Penser en dehors du bac
(Photos : Mariah Belber)
par Mariah Belber et Lauren Madden
traduit par Maddie-Jeanne Cormier
Pour le jeune adulte moyen, recycler peut sembler ennuyeux et être perçu comme une corvée. Et si nous considérions plutôt le recyclage comme une compétence de vie fondamentale? Et si nous pensions « en dehors du bac » afin de trouver des façons créatives de donner une seconde vie aux choses? Dans cet article, nous faisons des suggestions pour établir le suprarecyclage[i] et le recyclage comme des compétences de vie avec un groupe de jeunes adultes vivant avec une déficience intellectuelle. Ces activités ont demandé aux participants de réfléchir attentivement à leurs expériences antérieures avec le recyclage et de tester leur créativité en fabriquant de nouveaux objets. Ces activités peuvent aussi être utilisées dans une multitude de contextes, de la maternelle à la 12e année, en cheminement régulier ou en éducation spécialisée, tout comme dans des foyers de groupe.
Hipcycle, un site de promotion des produits suprarecyclés, décrit le suprarecyclage comme « le processus de conversion de vieux objets ou d’objets mis au rebut en quelque chose d’utile et, souvent, en quelque chose de beau. C’est de donner à un objet une meilleure utilité. » Il ne s’agit pas d’un nouveau concept. À travers l’histoire et partout dans le monde, les familles ont souvent réutilisé des objets à de nouvelles fins, particulièrement quand leur budget était serré. La tendance au suprarecyclage est devenue courante dans les cinq dernières années. Plusieurs entreprises comme Teracycle, Playback Clothing, Hipcycle et Preserve ont été fondées sur cette idée. Ces dernières adhèrent toutes au même principe : réduire les déchets en créant des produits à partir de matériaux dont ils ne sont pas généralement faits. Elles vendent par exemple des sacs fabriqués avec des sachets de jus et des emballages de collations ainsi que des bijoux faits de disques vinyle, pour ne citer que quelques exemples. Le suprarecyclage ne permet pas seulement d’exercer sa créativité : il réduit aussi notre empreinte de carbone collective!
Notre programme et ses participants
Le programme Career and Community Studies (CCS), destiné aux adultes de 18 à 24 ans atteints de déficiences intellectuelles et développementales, est offert par la faculté des sciences de l’éducation du College of New Jersey’s (TCJN). Ce programme permet aux étudiants de vivre une expérience universitaire « normale », tout en les armant de compétences précieuses pour les préparer à vivre de façon indépendante et en leur permettant de développer des aptitudes professionnelles en vue d’un futur emploi. Mariah (l’une des conceptrices du programme) a décidé d’amener l’idée du suprarecyclage comme compétence de vie lors de rencontres avec deux petits groupes de sept étudiants du CCS dans deux foyers différents. Certains d’entre eux avaient déjà un peu d’expérience avec le curriculum en durabilité de l’environnement, acquise durant leurs études préuniversitaires ou durant un cours d’été du programme CSS Honors enseigné par Lauren (l’autre conceptrice). Le cours a été conçu pour s’aligner sur les normes du Cloud Institute for Sustainability Education et présentait une variété de sujets environnementaux et de discussions sur la durabilité en lien avec la nourriture, le sol, l’eau et l’énergie.
Activités et méthodes
Mariah a rencontré les étudiants du CCS quatre fois au cours d’une session de 12 semaines. Lors de la première rencontre, elle a demandé aux participants de remplir un questionnaire sur leurs attitudes relatives au recyclage. Elle leur a ensuite demandé d’écrire ce qu’ils savaient et ce qu’ils voulaient apprendre sur le recyclage dans un tableau SVA[ii]. Puis, chaque groupe a fait son premier projet de suprarecyclage, qui consistait à créer un bac de collecte pour les bouteilles de plastique. Les participants conservaient ces bacs à leur résidence pour recueillir du matériel pour d’autres projets, mais, dans un contexte scolaire, les bacs pourraient aisément être placés dans une salle de classe ou à la cafétéria. Les deux groupes ont décoré leurs bacs de collecte en bleu et or, les couleurs du TCJN, afin de favoriser leur réutilisation pour un autre projet. Le fait d’exposer et d’utiliser les bacs lors d’événements scolaires et communautaires est une bonne façon d’intéresser toute la communauté scolaire au recyclage, de contribuer au bon climat de l’école et de mettre en valeur les talents artistiques des étudiants.
Avant la rencontre de planification de la deuxième activité, un jardin de plastique, les participants ont dû recueillir du marc de café et des contenants de plastique ne servant plus. Ces derniers ont été transformés en jardinières, que les participants ont remplies de marc de café et de terre pour y planter des plantes succulentes robustes, comme le cactus ou l’aloès, qui requièrent peu d’arrosage. Pendant que les participants s’affairaient à la tâche, Mariah discutait avec eux de sites d’enfouissement et de la façon dont le recyclage peut réduire ce qui s’y retrouve. Cette activité peut être réalisée avec n’importe quel type de plante pouvant pousser dans un petit contenant, comme les fines herbes, et peut même être effectuée dans la cuisine des résidences des étudiants.
La troisième activité a eu lieu après l’événement de retrouvaillesdu TCNJ. Lors de cette célébration, les participants ont fait la collecte de matériaux recyclables. Ils avaient carte blanche, la seule consigne étant d’utiliser les produits issus de leur collecte dans la fabrication d’une décoration quelconque pour leur résidence. Les participants ont effectué un peu de recherche pour trouver des idées, puis ils ont utilisé la peinture, la colle et les autocollants mis à leur disposition, de même que des matériaux qu’ils avaient chez eux. Plusieurs idées très créatives ont émergé, notamment celle d’une « bouteille calmante » et d’une dinde d’Action de grâce décorative. Cette activité permet de laisser aller sa créativité et montre qu’avec un peu d’imagination, tout est suprarecyclable.
Notre dernière activité s’est déroulée à la fin de la session. La rencontre a commencé par une discussion sur ce que les participants savaient avant de commencer la session et ce qu’ils ont appris durant la session, puis Mariah leur a demandé de remplir un autre questionnaire sur leurs attitudes relatives au recyclage. Ensuite, elle leur a enseigné comment tresser des paniers à partir de pages de vieux magazines. Cette activité, plus complexe, a nécessité beaucoup plus d’encadrement. Plier et tresser les pages de magazines s’est avéré un peu compliqué; parvenir à donner une forme aux paniers l’a été encore davantage. Après avoir complété l’activité, les participants ont exprimé leurs frustrations dans un autre questionnaire semblable à celui rempli en début de session. Pour faciliter le déroulement de cette activité, l’enseignant pourrait encadrer davantage les étudiants, par exemple en leur offrant de l’aide pour plier les pages ou en leur fournissant des modèles.
Résultat
Après avoir effectué un retour sur le programme en discutant avec les participants et en consultant leurs questionnaires, il ne fait aucun doute qu’ils en ont appris beaucoup sur le recyclage et le suprarecyclage. Les réponses au premier questionnaire démontrent que tous les participants connaissaient bien le recyclage avant de commencer le programme. Comme leurs familles recyclaient à la maison, ils possédaient une compréhension générale de l’importance du recyclage. Ils croyaient aussi que la communauté universitaire a le recyclage à cœur, puisque des sept participants, un seul ne savait pas que nous recyclions sur le campus. Nous avons également tiré beaucoup des réflexions des étudiants après chaque leçon, plus particulièrement avec l’activité de jardinage des plantes succulentes, après laquelle chaque participant a su décrire le suprarecyclage dans ses propres mots. L’un d’eux a dit que le suprarecyclage c’était « d’utiliser d’autres objets comme le fond d’une bouteille d’eau pour planter. » Plus tard, dans leurs réflexions, les étudiants ont aussi exprimé de l’intérêt pour un cours sur le recyclage et la consommation responsable.
Somme toute, nous sommes très satisfaits des résultats de ce projet – un grand nombre de nos participants en sont ressortis avec une appréciation pour la pratique du suprarecyclage et un engagement à agir en consommateurs responsables.
Astuces pour votre programme
Dans une classe d’éducation spécialisée (de la maternelle à 12e année), les activités peuvent être adaptées en fonction du niveau de compétence des étudiants et de la disponibilité de matériaux recyclés. Ce programme peut aussi prendre place dans un foyer de groupe pour promouvoir les aptitudes de vie autonome comme le recyclage et la réutilisation. Par exemple, les jeunes pourraient planter des fines herbes plutôt que des plantes succulentes, et les utiliser pour cuisiner par la suite : une autre aptitude bien importante pour vivre de façon indépendante. En fait, vu la grande variété d’activités que les étudiants pourraient apprécier, nous aurions pu réaliser plusieurs autres activités de suprarecyclage. Voici quelques suggestions pour adapter cette série d’activités à d’autres groupes d’âge ou environnements :
- Incorporez le procédé de conception technique quand vous introduisez le suprarecyclage dans une classe. C’est une excellente façon de combiner le développement durable aux STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques)!
- Inspirez-vous des intérêts de vos étudiants, comme une équipe de sport. Laissez-les être créatifs et vous verrez, ils vous impressionneront! Certains de nos participants étaient des partisans des Yankees ou des Mets, alors ils ont ajouté les couleurs de leurs équipes à leur matériel.
- de se prêter à une entrevue menée par les étudiants à propos de leurs habitudes de suprarecyclage!
Les prochaines étapes
Le suprarecyclage est un projet intemporel qui peut attirer des apprenants en tous genres. Des activités comme celles de ce projet ont transformé des tâches en initiatives de création et ont ouvert les yeux des participants sur l’importance de réduire les déchets.
Mariah Belber (belberm1@tcnj.edu) est diplômée du programme de maîtrise sur cinq ans en éducation spécialisée du College of New Jersey’s. Pendant ses études de premier cycle, elle a complété une mineure en Éducation pour un environnement durable, au cours de laquelle elle a élaboré l’étude indépendante sur laquelle se base cet article, sous la supervision de Lauren Madden.
Lauren Madden (maddenl@tcnj.edu) est membre facultaire du Department of Elementary and Early Childhood Education au College of New Jersey’s à Ewing Township.
Maddie-Jeanne Cormier est diplômée du baccalauréat en traduction professionnelle de l’Université de Sherbrooke.
Notes de bas de page
[i] What is Upcycling, Anyway? (n.d.). Retrieved December 18, 2017, from https://hipcycle.com/what-is-upcycling
[ii] Un tableau SVA permet aux étudiants de garder une trace de ce qu’ils savent (S) déjà sur le sujet et de ce qu’ils veulent (V) apprendre sur le sujet avant la leçon. La dernière section permet aux étudiants de noter ce qu’ils ont appris (A) après la leçon.
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