que les enfants auront appris. Après une visite, les remerciements écrits à l’invité par les élèves témoigneront de l’importance de leur entretien en plus de donner à l’enseignant un aperçu de ce qu’ils en auront retenu.

Les espaces, sources de savoir 

Tous les endroits ont des histoires à raconter. On pourrait organiser une excursion dans les forêts avoisinantes et demander aux élèves de trouver des exemples d’interdépendance et d’interrelation. Une professeure d’art pourrait emmener ses élèves dans un milieu urbain pour y peindre une murale en hommage aux gens de la communauté qui ont su faire bouger les choses. Pour étudier le changement, un professeur de langue, en sortie avec ses élèves dans un autre quartier, pourrait leur proposer un sujet ouvert, par exemple de s’entretenir avec quelqu’un qui se souvient de la vie dans ce pâté de maisons il y a 20 ans ou plus. Parmi les témoignages recueillis, on pourrait compter des souvenirs et des opinions à propos de la situation du logement, des emplois, de rassemblements et de traditions perdues. Pour trouver les histoires, les élèves devront porter une attention particulière aux détails d’un lieu. Tout comme c’est le cas pour apprendre à lire le sens, il faut se pratiquer; pour « lire le monde », il faut savoir chercher les signes de l’existence de divers phénomènes. 

Il pourrait s’avérer utile de fournir quelques questions pour guider les élèves et les préparer à « lire » un espace, par exemple : « Est-ce que c’est vrai? Est-ce vraiment ce qui se passe? Combien de voitures passent ici? Qui utilise le transport en commun? Où sont les endroits sûrs à proximité de notre école? » Certaines questions seront posées à l’avance, alors que la sortie en suscitera d’autres.

En se rendant directement à la source, « là d’où la matière émerge », les jeunes apprennent à découvrir l’utilité de l’école. Ils vivent une expérience authentique grâce à la recherche scientifique, l’entrevue, l’analyse de données, l’observation et la discussion. « Je n’avais jamais compris le concept de mondialisation auparavant, raconte un élève du secondaire, mais quand j’ai interviewé un marchand local et écouté ce qu’il avait à dire à propos des choses qu’il commandait et de leur provenance, tout a commencé à avoir du sens à mes yeux. » En apprenant à être attentifs pour ensuite dessiner ou prendre en note les détails d’un lieu, les élèves viennent à comprendre des concepts complexes. Lorsqu’ils se rapprochent de la source, les jeunes réalisent que c’est leur propre histoire qui importe, et que ce sont les problèmes de leur milieu de vie qui ont besoin d’être réglés. Au fur et à mesure que leurs études prennent du sens, les élèves deviennent des observateurs actifs et prennent part au monde qui les entoure. 

DES IDÉES ADAPTÉES AUX DIFFÉRENTS GENRES D’ESPACE
ESPACES NATURELS 
Les sujets et grands thèmes Moyens pour créer des occasions d’apprentissage 
La succession et la fonction végétale,
la chaîne alimentaire L’interdépendance, les relations 
Explorer le site et demander aux élèves de prendre en photos des exemples d’interdépendance. Inventer un livre de contes abordant les interrelations. 
La biodiversité Créer un index en recueillant de l’information sur les organismes vivants locaux, en examinant la forme des diverses espèces et en comparant les espèces locales à celles d’ailleurs dans le monde. 
Les bouleversements climatiques Recueillir et interpréter des données; comparer les phénomènes à l’échelle locale versus mondiale; partager les données mondialement (grâce à des projets de science citoyenne, p. ex. Project Bud-Burst). 
MILIEUX RURAUX 
Les sujets et grands thèmes Moyens pour créer des occasions d’apprentissage 
Une vieille grange; les traces du passé
(les emplois, les terres, l’eau) 
Étudier les exemples de courage que peuvent révéler les vieux bâtiments. Créer un photoreportage du site en question; ajouter des commentaires sur Google Maps. Rassembler des plans architecturaux de bâtiments d’allure traditionnelle. 
Le changement dans le temps Observer le changement dans le temps; distinguer les époques de l’histoire. Faire un parallèle entre les différentes phases d’évolution. 
L’exploitation du sol : comment sont utilisés les sols de la municipalité? Recueillir et partager diverses visions de l’avenir. Faire l’analyse des proportions du territoire utilisées à différentes fins. Présenter les résultats de cette analyse aux autorités municipales et les afficher sur un site web local. 
MILIEUX URBAINS 
Les sujets et grands thèmes Moyens pour créer des occasions d’apprentissage 
Qu’est-ce qu’une ville? Enjeux urbains – d’hier à aujourd’hui Dresser une carte des services sociaux; élaborer une liste de critères déterminant la qualité de vie. Faire le parallèle avec les villes anciennes : quels sont les lieux de rassemblement, les ressources alimentaires, les lois, les habitudes vestimentaires, les coutumes? 
Infrastructure : sur quoi ce lieu repose-t-il? Créer une vidéo commentée des systèmes qui supportent les structures. Faire l’analyse d’artefacts : à quoi sert ce système? 
Diversité : quelles sont les histoires cachées dans notre communauté? Faire l’analyse ethnographique de différentes cultures : entrevues, murales, cartes montrant les strates d’histoires et les changements démographiques. Créer des affiches en plusieurs langues. 
BANLIEUE 
Les sujets et grands thèmes Moyens pour créer des occasions d’apprentissage 
La répétition dans le paysage Repérer les motifs géométriques sur les bâtiments et dans un quartier Où travaillent les gens de la banlieue? Combien de kilomètres doivent-ils parcourir pour aller au travail? 
Comment les gens se procurent-ils ce dont ils ont besoin? Observer les différentes densités de la circulation et les déplacements commerciaux. 
Quel sera le dernier espace vert rencontré sur la route? Répertorier les espaces verts ou les espaces de développement durable.

Apprendre sur le terrain 

Une séance d’enseignement à l’extérieur de la classe est bien plus qu’une « simple » sortie. Il s’agit plutôt d’une réunion réfléchie avec des espaces qui implique beaucoup de planification et une solide structure d’apprentissage. L’idée de l’« espace texte » est une reprise de la proposition de Dewey3 faite il y a de nombreuses années : 

[Dans l’éducation traditionnelle]… l’environnement scolaire fait de bureaux, tableaux noirs et de petites cours plantées de tilleuls, semblait suffisant. Il n’apparaissait nécessaire à personne que le maître connût intimement les conditions de vie de l’environnement où il se trouvait (physique, historique, économique, professionnel) pour y découvrir les ressources indispensables à son enseignement. 

On peut considérer les interactions sur le terrain comme une sorte de rencontre avec un nouveau texte. Les enseignants apprennent à se servir de ces expériences en les appariant avec d’autres textes pour établir un sens. La planification des avant, pendant et après d’une activité (POP en anglais, pour pre-visit, on-site, and post-visit planning4) est importante autant pour un texte imprimé que pour une activité d’apprentissage sur le terrain.

L’avant

L’enseignant est responsable de ce que les élèves doivent savoir avant de quitter la classe. Tout bon professeur doit transmettre un nouveau vocabulaire à ses élèves avant de s’aventurer sur le terrain, comme lorsqu’il leur présente un nouveau texte. Nous ne demanderions jamais à nos élèves d’aborder un nouveau sujet sans leur fournir un certain contexte. Nous ne les enverrions pas non plus s’entretenir avec des aînés pour discuter d’une certaine époque sans connaissances préalables ni à la recherche de signes de succession végétale sans leur donner un aperçu de ce qu’ils pourraient observer. 

Il faut également réfléchir à l’avance au rôle qu’auront les technologies lors de l’expérience sur le terrain. Cette réflexion peut s’amorcer en groupe en relevant les façons dont tel outil technologique pourrait aider à comprendre l’endroit à visiter. Par exemple, dans chaque petit groupe d’élèves, un ou deux pourraient apporter une tablette du genre iPad pour capter des images et enregistrer leurs impressions des lieux. Tous les élèves n’ont pas besoin d’être connectés. En fonction de leur âge, vous pourriez leur demander de publier leurs réponses sur Twitter à partir d’un lieu en particulier. Leur tâche est d’interroger l’endroit où ils sont; cet aspect de l’étude de terrain doit faire partie du processus de planification. Il faut clarifier le rôle de chaque élève et déterminer les outils dont ils auront besoin pour s’acquitter de leur tâche.

Le pendant

Lorsque les enseignants visitent de nouveaux endroits avec leurs élèves, ils apprennent de nouvelles façons d’interagir avec un lieu. Accordez à vos élèves suffisamment de temps pour explorer, observer, réfléchir et s’amuser. Il s’avère parfois important de profiter d’un lieu comme le « vrai monde » le fait. Jouer dans un parc, manger dans un restaurant, passer du temps dans un café ou écouter de la musique sont des activités qui peuvent contribuer à la compréhension que les élèves auront du lieu en question. Dessiner dans un musée, s’entretenir avec des gens dans leur milieu de travail et collecter de nouvelles données sur place est toujours plus engageant que de tout simplement observer. Lorsque les élèves poursuivent leurs recherches et partagent leurs découvertes dans le cadre de leur étude de terrain, ils sont dès lors bien outillés pour décrire les lieux aux autres, rapportant en plus d’inestimables connaissances en classe. 

L’expérience d’apprentissage sur le terrain se structure de différentes façons. On privilégiera les déplacements en petits groupes dont la tâche sera clairement définie aux déplacements d’un coin à l’autre agglutinés en un seul groupe où tous seront peu impliqués. Accordez du temps aux élèves pour observer calmement ce qui se passe autour. Le plan n’a pas à être le même pour tous les élèves; ils peuvent accomplir différentes choses sur le terrain, leurs données s’uniront un peu comme les pièces d’un casse-tête. Lors de la planification de cette étape, pensez à inviter des experts et des résidents locaux pour guider les jeunes vers chaque station. 

Avant, pendant, après (POP
Avant : Quelles connaissances les élèves devraient-ils avoir avant la sortie? 
Suggestions : 
• Élaborer le plan de la sortie avec les élèves. 
• Élaborer la logistique et discuter de toutes les possibilités. 
• Regarder avec les élèves des cartes de l’endroit à visiter selon différents points de vue, en utilisant par exemple Google Earth. 
• Demander aux élèves de créer des cartes (ou délimiter des frontières) qu’ils pourront ajouter à un GPS sur place. 
• Discuter avec les élèves des difficultés que pose l’apprentissage dans un autre environnement; expliquer clairement ce qui leur sera demandé de faire (le processus et le résultat escompté). 
• Discuter des considérations sociales à adopter avec les personnes qu’ils rencontreront. 
• Faire de la recherche à l’avance pour élaborer des questions et voir ce qu’ils devront découvrir sur place. 
• Faire de la recherche sur le milieu à visiter et demander aux élèves de vérifier leurs découvertes une fois sur place. 
• Accorder aux élèves suffisamment de temps pour acquérir les nouvelles compétences techniques à utiliser sur place. 
• Expliquer aux élèves ce qu’ils auront besoin d’apporter (et comment l’apporter pour les jeunes enfants). 
• S’assurer d’être prêt à toute éventualité quant à la sécurité des élèves : quelles sont les installations sur place (accessibilité, météo, etc.) et quels sont les besoins des élèves (allergies, collations, mobilité). 
• Informer les élèves qu’ils seront responsables du succès de la sortie. 
Pendant : Quelles connaissances les élèves devraient-ils avoir pendant la sortie? 
Suggestions : 
• Préparer un plan pour aborder et enrichir les questions apportées sur place par les élèves. 
• Envisager de faire l’usage de modèles pour orienter la collecte de données et d’images. 
• Demander sur place aux élèves d’exprimer leur compréhension des lieux. 
• Faire des entrevues, enregistrer des vidéos, recueillir des données. 
• Utiliser des outils numériques pour capter des sons et des images. 
• Faire une analyse ethnographique du site. 
• Trouver quels sont les services offerts sur le site. 
• Organiser la collecte de données. 
• Vérifier si les attentes s’avèrent exactes. 
• Utiliser des dessins et des photos pour observer de près les environs. 
• Utiliser les médias sociaux pour partager l’expérience. 
• Confirmer en groupe que toute l’information nécessaire a été amassée. 
• S’assurer de connaître la marche à suivre pour capter des images sans permission. 
• S’assurer que l’expérience d’apprentissage est plus qu’une simple sortie. 
Après : Qu’est-ce que les élèves devaient avoir retenu de leur sortie? 
Suggestions : 
• Demander aux élèves de dessiner, d’enregistrer ou de publier un fait manquant de la sortie. 
• Utiliser la sortie pour amorcer la conversation (Quels détails historiques ou géographiques peuvent être ajoutés à votre histoire?). 
• Écrire une entrée de blogue ou un reportage pour le journal de l’école au sujet de la sortie. 
• Choisir une image de la sortie à ajouter dans un album pour la classe. 
• Créer un monologue qui raconte l’histoire sous un angle en particulier, p. ex. un bâtiment, un patin à roues alignées ou un bateau qui parle. 
• Ajouter de l’information sur Google Maps ou des modèles préétablis. 
• Créer une “carte postale” illustrant la sortie. 
• Partager les détails de la sortie avec d’autres élèves, à l’école ou dans d’autres établissements scolaires grâce à internet. 
• Intégrer des fils de discussion pertinents dans le programme d’étude. 
• Réfléchir sur les façons dont les nouvelles connaissances pourront être utilisées. 
• S’assurer que ces nouvelles connaissances persistent.

L’après 

Il arrive parfois que les expériences sur le terrain soient perdues dès le retour en classe, et c’est tout à fait compréhensible : nous nous pressons de passer au prochain sujet en tenant pour acquis que les jeunes se rappelleront les détails de la sortie. Prenez le temps de réfléchir activement à ce qui a été appris. Dessinez des souvenirs, captez des images et planifiez quelle orientation l’apprentissage pourra ensuite prendre. Trouvez des moyens de conserver les liens avec ce qui a été appris de la visite. Comme un enseignant le mentionne : « Le meilleur ne se produit pas pendant la sortie. Le meilleur, c’est qu’on peut l’utiliser toute l’année. » 

Il faut encourager les élèves à partager ce qu’ils ont appris, discuter du meilleur moyen pour exposer leurs nouvelles connaissances, et voir avec eux à qui ce savoir pourrait bénéficier. Si des données ont été amassées sur place, il existe de nombreuses façons de les partager en ligne afin de les rendre utiles. Les élèves peuvent rendre leurs découvertes disponibles à la communauté locale ou les partager à grande échelle. Il y a bon nombre de façons de réunir un auditoire pour les données des élèves comme les options de science citoyenne. 

Un regard nouveau sur la lecture et l’écriture 

Lorsque le programme intègre volontairement les préoccupations et le contexte de la vie des élèves, les écoles et les communautés ont l’occasion de repenser publiquement ce que devrait être un humain éduqué. Apprendre à « lire le monde », comme le définit Friere, implique une connaissance qui comprend l’action, la compréhension individuelle et une façon d’être dans le monde. Cette nouvelle conception convie une nouvelle vision du rôle potentiel de quiconque dans la communauté. 

Lorsqu’à l’échelle locale, les gens, les lieux et les choses deviennent une source nouvelle d’apprentissage dans une quête personnalisée de ses propres questions, l’élève vient à comprendre que lui aussi peut être la source de nouvelles connaissances, non seulement un bénéficiaire passif. L’apprentissage à partir de « textes authentiques » est un terreau fertile à la réflexion : qu’est-ce que j’en pense, quelle est mon opinion, comment aurais-je fait face à cette situation? 

Cette manière active d’apprendre appelle de nouvelles façons d’extraire le savoir. Les élèves pourraient créer des réalisations artistiques publiques, du logement écoénergétique, des sites web communautaires de troc de services et de matériaux, ou organiser une rencontre pour rassembler des aînés et des élèves de deuxième année. La richesse du monde réel offre des occasions d’apprentissage qui viennent s’infiltrer dans les questions personnelles et les réalités communautaires. Les enfants deviennent les auteurs; ce sont eux qui rédigent le manuel. Ils deviennent les archivistes de la communauté en collectant des données et en publiant leurs résultats d’analyse. C’est un travail qui sort de l’ordinaire et qui leur tient à cœur ainsi qu’aux gens autour d’eux. 

Amy Demarest enseigne la conception de programmes d’éducation selon l’approche par compétences, en plus d’enseigner l’éducation pragmatique et l’éducation en matière de bassins hydrographiques dans le nord de l’État du Vermont. Cet article est un résumé de son livre Place-based Curriculum: Exceeding Standards Through Local Investigations. Voir description plus bas. On peut communiquer avec elle par son site web : www.ourcurriculummatters.com

Antonie Pluk-Ledaga est étudiante de 3e année en traduction professionnelle à l’Université de Sherbrooke.

Notes 

1 Friere, P., & Macedo, D. (1987). Literacy: Reading the word and the world. Westport, CT: Bergin and Garvey. 

2 Guajardo, F. (2007). Teacher, researcher, and agent for community change: A South Texas high school experience. Journal of Global Initiatives: Policy, Pedagogy, Perspective, (2)1, 26-42. 

3 Dewey, J. (1938). Experience and education. New York: Macmillan. 

4 Demarest, A. (1997). This lake alive! An interdisciplinary handbook for teaching and learning about the Lake Champlain Basin. Shelburne, VT: Shelburne Farms.

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