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La guerre des plantes : les envahisseurs du parc perdu

Par Daniella Rubeling

Traduction par Nicolas Hince

Imaginez la scène : un autobus scolaire s’arrête dans un parc près de chez vous, et un groupe d’élèves en descend. La première chose que vous entendez est un jeune garçon qui demande :  “Est-ce que ce sont des chardons des champs? Quand est-ce qu’on pourra les arracher? Est-ce qu’il y a des marguerites blanches ici? On peut aider à les arracher !” Puis, une fillette s’exclame : “On a tout appris sur les plantes envahissantes dans le spectacle ‘La guerre des plantes’, et on nous a dit qu’on pourrait aider à s’en débarrasser !”

Peut-être avez-vous un programme de formation sur les espèces envahissantes déjà bien établi et voudriez-vous le voir prendre de l’ampleur? Peut-être vous occupez-vous du cours d’art dramatique et avez-vous envie d’expérimenter le théâtre éducatif?

Au cours de l’hiver et du printemps de 2012, la société des parcs provinciaux de l’Ontario et le programme municipal en matière d’espèces envahissantes ont mis en commun ces deux intérêts. En effet, ils ont créé un partenariat avec les responsables du cours d’art dramatique d’une école secondaire dans le but de mettre sur pied des programmes d’interprétation sur les espèces envahissantes destinés aux écoles primaires des environs. Ce partenariat a permis de former de véritables ambassadeurs parmi nos élèves du secondaire, de sensibiliser plus de 1350 élèves du primaire et de renseigner la collectivité au sujet des espèces envahissantes et de leur éradication.

La recherche de partenaires

Commencez par établir vos objectifs concernant la sensibilisation aux espèces envahissantes. Voulez-vous simplement trouver une méthode différente pour diffuser un programme éducatif déjà existant? Cherchez-vous des ressources pour en créer un de toutes pièces? Quel groupe d’âge souhaitez-vous sensibiliser par votre programme? Quels aspects voulez-vous aborder? Lorsque vous êtes en mesure de répondre à ces questions, vous pouvez commencer à chercher les ressources accessibles dans votre milieu.

Tout dépendant de votre point de départ, plusieurs avenues sont à explorer. En voici quelques-unes :

  • Une classe d’art dramatique ou une troupe de théâtre locale
  • Les rubriques éducatives et d’interprétation de l’environnement des parcs municipaux/provinciaux/nationaux
  • Le programme municipal de lutte contre les espèces envahissantes
  • Les groupes régionaux de lutte contre les espèces envahissantes (par ex. l’AIPC, soit le conseil albertain sur les plantes envahissantes
  • Les écoles primaires des environs)
  • Les parcs et espaces verts avoisinants (informez-vous à savoir si des groupes d’employés ou de bénévoles y travaillent)

Établissez un dialogue avec des groupes de votre collectivité qui partagent les mêmes objectifs que vous. Au fil des discussions, vous serez peut-être surpris d’apprendre que certains ont également des programmes axés sur les espèces envahissantes, et que certains groupes, que nous pourrions qualifier de non tradictionnels, peuvent aussi vous venir en aide.

Dans notre cas, nous (les parcs de l’Alberta) avons été contactés par le coordonnateur du programme de lutte contre les plantes envahissantes de la Ville de Canmore, qui voulait savoir si nous pouvions présenter une de nos pièces de théâtre d’interprétation des espèces envahissantes dans une de ses écoles primaires. Un budget était prévu pour de la sensibilisation aux espèces envahissantes, mais aucune activité précise n’avait été élaborée. Nous avions déjà monté une comédie musicale dont le titre était Plant Wars: Invaders of the Lost Park. Écrite et présentée dans nos parcs à l’été 2009, la pièce avait été jouée dans des écoles, avant de remporter, en 2010, un prix Gold dans le cadre des Interpretation Canada Awards of Excellence.

Le spectacle raconte l’histoire de Marguerite, une fleur étrangère (mais non envahissante) qui tente de comprendre la différence entre des plantes indigènes, étrangères et envahissantes. Pendant ce temps, le méchant envahisseur Darth Invader, le chef des plantes envahissantes, tente de convaincre Marguerite de passer du côté obscur. Puis, nous rencontrons Rose acidulaire, une fleur qui cherche à être pollinisée par une abeille, ainsi que les vilains Pissenlits et les Chardons des champs, qui révèlent à quel point il est facile pour ces plantes de se multiplier. Vers la fin, Marguerite dévoile la vraie nature de Darth Invader, qui est en réalité Renoncule âcre, et invite le public à se débarrasser de Darth et de ses acolytes.

Au moment de la demande du coordonnateur, nous n’avions pas suffisamment de personnel pour présenter le programme nous-mêmes. C’est pourquoi nous avons entamé des discussions avec l’enseignante en art dramatique de l’école secondaire de l’endroit, afin de sonder son intérêt pour un possible partenariat. En même temps, nous travaillions avec notre équipe de formation à l’environnement pour trouver des programmes déjà présents sur le terrain qui pourraient être un complément au spectacle. Nous avons commencé par communiquer avec les écoles primaires afin de mousser l’intérêt pour notre programme.

La conception du programme.

Une fois que vous avez une bonne idée des personnes qui participeront au projet, vous pouvez entamer le processus de planification. Pour ce faire, posez-vous les questions suivantes :

  • Quelles sont les ressources (temps, personnes, publications imprimées, programmes éducatifs, aptitudes) que chaque groupe doit fournir?
  • Quelles sont les échéances? Quand voulez-vous que procéder au lancement de votre programme?
  • De quel soutien avez-vous besoin? (parents bénévoles, financement, local de répétition, matériel)?
  • Pouvez-vous obtenir la participation des médias locaux (radio, journaux, etc.)?

Rencontrez votre équipe et amorcez la planification. Faites-vous un échéancier qui fait état des progrès attendus et des objectifs, puis affectez les gens à des tâches précises. Plus vous vous empresserez d’amorcer la promotion de votre programme et mettrez de l’avant vos partenariats, plus vous susciterez un engouement au sein de la collectivité et ferez des plantes envahissantes un sujet de conversation récurrent parmi la population.

Comme nous voulions concentrer nos activités sur le terrain en mai et juin, nous sommes revenus dans le temps à partir de la date de nos présentations pour établir notre échéancier. L’enseignante en art dramatique de l’école secondaire est repartie avec le texte de la pièce et a invité un groupe de jeunes âgés de 15 ou 16 ans à le répéter. J’ai été en mesure de trouver du temps libre pour rencontrer ces élèves du secondaire et leur donner une formation sur les techniques utilisées en théâtre éducatif, pour fabriquer et choisir les costumes, mais aussi pour définir les objectifs du programme. Des parents bénévoles nous ont aidés à fabriquer les costumes. Nous avons fixé toutes les dates des représentations et des sorties sur le terrain dans les écoles primaires. Nous avons commencé à diffuser de l’information à propos de notre programme, aussi bien à l’interne, au sein de la société des parcs de l’Alberta, que dans les journaux ainsi qu’à la radio de la région. Tout au long du processus, la Ville de Canmore nous a aidés financièrement en améliorant les systèmes de son et en acquittant les frais de transport pour la tournée de représentations ainsi que de remplacement de l’enseignante en art dramatique.

Comme nous voulions vraiment faire parler de nous dans la population, nous avons invité le grand public à deux représentations, en soirée, dans la salle de spectacle de l’école secondaire.

La mise en oeuvre

En route! C’est le temps d’aller présenter le spectacle. Une fois que tout est en place, continuez à prendre en note ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce que vous pourriez faire pour améliorer la prochaine représentation. Si vous connaissez une façon d’attirer d’autres partenaires à des représentations publiques (hors contexte scolaire), tentez votre chance. Cela vous permettra de développer vos liens avec des personnes du milieu, et certains partenaires éventuels sont susceptibles d’offrir d’étonnantes occasions aux participants qui sont particulièrement engagés dans le projet.

Assurez-vous d’avoir invité les médias locaux pour qu’ils couvrent votre présentation et parlent du programme. N’oubliez surtout pas d’obtenir une décharge des parents ou tuteurs au sujet des photos et vidéos de leur enfant qui pourraient être diffusées; vous voudrez évidemment célébrer et documenter le succès du programme. En fait, je me dois d’insister sur ce point en particulier : documenter, documenter, documenter.

Nous avons présenté le spectacle dans cinq écoles différentes et à deux regroupements civils. La première représentation a été particulièrement stressante : l’autobus était en retard, nous utilisions le système de son pour la première fois, et c’était également la première fois que nous faisions participer des gens du public à notre pièce. Les élèves du cours d’art dramatique étaient nerveux, fébriles, et bien que le public fût attentif, il n’était pas des plus démonstratifs. Qu’à cela ne tienne, les élèves ont rapidement adopté une routine bien huilée. Ils ont par la suite réussi à être prêts à l’heure, tout en collaborant avec d’autres élèves bénévoles, pour présenter un spectacle devant des auditoires record pour la classe d’art dramatique (dont, une fois, devant plus de 300 élèves). Une fois le spectacle bien rodé, il a reçu des tonnes des commentaires positifs de la part des élèves comme des enseignants. À chaque représentation, nous procédions à quelques changements afin de rendre celle-ci meilleure que la précédente. Pour améliorer l’expérience de la classe d’art dramatique et des écoles primaires, la Ville de Canmore a fourni des chandails au nom du programme, des gourdes ainsi que des publications imprimées à tous les élèves du programme.

Pour les programmes destinés au grand public, nous voulions offrir encore plus d’activités. La Ville de Canmore a donc installé un présentoir du programme d’espèces envahissantes tout en offrant du matériel informatif, des autocollants, des gourdes et des dépliants aux gens. De plus, les bénévoles du Bow Valley Park ont installé un stand où ils invitaient la population à prendre part à des activités de désherbage et de surveillance de certains lieux vulnérables.

Après avoir assisté à Plant Wars: Invaders of the Lost Park (La guerre des plantes : les aventuriers du parc perdu), les élèves de 4e année de cinq écoles primaires différentes se sont rendus jusqu’au Bow Valley Park pour une journée de classe verte. Ils ont appris quelles plantes indigènes s’y trouvaient, et ont acquis des connaissances sur les besoins des végétaux. Différents jeux et activités peuvent être organisés afin de démontrer la manière dont certaines espèces de plantes en viennent à envahir un espace vert. La dernière portion de la journée a été consacrée à l’arrachage de chardons des champs dans un secteur très fréquenté du parc. Il s’agissait sans aucun doute de l’activité la plus attendue par les élèves, qui ont enfilé les gants de travail avec plaisir.

Si c’était à refaire

Bien que le programme ait été un succès sur toute la ligne, il n’en demeure pas moins que nous aurions pu concrétiser plusieurs autres idées et suggestions si nous avions bénéficié de ressources illimitées.

Faire participer les élèves d’art dramatique aux classes vertes du primaire

Si nous avions été en mesure de planifier la chose, nous aurions pu faire en sorte que les élèves d’art dramatique qui ont présenté le spectacle participent aux sorties dans la nature avec les élèves de 4e année. Ainsi, ils auraient pris pleinement conscience de leur propre influence sur ces enfants et des effets tangibles du spectacle qu’ils avaient monté. Nul doute qu’ils s’en verraient valorisés et encore plus convaincus de la place qui leur revient dans leur milieu.

Créer des jardins de plantes indigènes dans la cour des écoles participantes

En collaborant avec un centre de jardinage local, nous aurions pu aménager, près de chaque école, un jardin dans lequel pousseraient des plantes indigènes. Plusieurs classes de l’école, des familles ainsi que d’autres membres intéressés de la collectivité pourraient se rassembler pour une journée de jardinage, à laquelle serait intégré un segment éducatif sur les espèces indigènes qui nous intéressent.

Aider les élèves à écrire leur propre pièce

En combinant les cours de science et d’art dramatique, nous pourrions amener les élèves à créer leur propre comédie musicale sur les espèces envahissantes. Le fait que les élèves effectuent eux-mêmes la recherche et participent au développement du programme contribuerait à augmenter leur engagement à sensibiliser les gens à la présence de plantes envahissantes et à leur éradication. Ce projet pourrait se déployer dans plusieurs matières du programme scolaire et s’étendre sur toute l’année, ce qui permettrait à ces jeunes de réellement prendre conscience du rôle qu’ils ont à jouer dans leur milieu.

Établir des liens durables

En raison d’un certain roulement de personnel, nous n’avons pas été en mesure de poursuivre notre collaboration avec le cours d’art dramatique de l’école secondaire. Nous avons cependant fait en sorte que du personnel du programme d’interprétation de la société des parcs de l’Alberta continuent de chapeauter la présentation du spectacle et l’organisation de classes vertes sur les espèces envahissantes pour les écoles primaires des environs, et ce, en collaboration avec la Ville de Canmore. À n’en pas douter, un enseignant passionné peut à lui seul être la bougie d’allumage d’un projet axé sur le partenariat. Idéalement, toutefois, cette collaboration se perpétuerait d’année en année afin de devenir partie intégrante de la culture collective en matière de formation à la lutte contre les espèces envahissantes.

Tirer parti de vos propres ressources humaines

Comme je l’ai mentionné, le personnel d’interprétation des parcs de l’Alberta continue d’assurer la présentation de spectacles en lien avec les plantes envahissantes chaque printemps (en remplacement de celui monté par les élèves d’art dramatique de l’école secondaire). Nous avons réussi à maintenir le programme en vie en tablant sur nos propres ressources. Si vous êtes dans l’impossibilité d’établir un partenariat avec une école secondaire ou quelque autre groupe, vous pouvez très bien former votre propre troupe de théâtre.

Élaborer du matériel promontionnel

Nous disposions d’articles promotionnels tels que des autocollants, des gourdes et des emballages de graines de plantes indigènes affichant le slogan : « Not all flowers are friendly » (« Les plantes ne sont pas TOUTES utiles »). La Ville de Canmore s’était chargée de faire produire cette marchandise et en avait assumé les coûts. Il aurait été intéressant, par contre, d’avoir aussi du matériel affichant le nom des trois partenaires derrière ce projet. Des chandails, des gourdes, des guides sur les plantes envahissantes et indigènes du milieu, des emballages qui contiennent des semences de plantes indigènes, même des brochures proposant des conseils de jardinage ou des ateliers sur les plantes indigènes, tout cela peut aider votre programme à sensibiliser le plus de gens possible.

Ma participation à ce projet s’est avérée une expérience très inspirante et enrichissante. Voir les élèves d’art dramatique prendre la responsabilité de la formation sur les plantes envahissantes, apprendre à faire du théâtre éducatif et avoir du plaisir à présenter la pièce puis à récolter les applaudissements m’a fait prendre conscience que les jeunes peuvent eux aussi être d’excellents formateurs en environnement. En cherchant des collaborateurs un peu partout, nous avons réussi à monter un projet sur les espèces envahissantes qui a su tirer profit des ressources du milieu. En ce moment, nous sommes en pourparlers avec une ville voisine de Canmore en Alberta, Cochrane, afin d’élargir la portée du programme pour que ses écoles en profitent aussi, ce qui témoigne du succès et de la popularité de notre programme.

Si vous voulez sensibiliser les gens de votre région aux plantes envahissantes et établir des liens avec divers groupes non tradionnels pour concrétiser votre projet, il est important de bien planifier et de connaître les ressources dont vous disposez déjà, de passer à l’action tout en documentant le processus, mais surtout de ne pas oublier de voir grand : il se pourrait bien que toute la collectivité embarque!

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Daniella Rubeling est passionnée par la nature, les parcs et l’engagement communautaire. Titulaire d’un baccalauréat en biologie animale et d’une maîtrise en éducation et en communication environnementales, elle possède 14 ans d’expérience en interprétation. Elle occupe maintenant le poste de superviseure de l’interprétation pour les Parcs de L’Alberta dans la région de Kananaskis.

Nicolas Hince est finissant au baccalauréat en traduction professionnelle de l’Université de Sherbrooke.

Article tiré de Teaching about Invasive Species, paru dans la revue Green Teacher en octobre 2014, ISBN 978-0-9937753-3-8, 80 p.

Voir la publicité sur la 2e de couverture pour plus de détails à propos de ce numéro.

Ce qui précède est une traduction de « Plant Wars: Invaders of the Lost Park » qui a été publié en Green Teacher 104, Automne 2014.

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